Cet article développe un aspect traité dans le livre Guimard L’Art nouveau du métro, paru en 2012 aux éditions La Vie du Rail.
Dans un précédent article, nous avons vu que Guimard avait dû modifier la fixation du porte-enseigne des portiques des entourages découverts du métro. Cette notion repose sur l’observation d’un dessin ancien provenant de l’agence de Guimard et sur la comparaison entre ce dessin et l’état existant. Le dessin montrait clairement que Guimard avait primitivement eu l’idée de fixer les deux fontes du porte-enseigne aux arches par des rivetages transversaux.
Mais il a rapidement dû se rendre à l’évidence que ce mode de fixation était trop fragile et devait être sérieusement renforcé par une lame de fer passant sous le porte-enseigne et de fixations placées, cette fois, dans le plan frontal.
Fort de cette certitude, si on descend le regard le long des arches et que l’on observe leur mode de fixation sur les piliers, on peut légitimement se demander si, là aussi, Guimard n’aurait pas eu à renforcer le système de fixation qu’il aurait primitivement imaginé. Mais faute d’un dessin ancien rendant compte de sa première idée qui aurait pu être similaire à celle envisagée pour la fixation du porte-enseigne, nous en sommes cette fois réduit à émettre une hypothèse.
Grâce à la RATP, nous avions eu la possibilité de photographier séparément en atelier un pilier et une arche. La partie inférieure de cette dernière est creuse afin de venir coiffer une encoche qui fait protrusion sur le coté intérieur du pilier.
Il est fort probable que Guimard avait l’intention de fixer l’arche à ce niveau en deux points. La première fixation était prévue avec un boulon traversant l’arche et le pilier. Ce boulon, qui sera conservé dans le montage final, prend place sur l’arche au niveau d’un gros renflement où la matière semble refoulée par la pression qu’il exerce.
Un second point de fixation était sans doute prévu plus bas, à l’extrémité inférieure de l’arche. Il nous semble que le modelage de cette extrémité présente elle aussi un renflement autour d’un creux qui aurait pu être l’emplacement du point de fixation. S’il a effectivement été envisagé, ce point de fixation ne sera pas conservé dans le montage final.
Guimard va en effet renforcer la fixation de l’arche sur le pilier en se servant — comme pour celle du porte-enseigne inférieur sur l’arche — d’une lame de fer. Celle-ci vient se placer verticalement, dans un creux ménagé du côté intérieur de l’arche. Cette dernière a été complètement évidée face à l’encoche du pilier, de façon à ce que la lame puisse être vissée par taraudage à cette encoche. Plus haut, le vissage de la lame se poursuit en plusieurs points sur l’arche. Il n’assure alors plus le maintien de l’arche sur le pilier mais lui procure un soutien efficace. Sans elle, le risque de casse de cette pièce en fonte n’est pas négligeable en raison de sa position en porte-à-faux. La lame se termine sous la fixation de l’extrémité latérale du porte-enseigne. Sa présence passe le plus souvent inaperçue grâce à un masquage des joints par du mastic, le tout étant unifié par la peinture.
L’observation attentive du montage du montage du porte-enseigne sur les arches puis des arches sur les piliers a donc révélé une particularité : le fait qu’en adaptant son modelage aux impératifs techniques, Guimard en profite pour suggérer une déformation de la matière par l’application de forces de pression par les points de fixation. En raison du changement de mode de fixation qu’il a dû adopter en s’aidant de lames de fer et en abandonnant certains points de fixation, cette suggestion visuelle est devenue moins évidente.
Mais cette idée de déformation de la matière est également présente sur d’autres éléments du métro comme les pattes de fixation des potelets.
Elle est plus visible encore sur les pattes de fixations inférieures des écussons qui semblent étirées et pressées autour du point de fixation.
On peut aussi retrouver de semblables idées de déformation de la matière dans certaines des fontes artistiques de Guimard éditées à Saint-Dizier.
En dehors de toute intervention humaine, Guimard se plait aussi à représenter l’action d’une force naturelle, celle de la pesanteur.
Pour le métro, les bases des poteaux antérieurs des entourages secondaires, en débordant de leur socle en pierre illustrent également cette action de la pesanteur.
Cette suggestion de l’application de forces se conçoit aisément lors de la phase de modelage qui est effectuée avec de la terre glaise. Elle paraît sans doute moins légitime sur le tirage final en fonte, un matériau qui n’est pas particulièrement déformable. Cependant, il n’est pas impossible que Guimard ait voulu rappeler qu’avant de se figer, la fonte est passée par un état liquide qui a permis de la couler.
F. D.
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