Une ou plusieurs fois par an, en salle de ventes aux enchères ou sur Internet, apparaissent des plaques en tôle émaillée portant des noms de stations du métro parisien. On reconnaît facilement, à leur forme et à leurs couleurs, les plaques indicatrices, placées au recto et au verso des porte-plans des entourages à écussons de Guimard. Surnommées les « cornichons » dans le jargon des techniciens de maintenance de la RATP, ces plaques sont toujours données par le vendeur comme étant une œuvre d’Hector Guimard. Or, nous savons que les porte-plans ne sont pas de Guimard et que, de plus, de nombreuses photos prouvent que ces « cornichons » ne sont même pas leurs plaques primitives.
Il est infondé d’attribuer ainsi à Hector Guimard tous les appendices qui ont pu être ajoutés depuis plus d’un siècle sur les entourages d’origine du métro créés en 1900, tout d’abord par la Compagnie du Métropolitain de Paris (CMP), puis par la RATP. De tous ces équipements hétéroclites, il nous reste encore aujourd’hui l’emblématique plan de réseau et sa lanterne d’éclairage, ainsi que la plaque émaillée portant le nom de la station.
À la suite d’un conflit financier entre le concessionnaire du métro et Guimard, ce dernier abandonne tous ses droits artistiques au travers d’une convention à l’amiable signée entre les deux parties le 1er mai 1903. À cette époque, les entourages du métro ne comportent ni plaque permettant de repérer la station, ni plan du réseau. Comme il n’existe alors que deux lignes, le voyageur n’a aucune difficulté pour se repérer dans Paris.
Après cette date de 1903 et malgré quelques tentatives infructueuses, Guimard, remplacé par d’autres architectes et par les ingénieurs de la CMP, ne participera plus du tout à l’équipement de surface des stations. La CMP continuera à installer ses entourages (agréés par la Ville de Paris) sur les nouvelles lignes, jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Il faut aussi rappeler que la CMP, société au statut de droit privé, en acceptant d’être le concessionnaire du métro de la Ville de Paris se trouve entièrement sous la tutelle réglementaire du Conseil municipal. Parmi ses multiples obligations, il lui incombe de construire et d’entretenir les accès vers la voie publique.
Ce n’est qu’en 1910, avec la complication progressive du réseau ouvert au public que le Parisien dérouté n’arrive plus, depuis la chaussée, à reconnaître le nom de la station située sous ses pieds. Les élus municipaux reprennent alors à leur compte ces récriminations populaires et par cinq fois le Conseil municipal réclamera en vain que l’on appose une plaque indicatrice portant le nom de la station. Cette mesure sera finalement imposée par une délibération le 11 décembre 1911. La CMP se résoudra alors à obtempérer en concevant un panneau porte-plan comprenant le plan du réseau surmonté de sa lanterne d’éclairage et de la plaque indicatrice du nom de station en tôle émaillée. Dans un style encore proche de l’Art nouveau, ce porte-plan est déjà une sorte de pastiche greffé sur l’entourage Guimard. Ce modèle sera approuvé par le Conseil municipal le 31 décembre 1912 et ses nombreux exemplaires, sans doute exécutés par le serrurier parisien Gobert, seront déployés les années suivantes. Comme on peut le voir sur cette photo des plus anciennes de la station Anvers, les cotés latéraux de la plaque indicatrice en tôle émaillée bombée sont concaves et ne remplissent pas la totalité du cartouche de forme effilée au-dessus du plan du réseau. La plaque laisse à découvert de part et d’autre deux emplacements latéraux où sont découpés trois motifs en virgules.
Cette disposition va perdurer quelques décennies, au moins jusqu’en 1945, comme en fait foi cette carte-photo d’un soldat posant devant l’entourage de la station Place d’Italie.
En fait, durant toute cette période, de multiples configurations ont existé, tant dans les formes, les dimensions et les couleurs de ces plaques qui sont le plus souvent à lettrage clair sur fond foncé. Mais on sait grâce à un autochrome pris le 1er mai 1920 à la station Porte d’Auteuil (collection Musée Albert Kahn, non reproduite ici) que certaines plaques peuvent aussi être de couleur jaune avec un lettrage foncé. Dans ce cas, ces couleurs semblent agir comme un rappel de celles des enseignes « METROPOLITAIN » en lave émaillée placées sur les portiques des entourages. Sur certains porte-plans, les découpes de tôle en forme de virgules ont disparu.
C’est sans doute autour de la Seconde Guerre mondiale que tous ces modèles de plaques indicatrices primitives disparaissent sans avoir, à notre connaissance, fait l’objet d’une récupération et d’une commercialisation par la suite. Elles sont remplacées par un nouveau modèle unifié de plaques après la Seconde Guerre Mondiale et parfois avant, comme le prouve la photographie de dommages de guerre de la station Kléber (photothèque de la RATP, non reproduite ici). Toutes sont de couleur jaune avec des lettrages vert foncé de divers styles. Elles occupent à présent la totalité du cartouche et c’est cette nouvelle découpe qui leur vaudra leur surnom de « cornichons ». La place récupérée sur les extrémités effilées sert alors à placer le ou les numéros de lignes auxquels l’entourage donne accès. Ce sont bien ces plaques que nous retrouvons à l’heure actuelle proposées à la vente.
Les lettrages des « cornichons » ont été dessinés par des « peintres en lettres » plus ou moins talentueux, mais évidemment jamais par Guimard. Ils choisissent le plus souvent d’imiter des lettrages de style Art nouveau ou même parfois une police de caractères inspirée du lettrage des enseignes en lave émaillée de Guimard (la Métropolitaines).
Il n’y a pas eu de politique définie quant au style de lettrage employé. Au fur et à mesure du renouvellement du matériel mis en place, certains vont garder un lettrage de style Art nouveau. D’autres recevront un lettrage « bâton ».
Pour les restaurations de l’an 2000, liées au centenaire du métro, la RATP confiera aux graphistes spécialisés David Poullard et Julien Gineste, le soin d’uniformiser toutes ces plaques indicatrices par la conception d’une nouvelle police de caractère, inspirée des lettrages des enseignes en lave émaillées de l’architecte, qu’ils baptiseront Métropolitaine (sans « s » cette fois).
Toutes les plaques indicatrices antérieures sont donc déposées pour être remplacées. Un nombre indéterminé est alors récupéré par des collectionneurs entraînant de facto un nouveau marché de revente. Plus étonnant, une plaque au graphisme actuel, composée en Métropolitaine, destinée à l’entourage Guimard du métro de Montréal (Square Victoria) et présentant un défaut, s’est retrouvée sur eBay.
Outre les « cornichons », d’autres appendices se sont retrouvés en vente comme la coque arrondie en tôle protégeant la lampe d’éclairage du porte-plan. Même sans connaître l’histoire de cet objet, le caractère grossier de ses lignes décoratives devrait décourager quiconque de l’attribuer à Guimard.
En conclusion : aucun des « cornichons » en tôle émaillée jaune avec le nom de station en vert ne peut donc être de Guimard puisque les plus anciens sont apparus au minimum plusieurs décennies après la rupture entre l’architecte et la CMP. Les acquéreurs éventuels de tous ces objets qui fleurissent sur les sites Internet avec des notices inexactes et flatteuses n’achètent en réalité que le souvenir d’un métro ancien et non une œuvre d’Hector Guimard.
À 800 €, 1000 €, voire même 2500 € pièce, on peut d’ailleurs se demander lequel de l’acheté ou de l’acheteur est le véritable « cornichon »…
André MIGNARD
Ancien responsable à la RATP de la mission historique Guimard
Comme le savent les connaisseurs des ouvrages du métro de Guimard, l’entourage de la station George V se trouve aujourd’hui, démonté, au sein des réserves municipales de la ville de Nogent-sur-Marne.
Cette station est ouverte à l’exploitation le 13 août 1900 et s’appelle alors station de l’Alma. Implantée du côté des numéros impairs de l’avenue des Champs-Elysées, elle fait partie du premier chantier du métro, ouvert entre le 19 juillet et le 13 décembre 1900, qui comprend la ligne 1 ainsi que les deux petits tronçons des futures lignes 2 et 6. Parmi ses ouvrages d’entrée et de sortie, tous confiés à Hector Guimard, on compte 12 entourages découverts à écussons (par opposition aux édicules A et B et aux pavillons de places de l’Etoile et de la Bastille). En octobre 1900, au sein d’un article de la revue l’Art Décoratif, l’entourage de la station Avenue de l’Alma bénéficie d’une belle reproduction photographique où l’on voit son portique provisoire en bois. Les portiques définitifs ne seront en effet mis en place que dans le courant de l’année 1901.
Ces entourages découverts sont eux-mêmes de deux types : à fond carré (comme les édicules A) ou à fond arrondi (comme les édicules B). Dans le cas de la station de la rue de l’Alma, il s’agit d’un fond arrondi. C’est précisément ce modèle qui sera repris pour les entourages des stations des sections souterraines de la ligne 2 que Guimard supervisera de façon partielle avant de rompre son contrat avec la CMP.
Pour assurer la fonction de signalisation, Guimard dote ces entourages d’un élégant portique formé de deux candélabres réunis en hauteur par deux pièces de fonte où s’insère l’enseigne en pierre de lave émaillée recto-verso. La plupart des entourages découverts – qu’ils soient à fond arrondi ou à fond carré – ont une largeur de trémie de trois mètres qui détermine ainsi la taille des pièces en fonte du porte-enseigne, mais aussi de la largeur de l’enseigne et le type du graphisme. Car dans le cas d’une largeur plus importante (3,50 m à Palais Royal), Guimard crée une enseigne un peu plus large dont le graphisme est différent. Pour la station de l’Avenue de l’Alma, il s’agit du modèle que nous avons appelé « entourage grand A » employé pour une trémie de 3 mètres. Cette enseigne est signée « Hector Guimard Archte », de la même manière que le sont les autres enseignes de ce premier chantier.
Rebaptisée « George V » en 1920 en l’honneur du souverain britannique, la station semble avoir subi peu de changements, hormis la perte de ses verrines originales (globes rouges d’éclairage), jusqu’au démontage de son entourage en 1974. Avant cette époque, la RATP avait l’habitude de « cannibaliser » ses entourages Guimard, c’est-à-dire d’en récupérer les pièces et de les stocker (sans mention de leur station d’origine) pour les réutiliser sur un autre entourage en cas de bris de pièce. Elles ont aussi servi à reconstituer des entourages plus ou moins complets donnés à des musées ou à des institutions. Mais dans les années 70, sensible au changement de perception dont l’Art nouveau fait l’objet, et antérieurement à l’inscription à l’inventaire des monuments historiques de 1978 de la totalité des ouvrages Guimard subsistants, la RATP va préférer, lorsque des travaux d’infrastructures ou de voirie l’imposeront, déplacer les entourages Guimard sur d’autres sites. Parallèlement, en 1974, le maire de Nogent-sur-Marne, dans une démarche patrimoniale du même genre que celle qui lui avait fait récupérer un pavillon des halles de Baltard, acquiert l’entourage de la station George V. Depuis lors, ce dernier est simplement placé en réserve, en pièces détachées.
Il semble qu’il puisse à présent être prochainement remonté pour être présenté au public. En l’absence de station de métro à Nogent (à ne pas confondre avec une gare du RER), il nous semble que l’entourage pourrait faire l’objet d’une présentation similaire à celle adoptée dans deux musées américains (à la National Gallery of Art de Washington et au Toledo Museum of Art), c’est à dire d’une implantation en extérieur, sur une surface où la trémie est simplement esquissée, ce qui permettrait au public d’en apprécier de près et sans danger les qualités à la fois décoratives et structurelles.
Sachant qu’il reste à Paris soixante entourages Guimard découverts à écussons, dont une bonne proportion sont à fond arrondi, quel est pour l’historien, l’intérêt primordial de l’entourage George V ? Il s’agit bien du seul entourage à écussons à fond rond et à largeur de trémie de 3 mètres subsistant du premier chantier du métro en 1900, dont nous savons qu’Hector Guimard a supervisé l’installation. S’il est possible que certaines pièces de fonte aient été remplacées au cours des sept décennies de son existence parisienne, il est en revanche presque certain que cet entourage n’a pas reçu de fontes réalisées par surmoulage par la fonderie GHM, qui sont apparues sans doute à partir de 1976. Il n’a pas non plus été touché par les grandes restaurations de 1998-2002 au cours desquelles beaucoup de pièces ont été restaurées ou remplacées. Il sera en particulier intéressant de vérifier notre hypothèse de l’existence de deux types de cintrages pour les écussons du fond arrondi.
Frédéric Descouturelle,
avec la collaboration d’André Mignard
Notre intention est de dresser à terme un catalogue le plus complet possible des fontes d’Hector Guimard et surtout d’en examiner les conditions de création, de diffusion et d’utilisation. Cette étude sera elle-même incluse au sein d’une réflexion plus vaste sur l’utilisation par Guimard des matériaux architecturaux.
Dans un premier temps, nous présentons les modèles de fontes produites par trois fonderies : Durenne, Le Val d’Osne et Bigot-Renaux.
Plutôt que de classer chronologiquement les fontes — ce qui pouvait souvent s’avérer délicat — nous avons en effet choisi de les présenter par fonderie, puis par chantier. Cette méthode présente l’avantage de regrouper d’importants ensembles.
Ainsi toutes les fontes conçues pour le Castel Béranger (1895-1898) ont été éditées par Durenne, à l’exception des chéneaux et des tuyaux de descente.
Toutes celles du Métropolitain (1900-1903) ont été confiées par Guimard et la CMP au Val d’Osne, là aussi à l’exception des chéneaux et des tuyaux de descente. Ces derniers éléments sont demandés à la troisième fonderie, Bigot-Renaux, dont il constituent la spécialité et à qui Guimard demandera encore d’autres modèles de chéneaux. À l’exception, peut-être, de quelques modèles reproduits sur le catalogue de Bigot-Renaux, toutes les fontes de ce premier répertoire ont un caractère exclusif, c’est à dire à l’usage des seules constructions de Guimard. Nous ajoutons à ce premier répertoire plusieurs fontes restées, à ce jour, de fondeur inconnu.
Très différent sera le second répertoire, consacré aux fontes produites par la seule fonderie Leclerc de Saint-Dizier qui, à l’exception des fontes exclusives destinées à la Salle Humbert de Romans (1898-1901), va tenter avec Guimard la diffusion sur catalogues, à partir de 1909, d’un important corpus de fontes architecturales, de jardins et de sépultures.
Mis à jour le 2 juin 2016 – version 1.6 :
Télécharger le répertoire des fontes (1ère partie) version 1.6 – PDF ; 9,6 Mo
La 2ème partie sera accessible uniquement aux adhérents.
Modification de l’introduction du chapitre.
Modification de la légende du modèle en plâtre de la fonte D-15.
Nouvelle fonte : V-89. Console de soutien du chéneau d’angle sur le pilier d’angle arrière de l’aile gauche et les piliers d’angle avant et arrière de l’aile droite du Pavillon Bastille.
Suppression de la fonte V-53, identique à la fonte V-49.
Modification de la légende de la fonte V-87.
Modification de la bibliographie.
Fontes Durenne
Nouvelles fontes :
Fontes Val-d’Osne pour le métro
Nouvelles fontes :
Photographie d’un écusson cintré V-10b.
Fontes Bigot-Renaux
Nouvelles fontes :
Suppression des fontes :
Fontes Val-d’Osne pour le métro
Nouvelles fontes :
Suppression du numéro V-89.
Fontes Val-d’Osne pour le métro
Suppression des numéros V-72 à V-82 (en céramique est non en fonte).
Fontes d’origine inconnue
Nouvelle fonte :
Fontes Durenne
Nouvelle fonte :
Fontes Val-d’Osne pour le métro
Nouvelles fontes :
Photographies de la RATP des fontes démontées de l’édicule B.
Photographie de V-86, parclose supérieure des vitrages ayant appartenu à l’un des trois pavillons.
Fontes Bigot-Renaux
Nouvelles fontes :
Changements de référence
B(?)-21a, B(?)-21b, B(?)-21c deviennent B(?)-25a, B(?)-25b, B(?)-25c
Photographies du tuyau de descente B-5a.
Fontes d’origine inconnue
Suppression du poteau I-7
I-8 devient I-7, I-9 devient I-8, I-10 devient I-9
L’exposition que le Musée d’Orsay présente jusqu’au 4 février 2010 nous montre les diverses influences de l’Art nouveau dans plusieurs domaines artistiques – la décoration, le mobilier, le design, etc. – depuis 1933 avec l’article de Salvador Dali dans la revue Minotaure jusqu’à la fin des années 1960 avec les graphismes psychédéliques des pochettes de disques.
La confrontation de pièces Art nouveau avec leurs avatars nous permet ainsi de redécouvrir quelques pièces de Guimard telles que des éléments du métro, le projet de couverture pour la Revue d’art ou une superbe étude pour un panneau de lave émaillée.
Parmi les nouveaux produits issus de l’imagination de nos postiers, dans la série « Collector Timbré » est sorti ce 27 avril 2009 un bloc « Paris 2009 » de 10 timbres autocollants illustrés d’autant de clichés symbolisant Paris. Parmi ces symboles, nous retrouvons bien entendu le métropolitain, et plus précisément le détail d’une entrée de métro d’Hector Guimard.
Le cadrage serré du timbre présente un candélabre avec son globe rouge et l’enseigne en lave émaillée avec l’inscription « Métropolitain ». La tonalité jaune fortement marquée de l’image a peu à voir avec les couleurs du timbre émis en 1994 représentant l’écusson en fonte qui compose le garde-corps des stations. Mais quinze ans séparent ses deux timbres ; à quand la prochaine pièce du puzzle ?
Ce bloc « Paris 2009 » est disponible dans les bureaux de poste ou sur le site Internet de La Poste, et ces timbres à validité permanente vous permettront d’affranchir élégamment vos courriers.