« L’ornementation de Guimard n’est rien d’autre que l’anamorphose cylindrique des symétries héréditaires. » Salvador Dali.
Il y a peu de chance que cette citation du célèbre peintre catalan nous aide à mieux comprendre le style de Guimard, mais elle montre à quel point son œuvre peut être sujette à diverses interprétations ou révéler de multiples influences. Comme le souligne Philippe Thiébaut, l’ornement chez Guimard combine de façon originale naturalisme et abstraction. Il est bien connu que cette alliance lui a été partiellement inspirée par le style développé par Horta à Bruxelles à partir de 1893, mais nous aimerions avancer une hypothèse supplémentaire à son origine, hypothèse qui nous a été suggérée par certains des éléments du décor du Castel Béranger (1895-1898).
L’immeuble présente sur ses façades un certain nombre de décors, sculptures, bas-reliefs, fontes, qui ont participé à l’effet de surprise suscité lors de la découverte du bâtiment par ses contemporains (et au-delà).
Considérons tout d’abord un panneau de couleur bleu turquoise, composé de sept éléments et qui forme le tympan d’une fenêtre du premier étage située dans la travée de droite de la façade du bâtiment sur cour donnant sur le hameau Béranger.
Les motifs mis en œuvre sur ce panneau pourraient en effet ouvrir de nouvelles perspectives quant à l’interprétation de l’art de Guimard. Comment en effet ne pas être troublé par le rapprochement entre la frise de « godrons » très chantournés, agrémentés de volutes aux contours ourlés, qui en soulignent le bord supérieur, et un motif que l’on trouve aux quatre coins du marli d’un plat en argent repoussé réalisé par Paul van Viannen (1570/72-1613) en 1613, le Plateau de Diane et Actéon conservé au Rijksmuseum à Amsterdam ?
Cette œuvre appartient à un style bien antérieur à l’Art nouveau, puisqu’il remonte à la première moitié du XVIIe siècle : le style auriculaire ou style lobé. Né à Prague, aux alentours de 1600, dans un groupe d’artistes proches de la cour de Rodolphe II (1576-1612), roi de Hongrie et de Bohème, empereur germanique, il s’est développé essentiellement dans les Pays-Bas du Nord, et l’Europe de l’Est, dans le sillage du maniérisme. Concernant essentiellement les arts décoratifs, il tire son nom de la ressemblance de ses formes abstraites et fluides, modelées en relief, avec le pavillon d’une oreille humaine. Il se distingue par des formes qui donnent l’impression d’être malléables, mouvantes, prêtes à la métamorphose. Elles évoquent la viscosité du métal en train de fondre et d’une matière souple et capricieuse qui se déploie par vagues et enroulements. C’est un style tridimensionnel privilégiant les bourrelets et ourlant ses méandres de nervures. Le développement de la dissection que l’on observe à l’époque, constitue une source d’inspiration pour les artistes adeptes de ce style et explique certains motifs organiques et fragments anatomiques que l’on trouve dans leurs œuvres : circonvolutions du cerveau, arabesques d’intestins, etc. De ce graphisme aux lignes tourmentées émergent souvent des créatures étranges, voire effrayantes, humaines, animales ou hybrides, dans lequel le monde mystérieux de la mer occupe une place de choix. Peu représenté en France, le style auriculaire s’est essentiellement développé dans le nord de l’Europe, notamment dans l’orfèvrerie néerlandaise. La ductilité du métal se prêtait admirablement à la réalisation de ces formes en déliquescence façonnées au repoussé. La pièce archétypale de ce style est une aiguière en argent doré d’Adam van Viannen (1568-1627), datée de 1614 et conservée au Rijksmuseum.
Le style auriculaire a également été beaucoup utilisé pour réaliser des cadres[1], en métal ou en bois. Le musée du Louvre en conserve un unique exemplaire entourant la toile de Nicolaes Roosendael, Ferdinand von Fürstenberg, évêque de Paderborn, recevant la thèse de théologie du jeune Hendrick Damien d’Amsterdam.
Une fois constatée cette parenté stylistique entre certains ornements de Guimard et le style auriculaire, la question est de savoir si celle-ci résulte d’une filiation assumée ou d’une simple coïncidence. Guimard s’étant très peu exprimé sur les influences qu’il a subies, hormis sa filiation revendiquée avec Eugène Viollet-le-Duc[2], iI est impossible de dire s’il connaissait ce style cultivé dans les arts décoratifs du Nord de l’Europe, deux siècles auparavant.
Le style auriculaire au Castel Béranger
Les ornements de type auriculaire, que l’on rencontre dans l’œuvre de Guimard sont majoritairement apparus pendant la période transitionnelle qui a vu son basculement dans le style Art nouveau lors de la construction du Castel Béranger de 1895 à 1898. Ce bâtiment, débuté dans un style néo-gothique, a vu son décor hétérogène naître de l’addition de plusieurs sources : celle du style art nouveau linéaire de Victor Horta, celle d’un style fantastique qui sera exploré dans un prochain article et qui était partiellement hérité à la fois du médiévalisme de Viollet-le-Duc et du symbolisme propre à la fin du XIXe siècle, celle — très minoritaire — de l’Extrême-Orient. Dans le même temps, le naturalisme végétal présent sur les villas qui ont précédé le Castel Béranger était en net recul et ne devait ressurgir d’une autre manière qu’à partir de 1898 quand la plupart de ses compositions adopteraient une structure arborescente. Le style auriculaire est donc venu côtoyer toutes ces influences et contribuer à la formation rapide et évolutive du style propre de Guimard où une virtuosité tridimensionnelle agressive était aussi importante que l’harmonie des lignes déployée sur les surfaces planes.
Revenons tout d’abord au panneau en céramique émaillée du Castel Béranger dont il a été question plus haut. Bien qu’aucune source historique ne l’établisse, on peut raisonnablement penser qu’il a été réalisé en terre cuite émaillée par la maison Gilardoni & Brault vers 1896. Par souci de clarté, nous le désignerons sous le nom de panneau « au poisson ». Son décor se déploie en effet en éventail autour d’une tête, que l’on peut rapprocher de celle d’un poisson, entourée de nageoires et d’une queue. Elle se détache sur un fond de circonvolutions graphiques aux lignes extrêmement chantournées, apparemment abstraites, dont elle semble émerger, mais dans lesquelles on peut distinguer si on les examine de près, des corps de crevettes dotés de longues antennes. L’agrandissement de ce détail met en évidence la sinuosité du trait et l’effet de cartilage provoqué par le relief de la céramique.
Une frise régulière de motifs ronds, estampés en creux, borde la partie inférieure de la plaque tandis qu’une frise de « godrons » enrichis de moulures aux enroulements complexes, suit la ligne cintrée de son bord supérieur (cf. plus haut).
Un autre panneau est à mettre en rapport avec celui-ci. De forme identique, vraisemblablement en terre cuite, il est situé sur la façade sur cour, en tympan de la fenêtre du quatrième étage de la travée de gauche.
Il présente un aspect plus abstrait hormis le fait que l’on puisse voir dans son motif central une tête de dauphin ou autre cétacé. Un fouillis de lignes sinueuses se déploie en éventail autour de cette dernière. Nous l’appellerons, panneau « au dauphin ». Il n’est que de comparer les deux panneaux de Guimard et l’aiguière de van Vianen pour se rendre compte de la parenté qui existe entre les trois objets : les excroissances sinueuses qui bordent le haut cintré du panneau « au dauphin » et semblent soulever la matière, dessinant comme des bouquets d’algues ou des figures de pieuvres, sont très proches des méandres dans lesquels se dessine un corps de femme formant l’anse de l’aiguière et la prise de son couvercle. Les vrilles qui rayonnent autour de la tête de dauphin évoquent celles qui, sur la panse de l’aiguière, semblent se déverser du mufle d’une sorte de fauve menaçant. Cette panse, en forme de coquille, est soutenue par une autre créature inquiétante, généralement identifiée à un singe. La tête de dauphin du panneau de Guimard évoque un motif fréquent dans l’art auriculaire du XVIIe siècle, une tête fantomatique mi-humaine, mi-animale.
Un semblable exemple figure au sommet d’un modèle de cartouche de Johannes Lutma (1584-1669. Là encore, la parenté entre les deux motifs est troublante.
Un troisième panneau en céramique émaillée placé en extérieur du Castel Béranger retient encore notre attention. D’une seule pièce, il est situé sur la même travée que le panneau « au dauphin », mais cette fois placé entre les corbeaux soutenant le balcon du second étage.
Il ne présente pas comme les deux autres des analogies facilement identifiables avec le monde animal, mais la plupart des observateurs assimilent tout de même le modelage au milieu de la partie basse à une tête avec deux yeux. Si, sur le plan du graphisme, ces trois panneaux reprennent les formes tourmentées, foisonnantes et agitées du style auriculaire, sur le plan thématique ils en reprennent aussi les obsessions : créatures bizarres et inquiétantes souvent tirées des profondeurs du monde marin. Celui-ci constitue d’ailleurs une référence fréquente au Castel Béranger : on la retrouve dans les hippocampes qui constituent les ancres de chaînage et l’atmosphère de grotte dans laquelle baigne le vestibule du bâtiment sur rue. Son décor mural de grès émaillé reprend d’ailleurs partiellement le graphisme et les reliefs caractéristiques du style auriculaire mais avec une caractéristique nouvelle : l’utilisation de l’empreinte des doigts enfoncés dans la matière au cours du modelage[3].
Au sein des appartements du Castel Béranger, on retrouve également la présence du style auriculaire. C’est le cas sur certaines cheminées des salles à manger, éditées en fonte par Durenne.
Et également sur certaines cheminées des salons qui ont un rétrécis en fonte bronzée, édité par Durenne.
Même sur un objet aussi simple que le couvercle des porte-rasoirs des lavabos, on retrouve encore l’influence de ce style.
Après le Castel Béranger
Au cours des années suivantes, le style moderne de Guimard allait continuer à évoluer, perdant l’agressivité de ses débuts pour gagner en élégance et même en raffinement pouvant aller jusqu’à un certain maniérisme. De ce fait, les touches de style auriculaire se sont raréfiées, à mesure que les ornements s’atténuaient en se fondant dans des surfaces toujours plus lisses. Elles n’ont toutefois pas entièrement disparu et on peut les identifier dans plusieurs de ses créations comme sur le col du vase de Cerny édité à Sèvres en 1900.
C’est dans l’orfèvrerie que l’art auriculaire avait trouvé son matériau d’élection au XVIIe siècle ; il n’est donc pas étonnant que les bronzes de Guimard, ainsi que ses fontes d’ornement réalisées avec la fonderie de Saint-Dizier à partir de 1901, présentent un certain nombre de modèles agrémentés de circonvolutions complexes comme cette coupe.
Le souvenir du style auriculaire se rencontre également dans d’autres matériaux qui ne se modèlent ni ne se coulent, notamment le bois. Sur certains meubles, des volutes bourgeonnantes viennent se lover dans leurs courbes ou en souligner les angles, marquant leurs points de départ, d’inflexion et d’aboutissement.
Depuis plusieurs années, la compréhension des démarches créatives de Guimard progresse grâce à la connaissance plus fine que nous avons des techniques et des matériaux qu’il a employés. Mais cette fois, c’est par un rapprochement inédit avec un style décoratif qui s’est développé au XVIIe siècle que nous apportons peut-être un éclairage complémentaire permettant de mieux appréhender le basculement de Guimard dans la modernité de son temps. À ses débuts, son style rapidement évolutif a en effet laissé brièvement se côtoyer plusieurs influences encore reconnaissables avant de les synthétiser dans une recherche d’élégance toute personnelle.
Michèle Mariez
Doctorante à l’École du Louvre
Notes
[1] Voir le website du Auricular Style : Frames Projet : https://auricularstyleframes.wordpress.com/about
[2] Voir p. 1470, Moniteur des Arts n° 2399 du 7 juillet 1899.
[3] Voir l’article consacré au décor de linteaux dans l’architecture de Guimard sur notre notre site internet.
Bibliographie
THIÉBAUT, Philippe sous la direction de, Guimard, catalogue de l’exposition, Paris, musée d’Orsay, 13 avril – 26 juillet 1992 ; Lyon, musée des Arts décoratifs et des tissus, 25 septembre 1992 – 3 janvier 1993, Paris, 1992.
DESCOUTURELLE, Frédéric ; PONS, Olivier, La Céramique et la Lave émaillée de Guimard, Éditions du Cercle Guimard, 2022.
GRUBER Alain dir, PONS Bruno, ter MOLEN Johann R, RHEINHARDT Ursula, FOHR Robert, L’Art décoratif en Europe, Citadelles & Mazenod , 1992, p. 25 à 91, « Auriculaire » Johann R. ter Molen.
GAILLEMIN Jean- Louis, « L’Ornement sans nom », Connaissance des Arts, n° 537, mars 1997, p. 96 à 105.
L’Assemblée Générale Ordinaire et Extraordinaire du Cercle Guimard aura lieu le jeudi 10 octobre 2024 de 18h 30 à 20h 30, à la mairie du XVIe arrondissement, salle des Commissions (71 av. Henri-Martin – métro 9, rue de la Pompe ou RER C, Henri-Martin).
L’Assemblée Générale est un moment important de la vie de notre association et cette année nous prévoyons de retrouver nos adhérents à l’issue de l’AG pour un moment convivial autour d’un verre.
Au cours de l’AG, nous présenterons le rapport du Président, les comptes de l’association, renouvellerons une partie du Conseil d’administration et proposerons d’y intégrer de nouveaux membres. Nous vous proposerons également de modifier les statuts de l’association pour une gestion plus fluide. Enfin nous vous informerons sur les projets en cours, notamment sur l’exposition organisée aux Archives de Paris. Les adhérents présents se verront remettre le journal de l’exposition.
Nous proposerons également une mini-conférence portant sur la restauration d’un rétrécis de cheminée en lave émaillée de Guimard.
Nos adhérents recevront une convocation par courriel pour cette AG selon les conditions prévues par nos statuts.
Si vous n’êtes pas à jour de la cotisation 2024 ou si vous souhaitez adhérer avant la réunion et voter, il est encore temps d’adhérer pour l’année en cours.
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Nous vous attendons nombreux et, comme à chaque fois, enthousiastes !
Très cordialement,
Le bureau du Cercle Guimard
En raison de la circulation d’informations contradictoires, on nous presse de toute part de donner notre opinion sur ce point crucial. Nous nous exécutons bien volontiers, d’autant plus que nous avions négligé d’apporter des nuances à l’opinion par trop tranchée que nous avions émises dans les deux ouvrages parus en 2003 et 2012 et qui ont établi une étude sérieuse sur le métro de Guimard[1]. La découverte récente d’une photographie en couleurs prise dans les années 60 est venue à point pour conclure notre article.
Pour définir les pièces de verre de forme mouvementée qui terminent les candélabres des entourages découverts des accès du métro de Paris de Guimard, nous avons adopté le terme employé à l’époque par la CMP (Compagnie du Métropolitain de Paris), celui de « verrine », plutôt que celui de « globe » qui renvoie à une image de sphère[2]. En raison de la faible luminosité de leur ampoule électrique entièrement recouverte par la verrine, il s’agit bien d’une fonction de signalisation nocturne et non d’éclairage. Cette dernière fonction, qui n’avait pas été prévue par Guimard, puisqu’elle n’avait pas été demandée[3], a été progressivement assurée par des lampes non recouvertes installées par la CMP sur les édicules et sur certains entourages découverts. Les entourages des accès supplémentaires[4], qui servaient alors uniquement à la sortie, n’avaient ni signalisation lumineuse, ni éclairage.
Originellement, ces verrines étaient en verre. Pour une étude plus complète, nous renvoyons le lecteur à notre dossier Hector Guimard, Le Verre pp. 20 à 23, publié en format pdf, en 2009, et toujours accessible sur notre site. Nous en redonnons ci-après certains éléments.
Nous connaissons le fournisseur de ces verrines grâce à quelques rares archives. La première est un document comptable de la CMP, du 12 septembre 1901, répertoriant les noms des différents fournisseurs et les frais engagés auprès de chacun d’entre eux pour le premier chantier de Guimard, c’est-à-dire la construction des accès en surface de la ligne 1 et de deux tronçons supplémentaires des futures lignes 2 et 6. Intitulé « Travaux des édicules/M. Guimard Architecte », ce document répertorie en fait les frais engagés à la fois pour les édicules et pour les entourages découverts. À l’avant-dernière ligne du document, on trouve : « Stumpf, Verrines […] 900 ».
Cette entreprise, plus connue sous le nom de « Cristallerie de Pantin », s’appelle alors Stumpf, Touvier, Viollet et Cie depuis 1888. Elle a été fondée à La Villette en 1851 par E. S. Monot puis transférée en 1855 à Pantin. Elle a rapidement prospéré, devenant, après la guerre de 1870 (et le passage de la cristallerie de Saint-Louis en territoire allemand), la troisième cristallerie française (après Baccarat et Clichy). Elle sera absorbée en 1919 par la verrerie Legras (Saint-Denis et Pantin Quatre-Chemins).
Le montant de 900 F-or correspond à 30 verrines à 30 F-or pièce, soit 13 paires de verrines pour les 13 entourages découverts du premier chantier, plus 4 pièces supplémentaires en cas de bris. Ce prix à l’unité est confirmé par un autre document comptable de la CMP concernant la ligne 2, non daté, établissant à 60 F-or le prix des deux verrines de chacun des entourages du tronçon allant des stations Villiers à Ménilmontant. Il y est bien précisé que ce prix est identique à celui fixé pour les entourages du premier chantier. Cet engagement de la Cristallerie de Pantin auprès de Guimard et de la CMP sur le maintien du prix des verrines pour les entourages de la ligne 2 fait également l’objet de trois documents (un manuscrit et deux dactylographiés) de novembre 1901 à janvier 1903.
Il y a eu 103 entourages Guimard sur le réseau et donc un nombre double de verrines mises en place sur leurs candélabres. Elles étaient encore en place en 1960 au moment du tournage du film de Louis Malle Zazie dans le métro d’après le roman de Raymond Queneau.
Les prêts précoces (ensuite transformés en dons) d’entourages Guimard, complets ou non, ont permis la préservation de leurs verrines. C’est ainsi que le portique de l’entourage découvert de la station Raspail, installé en 1906, est entré en 1958 au Museum of Modern Art de New York. Il en est de même pour l’entourage de la station Bolivar, installé en 1911 et entré en 1960 dans les collections du Staatliches Museum für Angewandte Kunst à Munich (non exposé).
Le musée national d’art moderne de Paris a lui aussi obtenu en 1961 un entourage complet, l’un des deux de la station Montparnasse (installés en 1910). Reversé au musée d’Orsay, il est visible à l’occasion d’expositions thématiques.
Peu après, en 1966, la RATP a fait don d’un entourage Guimard complet (sans porte-enseigne) à la compagnie de métro de Montréal. Cet entourage de sept modules en longueur et cinq en largeur a été composé à partir d’éléments puisés dans les réserves et résultant des démontages de certains accès. Il comprenait deux verrines en verre.
C’est donc plus tard, à une date qu’il est encore difficile de préciser, que la RATP a remplacé les verrines en verre par des équivalents en matériau de synthèse, de couleur rouge, moins chers, moins fragiles, mais bien moins beaux. Cependant, symptôme du long désintérêt de la RATP pour cette période de son histoire, les verrines qui avaient ainsi pu être récupérées lors de ces échanges ont par la suite mystérieusement disparu de ses réserves, si bien qu’elle n’en possédait plus une seule à la fin du XXe siècle.
Par chance, à l’occasion des travaux de restauration de l’accès de la station Victoria à Montréal, la compagnie de métro STP a eu la sagesse de remplacer elle aussi ses verrines en verre, déjà un peu endommagées, et d’en redonner une à la RATP en 2003[5].
Nous avons aussi eu connaissance de l’existence de verrines en verre[6], également rouges, sur une copie d’entourage Guimard en bronze se trouvant aux États-Unis. Cette présence inattendue, attestée par un rapport d’état[7] rédigé en 2002, confirme l’existence d’une filière de sorties frauduleuses de pièces du métro de Guimard vers les États-Unis.
Pour la fourniture des verres spéciaux destinés aux vitres et aux toitures des édicules et des pavillons, nous disposons du contrat liant la CMP, la Compagnie de Saint-Gobain et le verrier Charles Champigneulle. Ce contrat précise bien la couleur des verres prescrits. En revanche, pour la fourniture des verrines, nous n’avons pas trace d’un contrat initial qui nous aurait sans doute permis de connaître la couleur originellement envisagée par Guimard. Au vu de la couleur des verrines en verre connues, toutes rouge orangé, nous avions logiquement pensé qu’elles l’étaient toutes. Cette opinion était confortée par le fait que sur certains clichés anciens en noir et blanc, en tenant compte du reflet de la lumière, les verrines semblent bien être foncées, ce qui est compatible avec une couleur rouge.
Cependant cette opinion a été remise en cause par plusieurs faits.
Le premier, auquel nous aurions dû prêter une plus grande attention, est le cliché autochrome (donnant donc les couleurs réelles) de la station Porte d’Auteuil daté du premier mai 1920 et conservé dans la collection du musée départemental Albert-Kahn. Nous n’avions pas pu reproduire ce cliché dans le livre Guimard, L’Art nouveau du métro en raison de l’opposition du musée à sa publication. Depuis, ayant été inclus dans une exposition, il a été rephotographié par des visiteurs et se trouve ainsi accessible à tous grâce à Wikipédia.
On voit clairement sur ce cliché que les verrines ne sont pas rouges mais blanches. Pour l’instant et à notre connaissance, nous ne disposons pas d’autres clichés autochromes d’époque. À notre sens, les cartes postales colorisées telles que celles de la série « Le Style Guimard » éditées en 1903 à l’initiative d’Hector Guimard, ne peuvent servir de référence fiable puisque le procédé consiste, à partir d’un cliché en noir et blanc, à en atténuer le contraste et à y superposer des aplats de couleurs transparents qui, s’ils sont souvent vraisemblables, sont parfois différents de la réalité.
Ensuite, l’existence d’un entrefilet paru en 1907 dans le quotidien conservateur Le Gaulois remet définitivement en cause cette certitude d’une exclusivité de la couleur rouge des verrines. Cet article de presse nous avait échappé en 2003 et en 2012. Nous devons sa découverte à un auteur dont nous ne citerons pas le nom.
Cet article donne tout d’abord la raison pour laquelle la couleur rouge a été préférée à la blanche : une signalisation nocturne plus efficace. Il semble aussi régler la question de la mutation en établissant qu’en août 1907 la CMP a procédé à un essai de verrines rouges sur l’entourage découvert de la station Monceau (ligne 2) et qu’un mois plus tard, en septembre 1907, sept stations supplémentaires en étaient pourvues. Dans le même temps, sur les autres entourages de Guimard, la CMP avait obtenu une couleur rouge en plaçant des ampoules rouges dans les verrines blanches. Notons au passage que l’auteur justifie cette mesure provisoire par la « [sauvegarde] de l’allure harmonieuse des portiques que les globes rouges eussent gâtés, dans la journée ». Cette justification est d’autant plus étrange que le rouge, agissant comme une couleur complémentaire du vert des fontes, est plus satisfaisant à l’œil que le blanc. Le journaliste aurait-il recopié un « élément de langage » communiqué par la CMP ?
En 1907, les verrines rouges étaient donc destinées à remplacer progressivement les blanches. Et pourtant, il est fort probable que l’entourage de la station Rome, photographié de façon certaine en 1903, comportait déjà des verrines rouges comme on le voit sur cet agrandissement du cliché de Charles Maindron (cf. plus haut).
Et au contraire, ce sont bien des verrines blanches qui apparaissent sur la plaque autochrome de l’entourage de Porte d’Auteuil (cf. plus haut). Dans ce cas, il s’agit pourtant des tout derniers entourages Guimard à avoir été posé par la CMP, sur la ligne 10 en 1913[8]. Il aurait donc logiquement dû recevoir des verrines rouges. Mais à un moment où il était sans doute question d’abandonner définitivement la mise en place d’accès Guimard, il est probable que ce sont des verrines blanches provenant des échanges antérieurs qui ont été utilisées.
Pour conclure cette petite étude, nous avons enfin eu l’occasion de découvrir l’image d’une verrine blanche grâce au fonds photographique que notre ami Laurent Sully Jaulmes a légué au Cercle Guimard. Elle n’est qu’un détail d’un cliché très étonnant pris en Allemagne en 1967 et sur lequel nous reviendrons un jour. La verrine était à cette occasion utilisée comme lustre.
Nous ne désespérons donc pas de voir arriver sur le marché de l’art dans les prochaines années des verrines en verre car nous ne pouvons pas croire que la quasi intégralité de celles qui ont été originellement mises en place ont été détruites par la suite. Au contraire, un nombre suffisant d’entre elles doit encore être stocké chez des particuliers. Avec le renouvellement des générations, elles vont immanquablement ressurgir, ce qui nous permettra sans doute d’admirer de plus près ces magnifiques vaisseaux de verre, qu’ils soient rouges ou blancs.
Frédéric Descouturelle
Notes
[1] Descouturelle Frédéric, Mignard André, Rodriguez Michel, Le Métropolitain de Guimard, éditions Somogy, 2003 ; Descouturelle Frédéric, Mignard André, Rodriguez Michel, Guimard, L’Art nouveau du métro, éditions de La Vie du Rail, 2012.
[2] Un des premiers dessins d’entourage à fond arrondi, le projet n° 2, non validé par les autorités, montrait des verrines de forme globulaire, enserrées dans une mâchoire de fonte, cf. notre article Un porte-enseigne défaillant sur les entourages découverts du métro.
[3] Pour les entourages découverts, le concours de 1899 (auquel Guimard n’avait pas participé) prescrivait la présence d’un poteau indicateur, sans faire mention d’une source lumineuse. Cependant, la plupart des candidats en avait intégré une à leur proposition.
[4] Entourages bas à cartouches implantés sur le réseau à partir de 1903-1904.
[5] L’autre verrine a été confiée au Musée des beaux-arts de Montréal.
[6] L’une des verrines est alors remisée et remplacée par un équivalent en matériau de synthèse.
[7] Ce constat d’état, effectué chez le propriétaire de la copie d’entourage à Houston, a été rédigé le 27 juin 2002 et signé par Steven L. Pine, decorative arts conservator attaché au musée des Beaux-Arts de Houston, spécialiste de la conservation des métaux. Il fait référence à un précédent constat du l6 juin 1999.
[8] Il partageait d’ailleurs avec l’entourage de la station Chardon-Lagache une singularité dans l’accrochage des écussons, signe, peut-être, d’un changement dans les équipes de montage.
En 2019, au seuil d’une série d’articles dédiés à la céramique, nous avons consacré une petite étude au panneau en haut-relief du chat faisant le gros dos du Castel Béranger. Nous apportons aujourd’hui une nouvelle piste pouvant éclairer la présence de ce félin sur le premier immeuble de rapport de style Art nouveau construit en France.
1-Le Castel Béranger de Guimard
Ce panneau en grès émaillé a été modelé par le jeune sculpteur Xavier Raphanel (probablement selon les directives ou un croquis de Guimard), produit par Gilardoni & Brault[1] et inséré en 1897 à un emplacement stratégique du Castel Béranger : sous la fenêtre de l’oriel à l’angle du bâtiment entre la rue La Fontaine et le hameau Béranger.
Par rapport à notre article paru en 2019, nous devons ajouter que, grâce à Dominique Magdelaine, nous avons depuis appris l’existence de deux autres tirages[2] de ce panneau sur la villa Thouvenel, une belle maison malheureusement non datée qui surplombe la gare RER de Fontenay-aux-Roses.
Ces deux exemplaires (dont l’un est inversé) ont reçu un émaillage aux nuances brun-vert beaucoup plus soutenues que sur celui du Castel Béranger. On remarque que les parties latérales de leur cartouche sont plus développées que celles du Castel, mais qu’en revanche, à la partie supérieure, les indentations présentes sur l’exemplaire du Castel n’existent pas. Autre différence, la queue du chat, harmonieusement arrondie sur les panneaux de la villa, se trouve coudée à angle droit à deux reprises sur le panneau du Castel. Dans la mesure où les panneaux de la villa sont placés sans contraintes sur la façade, nous pouvons supposer qu’il s’agit du tirage commercial tel qu’il était proposé par Gilardoni & Brault.
En revanche, le panneau du Castel a dû s’insérer dans un emplacement ménagé dans la maçonnerie. Les plus anciens plans d’élévation du Castel, datés du 16 mars 1895, montrent un oriel d’angle sur deux niveaux (les second et troisième étage) et ne comprenant pas de panneau décoratif. Après les transformations entreprises par Guimard à partir de 1895, le premier niveau de l’oriel a été vitré, en continuité avec la grande baie en encorbellement du salon donnant sur le hameau. Puis le panneau au chat a été placé dans l’allège de l’oriel, entre la corniche du premier étage et l’appui de la fenêtre, encadré par deux montants en pierre. S’il avait désiré l’y placer initialement, Guimard aurait adapté la largeur de ces montants en pierre. Or c’est le contraire qui s’est produit : alors que l’allège de l’oriel était probablement destinée à être remplie par un panneau de brique, comme celle de la baie en encorbellement du salon, c’est le panneau au chat qui a dû être adapté. Il est également possible qu’au lieu d’un simple panneau en brique, Guimard ait initialement songé à placer à cet endroit bien particulier un décor ou une enseigne aux dimensions bien définies, avant d’opter pour l’adaptation de son panneau au chat qui s’est retrouvé un peu plus développé en partie supérieure, mais surtout réduit sur ses parties latérales, obligeant le modeleur à couder la queue de l’animal.
Cette modification a été effectuée chez Gilardoni & Brault à un moment où cette entreprise a confié à Guimard la réalisation de son stand à l’Exposition de la Céramique et de tous les Arts du Feu en 1897[3]. Il a saisi cette occasion pour y édifier un large porche d’immeuble en grès émaillé qui lui permettait tout à la fois de présenter au public les produits de la tuilerie et son nouveau style. Le panneau au chat destiné au Castel Béranger y a été intégré, avant de prendre sa place définitive sur la façade de la rue La Fontaine une fois l’exposition close.
En 2019, nous donnions comme origine à ce chat tout d’abord la tradition médiévale interprétée par Viollet-le-Duc, en particulier au château de Pierrefonds.
Ensuite, nous évoquions l’existence du cabaret du Chat noir[4], tout en signalant que ce lieu dédié à la fête et à l’esprit fin de siècle des zutistes, fumistes et autres hydropathes, était alors bien passé de mode et avait même dû fermer en 1896.
Si une réminiscence des représentations du Chat noir était possible sur le panneau du Castel Béranger, il est quand même peu probable que Guimard ait voulu sciemment faire la publicité du cabaret déclinant. Il faut plutôt voir dans ces deux chats, deux clins d’œil historiques, parallèles mais décalés d’une décennie dans le temps.
2- La maison d’Anatole de Baudot
Cette très intéressante maison, également sise dans le XVIe arrondissement et plus précisément dans le quartier Dauphine, à l’angle entre la rue de Pomereu (une voie privée ouverte en 1889) et la rue de Longchamp, comporte un élément du décor sculpté qui pourrait être le chaînon manquant entre les chats de Viollet-le-Duc à Pierrefonds et le panneau du chat faisant le gros dos du Castel Béranger de Guimard. Construite en 1892 par l’architecte Anatole de Baudot (1834-1915) pour son usage personnel, à peu de distance du Trocadéro où il enseignait, elle nous est tout d’abord connue par la notice biographique rédigée par Marie-Laure Crosnier-Leconte[5] qui s’appuie sur les dessins présentés dans la section d’architecture au salon de la Société Nationale des Beaux-Arts (SNBA)[6] au palais du Champ de Mars[7]:
« […] au Salon de la Société nationale des Beaux-arts à Paris en 1893, petite Habitation Parisienne, emploi de procédés nouveaux de construction et de décoration, en coll. avec Delaherche, Delon[8] et Guérard[9], […] »
Cette section d’architecture venait d’être créée conjointement par Anatole de Baudot et Frantz Jourdain. Le Génie Civil du 15 juillet 1893[10] en a fait le compte-rendu :
« Dès l’entrée, nous avons d’abord remarqué les dessins relatifs à l’habitation parisienne, que M. de Baudot a construite pour son propre usage. Certains détails témoignent d’une complète entente des besoins et de la manière d’y donner satisfaction. » [11]
Anatole de Baudot a tout d’abord été formé à l’École Centrale des Arts et Manufactures en 1853[12], puis a été brièvement élève d’Henri Labrouste à l’École nationale des Beaux-Arts en 1855, avant d’entrer dans l’agence d’Eugène Viollet-le-Duc[13] dont il est devenu l’élève préféré. Après son décès, il a assuré la transmission de ses idées, par ses écrits et en contribuant à l’ouverture de l’École spéciale d’architecture en 1865 aux côtés de nombreuses personnalités avancées dans le domaine de l’architecture et des techniques, comme les centraliens Émile Muller ou Eugène Flachat. Architecte diocésain, puis inspecteur général des édifices diocésains, il a été nommé en 1887 professeur d’architecture française du Moyen Âge et de la Renaissance au musée de sculpture comparée au Trocadéro (actuelle École de Chaillot) où il a animé jusqu’à sa mort un cours d’architecture très suivi. Malgré son intitulé, la modernité était bel et bien présente dans ce cours avec lequel Baudot ambitionnait d’étudier « l’Art national français »[14] du XIe siècle à l’époque contemporaine.
Pourvue de deux étages, sa maison se distingue par son importante toiture en ardoise, cintrée pour augmenter le volume du second étage qui est entièrement mansardé[15]. Par rapport au dessin présenté au salon de la SNBA de 1893, elle a été prolongée de trois travées sur la rue de Pomereu, en englobant l’entrée piétonne et le mur du jardin.
Sur la façade de la rue de Pomereu, au premier étage, à gauche de la travée de la porte d’entrée, juste au-dessus de la corniche, figure une sculpture de chat dans une position acrobatique. À l’origine, avant la prolongation, il marquait l’angle droit de la façade. Son auteur ne nous est pas connu, à moins qu’Henri Guérard qui compte plusieurs dessins de chats dans son œuvre, n’en ait donné la maquette.
Ce chat « de gouttière », tête en bas, a sans doute à voir avec la reconstruction du château de Pierrefonds par Viollet-le-Duc. D’une part, il rappelle la présence des nombreux chats sculptés sur les lucarnes de la cour du château (cf. plus haut), et d’autre part, il évoque par son attitude les trois sauriens qui servent — précisément — de descente d’eau dans la cour du château.
Mais l’originalité de la maison de la rue de Pomereu réside surtout dans le fait d’avoir employé des « procédés nouveaux de construction et de décoration ». Les « procédés nouveaux de construction » désignaient l’utilisation du ciment armé[16] employé pour les planchers et pour la toiture cintrée, un matériau dont Baudot s’était fait le champion. En effet, un an plus tôt, en 1891, il avait fait la connaissance de Paul Cottancin qui venait de déposer en 1890 le brevet de son système constructif en ciment armé. Séduit et y voyant en quelque sorte le moyen de prolonger par un nouveau matériau les théories de Viollet le Duc, Baudot s’en est immédiatement servi pour des travaux de restaurations d’édifices anciens mais aussi pour plusieurs bâtiments neufs dont le plus connu est l’église Saint-Jean de Montmartre, construite de 1894 à 1904.
Paul Cottancin (1865-1928) a lui aussi été élève de l’École Centrale des Arts et Manufactures, dont il est sorti diplômé en 1886. Son système constructif était hybride et consistait à enrober par le ciment (ou le béton si on utilise des graviers) un treillis métallique sans solution de continuité en le rigidifiant par des nervures. Les éléments porteurs étaient constitués de briques noyées dans le ciment et renforcées par des armatures métalliques.
Ce système intuitif, mettant en œuvre des cloisons minces et donc légères, a rapidement été concurrencé par celui développé au même moment par l’entrepreneur en maçonnerie François Hennebique[17] et qui, plus apte aux calculs de résistances, a eu un bien plus large développement.
Le 10 novembre 1894, en rendant compte des avantages du système Cottancin, Le Génie Civil s’est à nouveau intéressé à la maison de la rue de Pomereu et a publié des dessins des nervures du système Cottancin utilisé pour ses plafonds, en indiquant aussi que, pour son vestibule, Baudot avait choisi d’encastrer des morceaux de verre émaillé dans les plages de ciment entre les nervures[18]. Il élaborait alors un projet de plafond proche pour le préau du lycée Victor Hugo à Paris (cf. plus bas).
Quant aux « procédés nouveaux de décoration », outre la possibilité de décorer les plages de ciment par du verre ou de la céramique, ils faisaient aussi sans doute référence à l’emploi du grès émaillé en façade et en intérieur. En effet, pour cette maison, Baudot a reçu la collaboration du céramiste Auguste Delaherche[19], auteur des métopes posés sur les allèges des fenêtres et en bandeau sous la toiture. De prime abord, le choix de Delaherche peut paraître surprenant car cet artisan est plus connu pour sa production de vases en pièce unique ou en petites séries (souvent non avouées). Mais cette époque, l’offre industrielle en matière de céramique architecturale en grès était réduite. Si Muller & Cie en produisait déjà, ce n’était pas encore le cas de Gilardoni & Brault. Quant à Alexandre Bigot, il n’en était qu’au tout début de son activité. Ce choix de Delaherche, s’explique d’une part par le facteur relationnel qui existait entre ces novateurs et d’autre part, par le fait qu’il produisait lui-même des éléments décoratifs architecturaux, simples pastilles colorées ou motifs floraux géométrique.
Les grès émaillés étaient également présents à l’intérieur de cette maison, comme le montre une planche de la Revue des Arts Décoratifs de 1893-1894 où figure un entourage de foyer pour un manteau de cheminée par Delaherche.
À la même époque, outre l’église Saint-Jean de Montmartre, Baudot a projeté plusieurs bâtiments avec ce système de construction et ces décors en grès émaillé. En effet sa notice biographique[20] mentionne aussi l’exposition au salon de la SNBA en 1894 d’une « […] Grande Habitation Parisienne : composition basée sur l’emploi de procédés nouveaux de construction et de décoration […] ». Là aussi, cette date est sans doute antérieure d’une année à la date de construction réelle.
Un dessin plus détaillé d’une travée de ce bâtiment est reproduit dans une coupure de presse [21] datée (de façon manuscrite) 1894, avec pour légende : « Projet d’habitation parisienne. Composition basée sur l’emploi de procédés nouveaux de construction et de décoration. (Chauffage par des murs creux.) Détail d’une baie avec encadrements […x] perforés en ciment et céramique renfermant des tuyaux de chauffage destinés à combattre le refroidissement des vitres. » On remarque sur ce dessin la présence de métopes, d’un tympan et de chambranles probablement exécutés en céramique. Nous ignorons si ce bâtiment a réellement été construit à Paris ou s’il a été détruit par la suite.
On pourrait rapprocher ce dessin de l’immeuble du 2 rue de la République à Rambouillet[22] qui comporte aussi des céramiques à grosses fleurs et boutons de fleurs, très proches de celle du manteau de cheminée de la maison d’Anatole de Baudot et qui sont donc probablement de Delaherche.
On note aussi une analogie de composition entre le dessin de la « grande habitation parisienne » de 1894 et la façade du lycée Victor Hugo, débuté la même année, rue de Sévigné à Paris à Paris. Les métopes posées en diagonale au premier étage sont probablement dues à Delaherche. Comme pour Saint-Jean de Montmartre, le parement est en briques.
Pour son projet du préau de ce lycée, Baudot a utilisé son système de voûte en ciment armé système Cottancin en insérant des lanterneaux hexagonaux garnis de briques de verre Falconnier au sein des plages de ciment entre les nervures.
Dans ces quatre exemples, à un moment où l’Art nouveau ne s’était pas encore exprimé en France, Baudot travaillait dans un style partiellement éclectique, alors que la maison de la rue de Pomereu, avec son décor plus sobre, semble plus moderne.
3- L’immeuble de la rue Spontini de Bénouville
Le troisième immeuble parisien qui nous intéresse est cette fois plus connu des amateurs d’Art nouveau. Il s’agit d’un immeuble de rapport de Léon Bénouville (1860-1903).
Cet architecte que nous avons rencontré à plusieurs reprises au cours des articles publiés sur notre site[23] a tout d’abord été diplômé de l’École Centrale des Arts et Manufactures en 1884, puis est devenu architecte diocésain, exerçant à Perpignan et Lyon. Il a été architecte des Monuments Historiques, membre de la Société centrale d’Architecture et membre du jury de l’Exposition universelle de 1900[24]. Lors de l’ouverture de la section d’architecture au salon de la SNBA, dont il a été question plus haut, Baudot avait incité plusieurs jeunes architectes de ses élèves à y participer. Bénouville était au nombre de ceux-ci et y avait alors présenté une « grande habitation rurale […] avec sa curieuse cheminée en brique »[25].
Son activité d’architecte diocésain et sa mort précoce en 1903 ne lui ont pas laissé le temps de beaucoup construire pour le secteur privé. Il a néanmoins été l’un des plus précoces acteurs du style Art nouveau en France avec un immeuble au 34 rue de Tocqueville dans le XVIIe arrondissement, en 1897, voisin et contemporain de celui de Charles Plumet au 36 rue de Tocqueville. Son mobilier, avant tout rationnel et économique, est pourtant méconnu car, depuis des décennies, son nom est accolé à la production d’un atelier de mobilier du faubourg Saint-Antoine, celui de Léon Brouhot[26].
L’immeuble qui nous intéresse se situe lui aussi dans le XVIe arrondissement, à l’angle du 46 rue Spontini et du 2 rue du Général-Appert, à proximité de la rue de Pomereu. Construit entre 1899 et 1901, il se distingue par une tour d’angle polygonale[27] reposant sur de fortes consoles arquées au premier étage. Son décor de style Art nouveau, sans être exubérant, est présent à de nombreux endroits : sculpté sur les consoles de la tour d’angle ainsi que sur la tourelle aux 5e et 6e étages, sur les ferronneries des portes, des fenêtres et des balcons, ainsi que pour l’aménagement de la boutique à l’angle du rez-de-chaussée.
Ce magasin du rez-de-chaussée était, dès l’origine, une boulangerie.
Les tympans des fenêtres sont en grès, édités par le céramiste Alexandre Bigot (1862-1927), avec un motif de sagittaires pour les second et troisième étages, avec un motif linéaire dû au décorateur belge Henry Van de Velde (1863-1957) au quatrième et cinquième étages.
Il comprend aussi une allée carrossable intérieure coudée permettant de passer d’une rue à l’autre. Son plafond montre clairement sa structure métallique et ses murs sont revêtus de grandes plaques en grès émaillé aux motifs de sagittaires éditées par Bigot. À l’origine, au-dessus de ces plaques, les murs et les pilastres recevaient un décor peint par Félix Aubert.
Et c’est encore un chat qui est sculpté au premier étage au niveau de la retombée du dernier arc joignant les consoles de la tour d’angle du côté droit. À nouveau, presque à la verticale, accroché à un banchage, il tient un oiseau dans sa gueule. Nous ne connaissons pas le nom de son auteur.
Ce chat de la rue Spontini pourrait être vu comme un clin d’œil de Léon Bénouville à son maître Anatole de Baudot dont la maison était toute proche.
4- D’autres chats
Bien entendu, nous ne prétendons pas que toutes les sculptures de chats qui ont décoré des immeubles modernes autour de 1900 sont le signe d’une filiation avec Viollet-le-Duc par l’intermédiaire d’Anatole de Baudot. Le chat de gouttière sculpté sur la souche de cheminée de l’immeuble Biet construit à Nancy en 1901-1902 était lui aussi probablement une réminiscence des chats des lucarnes du château de Pierrefonds. L’immeuble avait été construit par le jeune architecte Georges Biet (1869-1955) élève de Victor Laloux à l’ENBA et diplômé en 1896, mais la présence du chat était plutôt due au menuisier Eugène Vallin (1856-1922) qui avait modelé la façade et qui était un fervent lecteur de Viollet-le-Duc.
On retrouve également un chat prédateur sur l’extension du 97 rue Charles III à Nancy qui a été construite deux ans plus tôt par le même architecte et dont Vallin a très certainement aussi été le concepteur. Sa source serait ici plus ancienne encore puisqu’elle poursuivrait la tradition de la satire médiévale[28].
Il existe bien sûr bien d’autres exemples de chats en façade de cette époque, qu’ils soient sculptés ou en céramique ornant des tuiles faîtières. Ils n’avaient d’autre fonction que décorative et l’on voit que cet animal, aimé entre tous, a eu largement les faveurs des architectes et des décorateurs sans qu’il soit besoin de lui assigner à présent une signification. En voici quelques exemples.
À Paris, au 170 rue de la Convention, le chat sculpté en façade qui semble se hisser sur la plaque du numéro de l’immeuble a plutôt l’aspect d’un chat de salon bien élevé. L’architecte de l’immeuble (primé au concours de façades de la ville de Paris en 1900) était Paul Legriel (1866-1936) élève de Gustave Raulin à l’ENBA et diplômé en 1895, qui a eu un parcours des plus académiques. Il faut toutefois noter qu’il a construit deux immeubles aux 64 et 66 rue Spontini, donc proches de celui de Léon Bénouville et que le vestibule du 170 rue de la Convention fait grand usage de grès d’Alexandre Bigot.
On retrouve également de nombreux chats sur les immeubles parisiens de l’architecte d’origine catalane, Jean Falp.
Au 76 et 78 rue Mademoiselle à Paris, perchés de part et d’autre des portes de deux immeubles de l’architecte A. M. Turin, un chat en céramique et son pendant canin scrutent les passants.
Près de Paris, à Saint-Maurice, en bord de Marne, l’architecte Georges Guyon (1850-1915) a édifié en 1903 la pittoresque Brasserie Paul (plus tard appelée « Le Chat vert ») où des chats à la queue extravagante, dus au sculpteur Jules Hector Despois de Folleville, se trouvaient de part et d’autre des grandes baies en arc outrepassé.
5- Guimard et le courant rationaliste
Nous n’excluons pas la possibilité que le chat hirsute du Castel Béranger n’ait eu, lui aussi, d’autre fonction qu’illustrative sur un « castel » primitivement néo-médiéval. Cependant la tentation est grande d’y voir, deux ans avant l’immeuble de Léon Bénouville, mais cinq ans après celui d’Anatole de Baudot, un signe de connivence adressé par un jeune architecte novateur à celui qui représentait l’évolution vers la modernité des enseignements de Viollet-le-Duc, même s’il n’avait pas été son élève et n’avait pas non plus été architecte diocésain. Guimard n’a pas non plus participé à la première année de la section d’architecture de la SNBA en 1893, mais seulement l’année suivante avec un envoi particulièrement remarqué détaillant les petits hôtels particuliers qu’il avait construits dans le quartier d’Auteuil. Il a ensuite régulièrement participé à ce salon jusqu’en 1897, date à laquelle il s’en est retiré, avec d’autres, par solidarité avec Baudot pour une question de choix d’architecte concernant un projet de palais[29]. Cette participation puis ce retrait disent bien sa volonté de s’inscrire dans cette mouvance de l’école rationaliste qui s’était regroupée autour du maître au Trocadéro.
Nous en avons une illustration par un épisode rapporté par le Bulletin de l’Union Syndicale des Architectes et des Artistes Industriels[30] du 16 janvier 1904. À l’issue d’une conférence donnée au Trocadéro le 12 décembre 1903 par l’architecte en chef diocésain Paul Gout sur « L’Architecture du XXe siècle et l’Art Nouveau » où il avait été question du pavillon de Guimard à l’exposition de l’Habitation en 1903 et de la Salle Humbert de Romans, Guimard avait pris part à une discussion informelle. Il a alors lancé une invitation à visiter sa salle de concert, visite effectuée peu après sous la direction d’Anatole de Baudot qui, gardien d’une certaine orthodoxie, n’a sans doute ménagé ni éloges vis-à-vis du décor, ni critiques vis-à-vis de la structure en bois et fer de la coupole.
Cette proximité de Guimard, élève de l’École de Beaux-Arts, avec les architectes diocésains du Trocadéro n’était pourtant pas une rupture car l’heure n’était plus, comme dans les décennies précédentes, à l’antagonisme entre rationalistes extérieurs à l’École des Beaux-Arts et tenants de la tradition à l’intérieur de l’École des Beaux-Arts. Et l’École nationale des arts décoratifs (où Guimard a successivement été élève puis professeur) peuplée de rationalistes, préparait efficacement à l’entrée aux Beaux-Arts.
S’il a été stylistiquement plus radical que n’importe quel autre, s’il a exploré toutes les possibilités offertes par les matériaux et l’industrie pour exprimer son style propre, Guimard a été plus frileux en ce qui concerne l’utilisation d’un matériau structurellement innovant comme le ciment ou le béton armé. Il s’en est pourtant servi précocement pour la terrasse de l’armurerie Coutolleau au 6 boulevard de Saumur à Angers en 1896. Mais, sauf nouvelle découverte en ce sens, il n’y est revenu que tardivement, vers 1910 pour des éléments préfabriqués comme des appuis de fenêtres, puis plus massivement après-guerre pour son système de « Standard-construction ».
Guimard n’a pas non plus reçu de formation technique poussée comme en ont eue Cottancin, Baudot et Bénouville, ingénieurs formés à l’École Centrale et qui se sont ensuite dirigés vers l’architecture. Son attitude vis-à-vis de l’influence grandissante des ingénieurs dans la construction a été ambivalente et a pu se calquer sur celle qu’avait Viollet-le-Duc. Ce dernier valorisait effectivement l’esprit rationnel et le savoir-faire des ingénieurs[31] mais exhortait aussi les architectes à concevoir de nouveaux modèles en adéquation avec les nouveaux matériaux « […] en s’aidant franchement de l’industrie, sans attendre qu’elle nous impose ses produits, mais en la devançant au contraire.[32] » Et c’est bien cette attitude que Guimard a mise en avant dans son activité créatrice en concevant inlassablement toutes sortes de modèles destinés à la production en série et pour lesquels le « style Guimard » était une valeur artistique ajoutée qu’aucun ingénieur n’aurait pu fournir. Alors qu’il ne possédait sans doute pas les capacités techniques nécessaires à la réalisation de bâtiments de grande hauteur, il a exprimé à plusieurs reprises son dédain des gratte-ciels américains[33] auxquels il reprochait un évident manque de sentiment artistique[34]. Il serait donc sans doute exagéré de le considérer comme un précurseur du modernisme dont il n’avait pas le goût, mais il a bel et bien été un acteur du mouvement moderne par sa volonté d’exploration des matériaux et de production sérielle.
Frédéric Descouturelle
Je remercie tout particulièrement Jean-François Belhoste dont le séminaire d’histoire des techniques à l’École Pratique des Hautes Études m’a permis de mieux connaître les carrières de Paul Cottancin et d’Anatole de Baudot et de découvrir l’existence de la maison de ce dernier, rue de Pomereu.
Notes
[1] Plus exactement, après le décès d’Alphonse Brault en 1895, la société s’appelle Gilardoni fils, A. Brault et Cie.
[2] Ces panneaux sont commentés dans l’ouvrage La Céramique et la Lave émaillée d’Hector Guimard paru en 2022 aux éditions du Cercle Guimard.
[3] Cf. notre article « Le stand de Guimard à l’Exposition de la Céramique en 1897 et autres réalisations architecturales en céramique émaillée ».
[4] 84 boulevard de Rochechouart de 1881 à 1885, puis 12 rue de Laval (actuellement rue Victor Massé) jusqu’en 1896.
[5] Notice biographique de Baudot par Marie-Laure Crosnier-Leconte, site Agorha, INHA. https://agorha.inha.fr/ark:/54721/ad009af2-7091-40c4-a4e9-e1362fe57d6a
[6] Le salon de la Société Nationale des Beaux-Arts était l’un des deux salons parisiens. Fondée en 1863 avec la volonté de s’affranchir du salon officiel de peinture et de sculpture qui était sous la coupe de l’Académie des Beaux-Arts, puis refondée en 1890, la SNBA avait la réputation d’être plus libérale que la Société des Artistes Français.
[7] Ancien palais des Beaux-Arts de l’Exposition universelle de 1889, le palais du Champ de Mars a été détruit pour faire place aux nouveaux bâtiments de l’Exposition universelle de 1900.
[8] Delon était vitrailliste. Cf. Le Génie Civil, 15 juillet 1893, p. 178.
[9] Il pourrait s’agir du peintre et graveur parisien Henri Guérard (1846-1897).
[10] MARIETTE, Édouard, « l’Exposition d’Architecture au Palais du Champ de Mars », Le Génie Civil, 15 juillet 1893, p. 178.
[11] BELHOSTE Jean-François, in Le béton armé, histoire d’une technique et sauvegarde du patrimoine du 20e siècle, collectif, sous la direction de Matteo Porrino, Infolio, 2019.
[12] Mais il n’a pas été diplômé de l’École Centrale, n’y étant resté que moins d’un an et ayant démissionné en juillet 1854, vraisemblablement pour anticiper un possible renvoi ou un probable refus d’admission en seconde année. Ses professeurs le trouvaient en effet trop chahuteur et insuffisamment doué en dessin. Cf. BELHOSTE Jean-François, ibid.
[13] Eugène Viollet-le-Duc (1874-1879), devenu le chef de l’école rationaliste française, a exercé une forte influence sur nombre de jeunes architectes dont certains ont ensuite travaillé dans le style Art nouveau tout en prêtant une grande attention à la structure de leur construction.
[14] Nous avons commenté cet adjectif « national » dans l’article « National », « Style Nouveau », « Architecte d’Art », « Style Guimard » et « Style Moderne », les qualificatifs appliqués par Guimard à son œuvre et leur postérité » en mettant l’accent sur le contexte xénophobe et nationaliste des années 1890. On voit ici que sans être exempt de chauvinisme, il se replace dans un contexte plus large d’écriture de l’histoire de l’art française.
[15] Cette toiture cintrée se retrouve sur plusieurs autres bâtiments d’Anatole de Baudot, notamment sur deux petites maisons construites en 1894 au 27-29 rue Gabriel Péri à Antony et sur le théâtre municipal de Tulle en Corrèze construit de 1900 à 1903.
[16] L’idée d’armer le ciment est beaucoup ancienne puisqu’elle est due à Joseph Lambot pour une barque présentée à l’Exposition universelle à Paris de 1855 puis par Joseph Monnier qui s’en est servi pour fabriquer des caisses d’horticulture, des terrasses, des bassins et même des ponts et des passerelles. L’application du ciment armé à la construction d’immeubles et à la réalisation d’ouvrages de génie civil par Cottancin et Hennebique s’est inspiré d’exemples préalables menés aux États-Unis, notamment pas Ernest L. Ransome.
[17] François Hennebique, alors installé en Belgique, a déposé son brevet en 1892 après l’avoir testé pendant plusieurs années sur ses constructions. À partir de 1894 il s’est installé à Paris et est devenu ingénieur conseil pour développer son système constructif.
[18] LAVERGNE, Gérard, « Les travaux en ciment avec ossature métallique du système P. Cottancin », Le Génie Civil, 15 juillet 1893, p. 25. Cf. BELHOSTE, Jean-François, ibid.
[19] Auguste Delaherche (1857-1940) a été élève à l’École nationale des Arts décoratifs en 1877. Il a débuté sa carrière de céramiste en 1883 et a été récompensé par une médaille d’or à l’Exposition Universelle de 1889. Après avoir repris l’atelier d’Ernest Chaplet à Paris en 1887, il s’est installé en 1891-1892 à Lachapelle-aux-pots, près de Beauvais, puis y a fait construire sa maison et son atelier « Les Sables Rouges » en 1894 par son ami l’architecte Charles Genuys, architecte diocésain, ancien élève d’Anatole de Baudot et professeur de Guimard à l’École nationale des arts décoratifs.
[20] Notice biographique de Baudot par Marie-Laure Crosnier-Leconte, ibid.
[21] Cette coupure de presse est reproduite, sans son origine, dans le blog « Le pays d’Yveline » blog consacré à Rambouillet et ses alentours, animé par M. Christian Rouet : https://yveline.org/2-rue-de-la-republique.
[22] Anatole De Baudot a construit l’église Saint-Lubin et Saint-Jean-Baptiste à Rambouillet de 1868 à 1871.
[23] DE PRAETERE, Ophélie, Le Faubourg Saint-Antoine et l’Art nouveau (1895-1905) – Troisième partie : vers le mobilier « à bon marché », https://www.lecercleguimard.fr/fr/le-faubourg-saint-antoine-et-lart-nouveau-1895-1905-troisieme-partie-vers-le-mobilier-a-bon-marche.
[24] LÉNIAUD, Jean-Michel, Répertoire des architectes diocésains du XIXe siècle, École des chartes, 2003.
[25] MARIETTE Édouard, ibid.
[26] Cf. notre article « Léon Bénouville – Louis Brouhot, confusion entre deux créateurs de mobilier parisiens », Arts Nouveaux, revue de l’Association des Amis du Musée de l’École de Nancy, n° 8, 1992. Depuis sa publication, cette confusion tend à se résorber mais est toujours très présente sur internet.
[27] Il est vraisemblable qu’elle a servi d’inspiration à l’architecte Émile André pour la banque Renauld à l’angle de la rue Saint-Jean et de la rue Chanzy à Nancy en 1908-1910. André s’était précédemment beaucoup inspiré des péristyles de Charles Plumet pour ses immeubles du 69 et 71 avenue Foch à Nancy.
[28] BARBIER-LUDWIG, Georges, « Pour une attribution à Eugène Vallin de la façade prolongée (1899) de l’immeuble Gaudin à Nancy » in Eugène Vallin, menuisier de l’Art nouveau, p. 31-36, SLAAM, 2022. Le chat pourrait être ici la personnification d’Antonin Daum, pilleur du travail d’Émile Gallé.
[29] Vigne, Georges, Hector Guimard hors de lui-même, p. 47, catalogue de l’exposition Guimard, musée d’Orsay, 1992.
[30] L’Union syndicale des Architectes Français, fondée en 1890 regroupait initialement les architectes non diplômés par l’École nationale des Beaux-Arts. Elle est vite devenue le rassemblement de la mouvance rationaliste et prônait le rapprochement avec le monde des entreprises et l’emploi des nouveaux matériaux. Paul Cottancin en est ainsi rapidement devenu membre et le passage de l’architecte suisse Gustave Falconnier à Paris en décembre 1895 à l’invitation de l’USAF a débouché sur l’emploi de son invention, la brique de verre soufflée, par une cohorte de jeunes architectes audacieux, dont Guimard.
[31] VIOLLET-LE-DUC, Eugène, Histoire d’une maison, Hetezl, 1873. Le chapitre XXV est très clair à ce sujet.
[32] VIOLLET-LE-DUC, Eugène, Entretiens sur l’Architecture, Treizième entretien, p. 119, 1858-1872.
[33] William Le Baron Jenney (1832-1907), architecte à Chicago, considéré comme le pionnier du gratte-ciel, a lui aussi été formé à l’École Centrale des Arts et Manufactures à Paris.
[34] Il s’est exprimé à ce sujet à plusieurs reprises, notamment lors d’interviews à l’occasion d’un voyage aux États-Unis en 1912 (cf. PARIS Marie-Claude, PONS, Olivier, Le premier voyage d’Hector Guimard aux États-Unis – New York 1912) et dans un article de Gaston-Louis Vuitton en 1932 dans lequel Guimard apportait un soutien partiel à l’ingénieur Jean Desbouis, auteur d’un immeuble au modernisme dérangeant sur les Champs-Élysées (cf. PONS, Olivier, Vuitton fan de Guimard).
(à voir jusqu’au 14 juillet 2024)
Régulièrement, le musée d’Orsay organise de petites expositions, dénommées « accrochages », centrées sur un sujet précis et qui ne bénéficient pas d’une couverture médiatique très importante. Nous attendions avec impatience celle-ci, organisée par Clémence Raynaud, conservatrice en chef Architecture et Claire Guitton, chargée d’études documentaires Architecture. Dès son ouverture le 16 mars, une petite délégation du Cercle Guimard s’y est rendue.
Cet accrochage concerne essentiellement des dessins issus du fonds découvert en 1968 par Yves Plantin et Alain Blondel[1] à l’Orangerie du domaine de Saint-Cloud. Guimard avait obtenu en 1918 l’autorisation de la direction des Bâtiments civils d’y déposer une partie de ses archives et de ses modèles probablement suite aux souhaits formulés par les héritières Nozal de le voir débarrasser les ateliers de la rue Perrichont dont elles étaient devenues propriétaires après la mort de Léon en 1914[2]. Alain Blondel et Yves Plantin ont créé l’Association d’étude et de défense de l’architecture et des arts décoratifs du XXe siècle en juillet 1968 pour recueillir ce fonds qui a fait l’objet d’une première campagne photographique partielle. Les dessins ont alors été classés et ont pris les numéros des archives du studio photographique où ils étaient entreposés. Ce n’est que dix ans plus tard, au moment de leur dépôt au musée des Arts décoratifs (et de la deuxième campagne photographique concernant cette fois-ci l’ensemble du fonds), que le double lettrage GP (pour « Guimard Provisoire ») a été accolé aux numéros des dessins[3]. En 1995, l’ensemble du fonds a été donné à l’État par l’association (qui a alors été dissoute par ses fondateurs) et attribué au musée d’Orsay qui a entamé leur restauration progressive.
La sortie exceptionnelle de ces grands formats tout juste restaurés des réserves du musée a d’ailleurs représenté une nouvelle occasion unique pour l’agence photographique de la Réunion des musées nationaux d’organiser une séance de prise de vues. Profitant des grands espaces offerts par la nef de l’ancienne gare, les dessins — dont certains atteignent les quatre mètres — ont été disposés parmi les collections XIXème du musée puis photographiés. Leur numérisation en haute définition permet ainsi aux chercheurs de les étudier à distance sans nuire à leur conservation.
Ces dessins, principalement sur calque mais aussi papier vélin, sont de dimensions très variables et comportent aussi bien des esquisses crayonnées que des projets colorisés ou des dessins d’exécution à l’échelle 1. Il manque à ce fonds des pans entiers des créations de Guimard et les dessins qui leur correspondent sont sans doute malheureusement perdus pour toujours, mais les nombreuses œuvres dont les dessins sont conservés reçoivent ainsi un précieux éclairage documentaire. Le métro, cette œuvre emblématique de Guimard, en fait heureusement partie.
L’exposition se tient dans une seule salle, sorte de module provisoire logé sous l’escalier Est de la grande nef du musée et destiné à accueillir ce type d’accrochages. Elle s’ouvre sous une enseigne en lave émaillée qui appartient au musée d’Orsay, prêtée en 1961 (puis offerte) par la RATP au musée national d’Art Moderne de Paris en même temps qu’un entourage découvert complet, à l’occasion du démontage de l’accès de la station Montparnasse située rue du Départ en 1960. Mais l’installation de cet entourage ayant été faite en 1910, son enseigne ne pouvait pas comporter la signature de Guimard qui a disparu des accès installés après la rupture entre Guimard et la CMP en 1903[3]. C’est donc en réalité une autre enseigne, créée entre 1901 et 1903, qui a été offerte par la RATP en puisant dans ses réserves.
Une fois passée l’entrée, on se retrouve entourés d’une quinzaine d’œuvres de Guimard présentées en fonction de leur format et du sujet représenté. L’espace est restreint mais l’accrochage semi dense choisi par les organisatrices se prête bien au thème abordé. Disons-le tout de suite, contempler autant de dessins originaux de l’architecte sur le même sujet et en un seul endroit est exceptionnel. Rien que pour cette raison, l’exposition mérite vraiment que l’on fasse le déplacement. Certains de ces dessins sont d’ailleurs exposés pour la première fois, à l’issue de la campagne de restauration menée par l’établissement en 2022 et 2023.
La qualité des œuvres présentées, leur disposition globale ainsi que le choix des sujets sont une bonne initiation au processus créatif de Guimard. Des esquisses illustrant les projets abandonnés par l’architecte côtoient des dessins échelle grandeur de fragments du métro proches du résultat définitif et des études pour les enseignes des portiques.
L’énergie dégagée par le graphisme de Guimard et sa maîtrise du trait ne cessent d’impressionner, y compris l’œil averti.
Minutie des détails, variété des supports, polychromie des techniques, certains dessins constituent de véritables œuvres d’art que le visiteur curieux a la chance de pouvoir examiner de très près. Une quantité de détails se révèlent et sont autant d’indices sur la somme de travail fournie par l’architecte mais aussi sur la complexité du projet. Aux côtés des signatures et des dates habituels apparaissent ainsi des traces plus discrètes : annotations techniques, calculs griffonnés en marge, croquis presqu’illisibles, ces informations sont parfois aussi précieuses pour les chercheurs que le sujet principal du dessin.
Les recherches à la pierre noire et au fusain sur les décors des pavillons démolis de la place de l’Etoile constituent un des autres points forts de l’exposition.
Nous n’avons cependant pas pu nous empêcher de remarquer qu’un dessin ainsi présenté :
aurait eu tout avantage à l’être dans ce sens :
Il s’agit en effet d’une esquisse pour la partie gauche d’un modèle de plaque en fonte du pavillon voyageurs et du pavillon technique de la station de la Place de l’Étoile. Cette plaque est numérotée V-88 dans notre répertoire des fontes Guimard[4].
Guimard a placé ces plaques, non en balustrade comme l’indique le cartel, mais en hauteur, au-dessus des vitres des parois de la salle des ascenseurs. Ce dessin est très proche d’un autre dessin exposé, dessin préparatoire pour la même plaque et (GP 1648). Le Cercle Guimard possède d’ailleurs un troisième dessin préparatoire pour cette plaque.
Autre bémol à notre appréciation de l’exposition, l’absence de documents photographiques montrant les versions définitives des sujets qui ont fait l’objet des recherches de Guimard et qui auraient permis des comparaisons avec ce qui a été effectivement réalisé.
Voici par exemple un photomontage que nous avons réalisé, associant un détail du dessin GP 1750 qui est exposé et le même détail que nous avons photographié sur l’édicule B de la station Porte Dauphine.
Exceptés ces deux points dont le premier pourrait être facilement corrigé, nous ne pouvons que louer l’initiative du musée d’Orsay qui tombe à point nommé pour l’année Guimard. Nous espérons aussi que la campagne de restauration des dessins du fonds Guimard va se poursuivre et donnera lieu à de nouveaux accrochages thématiques. Pourquoi ne pas envisager, sur le même principe, une exposition sur le mobilier ?
Olivier Pons et Frédéric Descouturelle
Notes
[1] BLONDEL Alain, Blondel et Plantin à la découverte de Guimard, p. 1-16, Guimard Colloque international Musée d’Orsay, RMN,1994.
[2] Voir notre article https://www.lecercleguimard.fr/fr/hector-guimard-et-la-famille-nozal-seconde-partie-suite-des-realisations-deces-et-proces
[3] Précisions données par Laurent Sully Jaulmes, photographe, compagnon de route d’Alain Blondel et Yves Plantin et auteur des deux premières campagnes photographiques du fonds Guimard.
[4]L’accès de la station Quatre-Septembre, installé en 1904, fait exception car son enseigne (qui est encore celle d’origine) est signée recto-verso.
[5] Ce répertoire des fontes Guimard produites par Durenne, Le Val d’Osne et Bigot-Renaux est téléchargeable gratuitement sur notre site.
À la suite de l’exposition de 1900, qui a vu le triomphe d’Émile Gallé avec son mobilier « Aux ombelles », de Louis Majorelle avec l’ensemble « Aux nénuphars » ainsi que le succès, cette fois incontesté, du pavillon de L’Art Nouveau Bing, un certain nombre de maisons d’ameublement du Faubourg Saint-Antoine se sont lancées dans l’aventure du nouveau style. Mais, alors que pour la plupart des fabricants, faute d’archives, les connaissances sont très fragmentaires, il en va tout autrement pour la maison Soubrier.
En effet, en 2017, les descendants de la famille Soubrier ont fait don au musée des Arts Décoratifs[1] de l’intégralité du fonds d’archives de la maison. Constitué de plus de six cent registres, catalogues, livres de modèles, livres de comptabilité, dessins, photographies et plans, ce fonds est exceptionnel par son ampleur et sa diversité et constitue une source d’une richesse inestimable pour le chercheur. Son étude permet de faire revivre cette entreprise emblématique du Faubourg Saint-Antoine, et d’appréhender le fonctionnement d’une maison d’ameublement traditionnelle de 1818[2] jusqu’à la fin des années 1960. Elle existe d’ailleurs toujours, à la même adresse au 14 rue de Reuilly, tout en ayant modifié son activité[3].
Sa production était de deux ordres : l’une, haut de gamme, constituée de créations réalisées sur mesure répondait aux commandes particulières d’une clientèle privilégiée ; l’autre, de petites séries mais toujours d’excellente qualité, était destinée à la bourgeoisie aisée. Entré dans la société en 1859, Louis Soubrier, en négociant et chef d’entreprise avisé, a su diversifier sa production et en faire l’une des grandes maisons d’ameublement du Faubourg Saint-Antoine dans les années 1890. Son fonds était alors constitué de modèles de styles historiques qui, en cette fin de siècle faisaient une part particulièrement belle au style Renaissance. Le dressoir présenté par l’antiquaire belge De Houtroos en constitue un exemple d’autant plus intéressant que le dessin correspondant a été retrouvé dans les registres de modèles du fonds d’archives. Il constitue un exemple de la façon dont des maisons comme Soubrier s’adonnait à la copie de meubles célèbres. Il s’agit ici de la reproduction fidèle, à quelques détails près, du Dressoir de Joinville, daté de 1514, conservé au château d’Ecouen. La complexité du décor sculpté témoigne de la virtuosité des artisans employés par la maison.
À la même époque, la maison continuait à commercialiser des pièces qui relèvent du style opulent et plein de fantaisie du Second Empire comme ce pouf à piètement en forme de cordages entrelacés dont un exemplaire a été livré pour le Domaine privé de l’Empereur au château de Compiègne et installé dans le salon de musique de l’Impératrice[4], représentatif de ce style toujours aussi apprécié sous la Troisième République. Un dessin très proche de ce modèle, que l’on peut donc faire remonter au Second Empire, a été retrouvé dans les registres Soubrier. Ce pouf, qui a pu être édité par d’autres fabricants, a connu un certain succès : le musée des Arts décoratifs en présente un modèle, un autre est conservé au Mobilier national (n° d’inventaire : GMT 12185).
Enfin, la maison, attentive aux injonctions de la mode et soucieuse de répondre aux demandes de sa clientèle, proposait également une gamme de meubles inspirés de l’Orient, japonisants notamment. Après le décès de Louis Soubrier, en 1895, ses deux fils, sous la raison sociale François et Paul Soubrier, ont creusé le sillon tracé par leur père et ont mis en production des meubles de style Art nouveau.
Le corpus Art nouveau de la maison Soubrier est essentiellement constitué de dessins réalisés de 1899 à 1907. Ceux-ci sont pour la plupart accompagnés d’annotations, sous forme de noms de clients et de dates qui indiquent que les meubles ont été réalisés. Il en va de même pour l’adjectif « adopté », qui figure sur de nombreux feuillets : dans les codes de la maison, il signifiait que le dessin avait été validé par le client. On trouve ces dessins dans seize registres intitulés Compositions, ce qui représente environ deux cent vingt modèles de meubles de tous types. S’y ajoutent une vingtaine de modèles présentés dans le registre nommé Meubles n° 7, qui n’est pas daté. Il s’agit d’une production assez minime en proportion du nombre de dessins conservés dans le fonds qui compte environ quatre-vingts registres contenant en moyenne huit cents dessins, avec toutefois des répétitions d’un registre à l’autre. Ce corpus Art nouveau présente une majorité de buffets, de lits et de dessertes. On y trouve également toutes les autres pièces de mobilier destinées à équiper un intérieur bourgeois confortable, meubles d’entrée, bureaux, bibliothèques, jusqu’à des cheminées et même une cabine d’ascenseur. Il y a peu de commodes car, à l’époque on leur préférait les armoires. De façon curieuse, on n’y trouve aucune sellette alors que ce type de meuble était alors fort prisé.
L’intérieur de cette cheminée est un modèle en grès émaillé de l’architecte Charles Génuys, conçu vers 1897 puisqu’il a été présenté à cette date au Salon de la Société Nationale des Beaux-Arts (SNBA). Il figurait sur le catalogue (pl. 41) de la société Muller & Cie à Ivry[5] qui le vendait (avec le manteau également en grès émaillé) pour 330 F-or. Sa présence sur cette cheminée montre que la maison Soubrier se tenait au courant des développements du style moderne et n’hésitait pas à les intégrer à ses propres créations.
Et parfois même, elle allait jusqu’à plagier certains modèles de meubles publiés dans les revues d’époque comme ce siège de Henry Van de Velde,
ou vus dans les expositions comme cette coiffeuse de Louis Majorelle. Le dessinateur Soubrier en a retranché les parties latérales et ajouté sa touche : il a accentué l’aspect spectaculaire du miroir en l’intégrant dans un cercle formé par une fine tige de bois recourbé dont naissent de part et d’autre, à mi-hauteur, deux rejets supportant deux tablettes arrondies.
Il ne faut donc pas se leurrer sur la signification de cette fabrication. Plutôt que d’un engagement profond envers le nouveau style, qu’aucun document ne vient valider, il s’agit plutôt pour la maison d’attester de sa modernité et d’élargir sa production en la diversifiant, dans le but de générer de nouvelles commandes. À la même époque, la production japonisante de la maison répond au même impératif. D’ailleurs, lors de l’Exposition universelle de 1900, la maison Soubrier remporte une médaille d’argent en exposant une chambre à coucher Louis XV et des petits meubles Directoire loués par Henri Havard : « si crânes dans leur afféterie et dont les bois de citronniers sont enrichis de porcelaine de Wedgwood. »
Aux dessins évoqués plus haut s’ajoutent quelques pièces parvenues jusqu’à nous : une coiffeuse actuellement présentée par la galerie monégasque Robert Zéhil Gallery, un cabinet appartenant à des particuliers ainsi qu’un ensemble lit et armoire conservé dans une collection privée. Ces meubles ont pour dénominateur commun, un dessin harmonieux ainsi qu’une fabrication extrêmement soignée qui témoigne de la virtuosité des artisans employés par la maison Soubrier, dessinateurs, ébénistes et sculpteurs.
La coiffeuse, qui n’est pas signée, avait été achetée par R. Zéhil aux puces de Saint-Ouen. Elle avait jusqu’à présent été attribuée à Georges Hœntschel (1855-1915), architecte-décorateur, céramiste et grand collectionneur, qui réalisa, notamment, le pavillon de l’Union Centrale des Arts Décoratifs (UCAD) à l’Exposition universelle de 1900 et son célèbre Salon du Bois, actuellement conservé au musée des Arts décoratifs de Paris. Cette attribution reposait sur celle de Laurence-Buffet-Chaillet dans son ouvrage sur le Modern Style[6].
Néanmoins, un dessin[7] retrouvé dans les registres de modèles Soubrier qui propose un « bureau »[8], en tout point semblable à la coiffeuse Zéhil, nous permet de réattribuer ce meuble à la maison Soubrier. L’hypothèse d’une sous-traitance de la fabrication de ce modèle à la maison Soubrier par Hoentschel est peu probable, ce dernier possédant ses propres ateliers qui faisaient travailler cent cinquante personnes.
Cette attribution à Soubrier est d’ailleurs confirmée par la présence, dans le même registre, d’une photographie d’un ensemble de chambre à coucher avec lit, armoire à glace et coiffeuse présentant le même type de décor de branchages, appliqué sur un placage de loupe ou de ronce.
Cette coiffeuse constitue un bon exemple de la façon dont la maison Soubrier procédait pour mettre au goût du jour une pièce fabriquée dans un style historique et qui faisait partie des classiques de son fonds de commerce. La comparaison avec une coiffeuse de style Directoire[9] conservée par le Mobilier national et livrée le 21 octobre 1909 pour le cabinet de toilette de Mme Fallières à l’Élysée, bien que de date postérieure, est en effet très éclairante.
La forme générale des deux modèles est la même : sur un plateau sous lequel sont aménagés des tiroirs, est posé un gradin surmonté d’un miroir. Ce qui frappe, si l’on compare les deux modèles, c’est l’élan vertical qui anime le modèle Art nouveau. Ce principe, qu’Émile Gallé, fasciné par la croissance et la vitalité du végétal tenait pour fondateur, est un leitmotiv du nouveau style. Dans cette pièce, il est notamment donné par des pieds en forme de tige nervurée qui jaillissent d’un bouton floral élégamment sculpté. Leur forme en asymptote verticale renforce l’idée de poussée vers le haut.
Le miroir, surélevé par le fait d’être placé sur le gradin, et non directement sur le plateau du meuble, concourt au même effet. La suppression de quatre tiroirs — la version Art nouveau ne conservant que le tiroir central — remplacés par des niches, crée une alternance de vides et de pleins, qui confère à ce modèle beaucoup de légèreté. Un décor inspiré de la nature se substitue à la sobriété du style Directoire : des motifs de branchage aux sinuosités délicates se détachent avec leur ton acajou sur le jaune doré du fond plaqué de loupe. Repris en ronde-bosse, le motif se transforme en console et se noue de façon virtuose pour souligner le haut des pieds du meuble.
Ce motif végétal souligne ainsi la jonction entre les pieds et le plateau, principe décoratif souvent appliqué dans l’Art nouveau. L’imagination du dessinateur, la virtuosité de l’ébéniste qui joue avec les essences de bois utilisées, et le talent du sculpteur, font de ce modèle une pièce de grande qualité, ce qui explique qu’elle ait pu être attribuée à Georges Hœntschel[10].
Le même travail très soigné caractérise le cabinet retrouvé récemment chez un particulier. Il présente des pieds et des consoles proches de ceux de la coiffeuse ainsi que le même travail de sculpture à partir de gaines végétales qui, cette fois, soutiennent, le plateau. Les tiges ponctuées de renflements qui soulignent les montants latéraux du meuble, participent là encore à l’élan vertical qui l’anime.
Un jeu dynamique de lianes entrelacées, se déploie sur les deux vantaux, auquel font écho, sur le mode mineur, les vrilles qui cantonnent les deux poignées chantournées.
Comme pour la coiffeuse, à ce cabinet correspondent un dessin et une photo retrouvés dans les archives Soubrier.
Nous connaissons également une chambre en noyer au motif de roses.
Elle correspond à celle reproduite dans le livre Paris Salons d’Alastair Duncan[11] dans lequel elle est présentée comme ayant été exposée à un salon en 1902, sans plus de précision[12]. Nous n’avons retrouvé ces photographies ni dans les revues ni dans les portfolios anciens consultés.
Par rapport à la photographie ancienne, l’armoire a été amputée des deux rangements latéraux. Cet ensemble a longtemps été présenté par les antiquaires comme une œuvre d’Eugène Vallin (1856-1922), parfois d’Émile André (1871-1933) parfois même des deux, sans justification autre qu’une certaine ampleur des menuiseries, en particulier au niveau des pieds du lit pouvant évoquer la puissance d’une poussée végétale, idée chère aux créateurs nancéiens.
À l’inverse, il faut noter la délicatesse du détail de la feuille naissante qui produit un discret décrochement dans la moulure qui suit le pourtour du pied du lit et que l’on retrouve sur le chevet et le fronton de l’armoire. Le dossier du lit présente une interprétation originale d’un motif que l’on retrouve souvent dans les lits de style Art nouveau, celui des coins étirés « en oreilles » Ici, le sculpteur les a évidés et a déplacé sur le côté le motif de la rose enfouie dans un feuillage.
On retrouve ces étirements des coins supérieurs en « oreilles » sur la photographie d’un lit d’une chambre Soubrier (cf. plus haut).
Le motif de roses est repris, dans un haut-relief d’une grande virtuosité, sur le fronton de l’armoire.
L’élégance et la qualité esthétique de cet ensemble tiennent au contraste instauré entre la sobriété des grandes surfaces planes de sa structure et le raffinement de ses détails sculptés.
Inconséquence des modes, voici comment, trente ans plus tard, dans un article intitulé « Ancien et moderne », un catalogue de la maison Soubrier décrivait le style Art Nouveau qu’elle avait pourtant jadis pratiqué :
« En 1900, par réaction contre le goût « Napoléon III » qui s’était contenté de dénaturer le Louis XV, le Louis XVI et le gothique, on avait essayé de renouveler les sources de l’art décoratif en cherchant l’inspiration dans la nature : il en était résulté
ces enchevêtrements pitoyables de pavots et de volubilis, ces accouplements inattendus et monstrueux de pieuvres et de pâtes alimentaires, style lanière de fouet et flamme de punch[13]. »
Ce texte qui conservait à la fois le souvenir ancien d’Arsène Alexandre[14] et récent de Paul Morand[15], était accompagné d’un dessin à charge voulant fustiger la mollesse supposée de ce style.
À cette époque, il était de bon ton de se gausser de l’Art nouveau, de même qu’on est tenu de le révérer à la nôtre. Mais ce que la postérité a fini par retenir ce sont l’inventivité et la qualité d’exécution des produits conçus par des fabricants souvent audacieux. Quant à la Maison Soubrier, si elle n’a pas été aux avant-postes de la création du nouveau style, il n’est pas exagéré de dire qu’elle s’y est illustrée avec un certain brio.
Michèle Mariez
Doctorante à l’École du Louvre
Remerciements
Je remercie vivement les personnes suivantes :
Louis et Jean-Marie Soubrier pour l’intérêt qu’ils prennent à mes recherches et pour leur aide.
Ophélie Depraetere, étudiante en Master 2 à l’EPHE qui, dans le cadre d’un mémoire de recherche de Master 2 intitulé L’industrie du meuble au Faubourg Saint-Antoine et la recherche de la modernité (1880-1905) a fait le rapprochement entre la coiffeuse de M. Zéhil et le dessin vu dans un recueil du fonds d’archives Soubrier. Il en va de même pour le cabinet évoqué plus loin.
Robert Zéhil, M et Mme Müller ainsi que Siegfried Bourguignon qui m’ont donné accès à leur collection.
Frédéric Descouturelle pour les informations complémentaires qu’il a apportées.
Notes
[1] Ce fonds est conservé aux archives de la Bibliothèque des Arts Décoratifs.
[2] Date la plus ancienne jusqu’à laquelle j’ai pu remonter concernant la formation de la maison. « Contrat sous signatures privées en date à Paris du 8 janvier 1818, enregistré à Paris le 20 du même mois, concernant formation de société entre Monsieur Pierre Ovide Fréquant requérant, et Monsieur Pierre Martin Fréquant, son frère « pour toutes les opérations de commerce et de commissions, généralement quelconques qu’ils pourraient faire. » Minutier des notaires de Paris, Inventaire après-décès de Mme Fréquant, MC/ET/C1169, Archives de Paris.
[3] Elle propose à la location une collection de meubles et d’objets de tous styles et de toutes époques.
[4] Le site du château de Compiègne https://chateaudecompiegne.fr/collection/objet/pouf-cordiforme-du-salon-de-musique fournit le nom du tapissier porté sur une étiquette : « Fournier Feur de SM l’Impératrice 5 rue de Sèvres ».
[5] DESCOUTURELLE Frédéric, PONS Olivier, La Céramique et la Lave émaillée d’Hector Guimard, p. 24, éditions du Cercle Guimard, 2022.
[6] BUFFET-CHALLIÉ Laurence, Le Modern Style, Paris, 1975, Paris, Baschet et Cie, p. 66.
[7] Bureau art nouveau n° 158, vers 1900, dessin à la plume 7603, Soub 11, Meubles n° 7, Fonds Soubrier, archives de la bibliothèque MAD, Paris.
[8] Ce qui a pu être à l’époque un bureau de dame, est actuellement plutôt identifié comme une coiffeuse en raison de la présence du miroir.
[9] GME 14/12147, Mobilier National.
[10] L’emploi de branchages au naturel qui dénote une influence du mobilier du nancéien Émile Gallé, avait facilité cette attribution dans la mesure où il était de notoriété publique que Gallé avait fait savoir à Hœntschel qu’il avait apprécié son mobilier du Salon du Bois au sein du pavillon de l’UCAD.
[11] SOUBRIER Frères, François & Paul, Bed, Wardrobe, salon 1902, photographie The Paris Salon, Alastair Duncan, p. 540.
[12] Malheureusement, l’origine des photographies reproduites dans cette série d’ouvrages n’est pas précisée.
[13] Catalogue commercial Soubrier, vers 1932, s.p., article « Ancien et moderne », coll. part.
[14] ALEXANDRE Arsène, Le Figaro, 28 décembre 1895.
[15] MORAND Paul, 1900, Les éditions de France, 1931.
Les premiers vases en céramique créés par Guimard sont encore assez mal connus car rares et peu disponibles en France. Leur attribution est en partie le fait de conjectures et leurs fabricants ne sont pas toujours connus avec certitude. Notre livre consacré à la céramique de Guimard[1] a fait un premier bilan de cette production, mais de nouvelles informations sont venues enrichir nos connaissances. Dans cet article, nous n’aborderons que quelques modèles de vases sur lesquels les informations étaient jusqu’ici très restreintes, jusqu’à ce que l’un d’entre eux puisse être acquis en juin 2023 et qu’un autre apparaisse en vente publique, la veille de la publication de cet article.
Dans le portfolio du Castel Béranger, édité à la fin de l’année 1898, la dernière planche (n° 65) est consacrée à différents modèles de vases qui sont reproduits sans avoir été mis à l’échelle. Ceux qui sont représentés aux quatre coins sont deux modèles différents en bronze doré (n° 3 et 5, n° 4 et 6). Les autres vases sont en céramique. La légende précise, pour le pot à tabac (n° 7, 8, 9, 10), « Pot à tabac en grès, couvercle en bronze », sans donner le nom du fabricant. Le petit pot (n° 11 et 12) est légendé : « Petit pot en grès[2] » sans nom de fabricant. Le grand vase (n° 1 et 2, cerclés sur la photo) est simplement légendé : « Grand vase à fleurs » sans indication de matériau ni de fabricant. Il comporte quatre anses joignant l’épaulement à un col resserré et qui ne sont pas symétriques.
Les céramistes auxquels Guimard a pu avoir recours à cette époque sont tout simplement ses fournisseurs pour le décor intérieur et extérieur du Castel Béranger. Il s’agit, d’une part d’Alexandre Bigot, et d’autre part de Gilardoni fils, A. Brault & Cie (la Tuilerie de Choisy-le-Roi). En dehors du Castel Béranger, Guimard a aussi collaboré avec ces deux entreprises : avec Bigot pour l’édition de décors de linteaux ; avec Gilardoni & Brault pour l’élaboration de leur stand à l’Exposition de la Céramique et des Arts du Feu de 1897. Nous excluons d’emblée Muller & Cie (la Grande Tuilerie d’Ivry) des possibles fabricants de ces vases puisque Guimard semble avoir cessé sa collaboration avec eux au moment de la construction du Castel Béranger. Les exemplaires de vases connus ne présentent d’ailleurs pas de marque Muller & Cie et n’ont pas reçu l’émaillage aux tons généralement assez vifs et brillants de la Grande Tuilerie d’Ivry.
Le seul document sur lequel il a été possible de retrouver le « grand vase à fleurs » est une photographie parue dans le supplément du Gil Blas en 1903, prise au sein du pavillon que Guimard avait édifié au Grand Palais à l’occasion de l’Exposition de l’Habitation en 1903. Mais la liste complète des participants à ce pavillon, publiée sur l’emballage des cartes postales « Le Style Guimard » éditées à cette occasion, ne mentionne aucun céramiste.
Il est donc possible que ce grand vase n’ait été présent dans le pavillon que pour son aspect décoratif et non au titre d’objet en vente et encore en cours de production. Aucun exemplaire de ce grand vase n’est actuellement connu, ce qui pourrait signifier qu’il n’a pas été édité en série.
Un document plus ancien, puisqu’il date de l’Exposition Universelle de Paris en 1900, apporte d’autres informations. Il s’agit de la photographie d’un présentoir de produits artistiques exposés par Gilardoni & Brault. Ce présentoir serait passé inaperçu si cette photo n’avait été publiée dans le numéro spécial de la revue anglaise The Art Journal compilant ses articles consacrés à l’Exposition Universelle. Elle est légendée : « The Monks of Dijon[3] and some new designs in grès cerame ». Le texte de l’article précise qu’il s’agit de grès de l’entreprise Gilardoni & Brault.
Sur l’étagère inférieure, se trouve un vase qui nous intéresse plus particulièrement et que nous nommerons le « petit vase Guimard/Gilardoni » par opposition au « grand vase à fleurs ». Leurs silhouettes sont suffisamment proches pour que nous supposions que le grand vase ait aussi été produit par Gilardoni & Brault. Ce petit vase dont les dimensions le font tenir dans un cube, présente déjà une certaine symétrisation. Le fait qu’il soit absent de la planche du portfolio du Castel Béranger indique qu’il a probablement été conçu après sa publication, vers 1899. Et son absence du pavillon Guimard à l’Exposition de l’Habitation, suggère qu’il n’était déjà plus commercialisé en 1903, Guimard préférant alors sans doute mettre en avant sa production pour la Manufacture de Sèvres. Même si son attribution à Guimard ne fait aucun doute dans notre esprit, il faut bien noter que nous ne connaissons aucun document ancien où son auteur est clairement désigné, que nous ne connaissons aucune photo où il apparait dans les ateliers ou au domicile de Guimard et qu’aucun des exemplaires connus ne porte de signature ou de monogramme de Guimard. Quelques exemplaires de ce petit vase sont en collections publiques ou privées, mais jusque récemment, nous n’avions pu en observer aucun de près.
Une photographie ancienne d’un exemplaire aujourd’hui non localisé montre une glaçure brillante en camaïeu[4] d’ocres.
Une autre photographie du même vase, prise d’un peu plus haut montre clairement la présence de deux anses (à gauche et à droite) et de deux « boucles » au modelage complexe (devant et derrière).
D’autres vases du même modèle sont connus, comme le vase ci-dessous qui est en collection publique à Canberra en Australie .
En dehors de ce modèle à deux anses et deux boucles, il existe deux autres variantes. L’une d’elles ne comprend que les deux boucles. Le seul exemplaire connu est au Detroit Art Institute qui le donnait jusqu’ici comme étant en faïence émaillée. Mais après discussion avec l’équipe de conservation, il est établi qu’il s’agit de grès.
Une autre variante du petit vase Guimard/Gilardoni ne comprend que les deux anses. Elle n’est venue à notre connaissance que récemment, lorsque la maison de vente de Grasse a mis en vente en juin 2023 un vase à glaçure turquoise « dans le goût de Dalpayrat », assorti d’une toute petite estimation à 100-200 €. Comme les autres vases Guimard/Gilardoni, celui-ci n’avait ni monogramme « HG », ni marque de fabricant, ce qui limitait le nombre d’enchérisseurs potentiels lors d’une vente qui avait toutes les chances de passer inaperçue. Mais nous n’avons pas été les seuls à repérer ce vase et son estimation a été pulvérisée, à la grande stupéfaction du commissaire-priseur.
Afin de retrouver l’éclat des couleurs et la profondeur des motifs, un nettoyage adapté a été réalisé. Cette étape préliminaire a été complétée par une reprise des lacunes de l’émail, situées sur les éléments en ressaut du vase. Ces actions ont été menées par notre adhérente Clémence Rigaux, conservatrice-restauratrice de céramiques, nouvellement diplômée de Paris I Panthéon-Sorbonne.
Dans l’étude technique d’un vase de ce type, les lacunes et les revers nous révèlent quelques informations intéressantes notamment pour la composition de la pâte et le travail de l’émail. Ainsi, il semblerait que le vase soit en grès, composé d’une pâte claire et assez fine, apparaissant à l’endroit des lacunes de l’émail. En retournant le vase, on comprend que les couleurs sont appliquées en couches épaisses, successives, lesquelles forment des masses avec des cratères et bubons. Ces épaisseurs situées sous le vase, sont le résultat des coulures des émaux sur la pièce. Les quatre encoches visibles sous le vase, indiquent l’emploi, au cours de la cuisson, de pernettes. Ces petits éléments en terre réfractaire de différentes formes, permettent de surélever la pièce dans le four. Ainsi, les effets de coulures de l’émail formant ce décor singulier, peuvent se vitrifier sans risquer d’adhérer aux plaques du four.
Les actions de conservation-restauration menées sur le vase, ont également permis d’appréhender sa fabrication et de comprendre le processus créatif ayant engendré cette glaçure bicolore.
Une première couche d’émail aux tonalités bordeaux est obtenue avec des oxydes de fer. Elle est ensuite recouverte d’une seconde couche d’émail de couleur turquoise, à base d’oxydes de cobalt et/ou de cuivre[5]. Cette succession de couches appliquées au pinceau et frottées sur les zones en ressaut, donne un émaillage majoritairement turquoise avec une profondeur et des creux bordeaux. Ces deux couleurs font explicitement références aux couleurs traditionnelles dites céladon[6] et sang de bœuf, des céramiques asiatiques.
La cuisson de ce type d’émaux se situe entre 600 °C et 800 °C. Afin d’obtenir un aspect mat à légèrement satiné, les employés de l’atelier d’émaillage ont pu ajouter aux émaux, de la chaux, de l’oxyde de zinc, ou encore de l’argile[7].
Notre hypothèse quant à la mise en forme du vase est la suivante : dans un premier temps, le corps a été réalisé en coulant la pâte dans un moule bivalve (composé de deux parties en plâtre, associées). La terre, mélangée à l’eau, est suffisamment épaisse pour ne former qu’une couche le long des parois du moule (voir schéma). Une fois l’eau évaporée, le corps peut être démoulé et les éventuelles barbes et défauts sont retirés à l’outil.
Travaillées à part, les anses ont été moulées pleines et ensuite ajoutées au corps du vase. La barbotine (un mélange de terre et d’eau) a permis d’associer les éléments entre eux. À l’aide d’outils divers, le céramiste a repris les « coutures » des différents éléments entre eux et préparé la pièce pour sa cuisson de dégourdi, laquelle a précédé la pose de la glaçure.
Par un heureux hasard, l’un de nos nouveaux adhérents possède un vase très proche du nôtre, mais dont les couleurs sont inversées et comparables au vase à deux boucles du Detroit Art Institute. La glaçure bordeaux y est très majoritaire, alors que la glaçure turquoise est restreinte aux reliefs. Ces deux vases forment donc une sorte de « positif » et de « négatif » d’un même modèle, décliné avec des émaux inversés.
Nous avons donc pu les comparer en les posant côte à côte, ce qui a permis de mettre en avant certaines caractéristiques intéressantes dans la production de céramiques de cette période, oscillant entre pièce unique et modèle de série.
Bien que similaires sur plusieurs points comme leur taille, leur forme générale, les anses, les couleurs des émaux et le style organique, ces vases ne sont pas tout à fait identiques. On constate en effet de multiples différences dans leurs reliefs et au niveau du traitement du vaisseau.
Cela signifie très probablement que ces nuances ont été travaillées avec une adjonction de matière sur le corps du vase préalablement moulé. Ainsi, à l’outil, le céramiste a pu creuser, relever ou adoucir les reliefs pour créer cet effet mouvant dans le décor, sans doute en s’appuyant sur un dessin ou un modèle en plâtre.
En revanche, les anses sont identiques sur les deux vases. Ceci corrobore l’idée qu’il s’agit bien d’éléments rapportés qui ont été moulés à part et appliqués sur le vase dans un second temps.
L’hypothèse de l’utilisation d’un même moule pour le corps de ces deux vases nous suggère l’idée que Guimard a pu utiliser le moule d’un vase commun, lisse, préexistant chez Gilardoni & Brault et qu’il s’est chargé de modifier à sa guise le corps obtenu par l’ajout d’anses, de boucles et surtout de ses reliefs mouvementés. À l’appui de cette idée, nous avons l’exemple d’une telle démarche avec un soliflore de Guimard dont deux exemplaires étaient également sur le présentoir de Gilardoni & Brault à l’Exposition universelle de 1900.
Nous en connaissons un exemplaire qui appartient à l’un de nos adhérents.
Posés sur le même présentoir, quatre autres exemplaires de ce soliflore ont le même renflement à la base du col mais n’ont pas les reliefs mouvants caractéristiques de Guimard. Ce premier modèle lisse, très éloigné du style de Guimard, aurait ainsi subi une « guimardisation ». Il est possible que le « grand vase à fleurs » ait subi le même traitement.
Si l’on compare les photographies connues des petits vases Guimard/Gilardoni à deux anses et deux boucles, ils semblent au contraire être identiques.
Cela signifierait qu’un moule spécifique aurait été créé pour ce modèle afin d’en tirer une production en série. Le vase à deux anses et deux boucles présenté sur l’étagère de l’Exposition Universelle en serait un exemplaire, alors que les variantes à deux boucles ou à deux anses pourraient avoir été des exemplaires de recherche antérieurs, réalisés à l’unité. Les dimensions inférieures des vases à deux anses et deux boucles pourraient être dues au rétrécissement qu’entraine le surmoulage d’un modèle.
Pendant la rédaction de cet article, un troisième vase Guimard/Gilardoni (ci-dessus), cette fois à deux anses et deux boucles, s’est présenté en vente à Auvers-sur-Oise[8]. Nous n’avons pas pu l’acquérir lors de cette enchère car son prix d’adjudication a dépassé le montant maximum que nous nous étions fixé, mais son nouveau propriétaire nous a fait la surprise de nous le « revendre » en abaissant son prix au niveau où nous avions dû décrocher. Nous lui en somme très reconnaissant car ce vase magnifique, dont l’état n’a nécessité qu’un simple nettoyage par Clémence Rigaux, complète de manière heureuse le vase turquoise.
Il possède une glaçure du même type que celle des vases à deux anses ou à deux boucles. Si notre hypothèse d’une antériorité de ces derniers était exacte, il pourrait donc s’agir d’un des premiers exemplaires du modèle à deux anses et deux boucles, avant que Gilardoni & Brault n’adopte des glaçures en camaïeu comme celles que nous présentons plus haut, peut-être plus aisément commercialisables.
Contrairement aux autres vases que nous connaissons, il possède une marque peu visible au culot : une lettre « S » avec de grands empattements.
Frédéric Descouturelle, avec la participation d’Olivier Pons et de Clémence Rigaux, conservatrice-restauratrice du Patrimoine.
Nous remercions M. Paul Arthur, spécialiste de la céramique art nouveau qui nous a indiqué l’existence de certains des vases mentionnés dans l’article, ainsi que notre ami Francesco Mariani et M. Patrick Mathé pour son accueil et sa générosité.
Notes
[1] La Céramique et la Lave émaillée de Guimard, éditions du Cercle Guimard, 2022.
[2] Le grès (ou grès cérame) est une argile à forte concentration en silice cuite à haute température (entre 1200 °C et 1300 °C) permettant d’obtenir une vitrification partielle avec une céramique compacte, opaque, imperméable et très dure. Les pâtes utilisées par les manufactures et les céramistes à la fin du XIXe siècle étaient des pâtes artificielles comportant de l’argile naturelle, du kaolin, du feldspath et de la silice sous forme de quartz et de silex. En fonction de sa composition, sa couleur était ocre ou grisâtre, parfois presque blanche (grès porcelainé).
[3] Il s’agit de reproductions des pleurants des tombeaux des ducs de Bourgogne qui étaient originellement à la chartreuse de Champmol à Dijon et qui sont à présent reconstitués au musée des Beaux-Arts de Dijon. Des moulages des pleurants sont exposés à la Cité de l’Architecture à Paris. Deux exemplaires qui étaient selon toute probabilité des reproductions de Gilardoni & Brault avaient été placés sur des étagères au sein du Castel Henriette à Sèvres. Guimard en possédait un troisième.
[4] Ce type de glaçure est assez répandue sur les grès. Afin d’obtenir de la profondeur et un dégradé de couleurs, les émaux sont placés par superposition sur la céramique. Ils sont alors liquides, appliqués à la louche ou au pinceau, avec un temps de séchage à l’air libre entre chaque couleur. On pose les émaux foncés dans un premier temps, puis on superpose des couches plus claires. L’emploi d’une couche d’émail transparent, à la fusibilité plus importante lors de la cuisson, peut permettre à la couche inférieure de gagner, elle aussi, en fusibilité et ainsi, dans certains cas, de passer au travers de la couche d’émail supérieur et de créer des effets de camaïeu et de profondeur. Cette profondeur peut aussi être créée par l’adjonction de plusieurs couches d’une même couleur mais d’épaisseur différentes donnant également lieu à des nuances.
[5] RHODES, Daniel, Terres et glaçures, 2006.
[6] Ce terme désigne une glaçure chinoise destinée aux grès et qui est reprise dans les arts du feu européens entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. La couleur des céladons est due à la réduction des oxydes de la glaçure. La quantité de ces derniers, ainsi que la température de cuisson et la méthode de réduction, influencent la couleur de la céramique qui peut varier du vert grisâtre au bleu-vert. La cuisson en réduction limite l’apport en air dans le four, le carbone du feu utilisant alors l’oxygène des oxydes, réduit ceux-ci à l’état de métaux purs et changent les nuances des glaçures.
[7] RADA, Pravoslav, Les techniques de la céramique, Collection Techniques d’art, 1989.
[8]Vente Le Calvez & Associés à Auvers-sur-Oise, le 29/02/24, lot n° 15.
En juin 2023, alertés par des amis, nous nous sommes rendus à Reims à la salle des ventes de la Porte de Mars (Collet-Lumeau) pour photographier un « portemanteau de style Art nouveau » non signé et qui allait être mis aux enchères. Son image nous était familière puisqu’il n’était autre qu’un doublon du portemanteau Coilliot qui se trouve à présent au Detroit Institute of Art (Michigan). Mais les belles histoires de meubles exceptionnels vendus pour une bouchée de pain sont bien rares et, à notre arrivée, le commissaire-priseur et son associée avaient déjà été mis au courant du nom de son concepteur et de la valeur qu’ils étaient en droit d’en espérer. La décision avait été prise de le retirer de la vente prévue afin d’organiser la publicité de sa future remise en vente et même de faire les frais d’un expert. Ils nous ont néanmoins aimablement laissé le photographier.
Il n’existe pas vraiment de nom satisfaisant pour désigner ce type de meuble multifonctionnel puisqu’outre sa fonction de portemanteau, il fait également office de porte-chapeaux, porte-cannes et porte-parapluie et est généralement pourvu d’un miroir afin d’inspecter son allure avant de sortir. Certains possèdent aussi une petite boîte où l’on range le nécessaire pour cirer les chaussures. Par simplification, nous retiendrons le terme de « portemanteau »[1]. Obligatoirement placé à proximité immédiate de la porte d’entrée de la maison ou de l’appartement, il doit avoir le moins d’encombrement possible. Seules certaines vastes demeures pouvaient accueillir un meuble d’antichambre comprenant aussi un canapé.
À Reims, nous avons eu tout le loisir d’examiner le meuble afin de pouvoir le comparer à celui du Detroit Institute of Art. Ce dernier est désormais bien éloigné de nous géographiquement mais une belle photo ainsi qu’une petite video commentée par Graham W. J. Beal, le directeur du musée, permet de l’apprécier correctement. Ils ont bien la même structure mais présentent aussi d’importantes différences. Les plus visibles sont bien sûr les quatre plaques de lave émaillées qui, sur l’exemplaire de Detroit, remplacent les panneaux sculptés de l’exemplaire de Reims. Ces plaques aux dessins particulièrement élégants et d’une coloration discrète ont été produites par l’entreprise parisienne d’Eugène Gillet d’après un carton fourni par Guimard. Il n’est pas étonnant que ce dernier ait choisi d’utiliser la lave émaillée, un matériau presque inaltérable, pour un meuble moins abrité qu’un autre puisque sa fonction nécessite de le placer près d’une porte d’entrée. De plus, la lave émaillée s’imposait tout naturellement pour Coilliot[2] puisque ce matériau a été utilisé en abondance pour la façade de sa maison du 14 rue de Fleurus à Lille, ainsi qu’à l’intérieur. Cependant, étant donné que Louis Coillot résidait en fait dans l’immeuble de la rue Fabricy qui est connexe à celui de la rue de Fleurus, la localisation exacte du portemanteau reste incertaine.
La menuiserie en acajou est pratiquement identique sur les deux meubles. Seule la jonction supérieure des deux montants arqués qui relient l’avant du logement du bac aux montants latéraux est plus individualisée sur l’exemplaire de Detroit. Contrairement à l’exemplaire de Reims, la glace de celui de Detroit est biseautée, mais rien n’indique que, dans un cas comme dans l’autre, la glace en place soit celle d’origine. Le nombre de patères est différent : trois pour Detroit et quatre pour Reims. La configuration de l’exemplaire de Detroit est probablement celle d’origine et, au contraire, c’est la configuration à quatre patères qui a sans doute fait l’objet d’une demande spéciale. En effet, dans ce dernier cas, même si les deux patères latérales donnent de loin l’impression de venir se loger idéalement sur des petits emplacements délimités par de légers reliefs arrondis, lorsqu’on s’approche, on se rend compte que ces zones ne sont pas planes, ce qui diminue la surface de contact entre le bois et les patères. Enfin, les deux exemplaires comportent bien un bac en tôle de zinc, accessoire indispensable pour recevoir les parapluies et les cannes. Il est plus haut sur l’exemplaire de Detroit.
La structure de ces portemanteaux était connue par un dessin à grandeur d’exécution conservé au Musée d’Orsay dans le fonds Guimard. La seule inscription qu’il porte est « Étude modelée d’un Porte Manteaux », sans indication de date ni de commanditaire. Sur ce dessin les deux tablettes supérieures ne sont pas jointes comme c’est le cas sur les exemplaires de Detroit et de Reims.
L’absence de signature de Guimard sur les deux exemplaires n’est pas étonnante car avant de posséder ses ateliers de l’avenue Perrichont, il ne l’apposait que rarement sur ses productions. Dans le cas de Louis Coilliot le nombre de commandes passée à Guimard a été considérable à partir de 1898 et au moins jusqu’en 1903. Mais pour le portemanteau de Reims, le vendeur n’a malheureusement pas été capable de fournir d’indications concernant son origine et la commande dont il aurait pu faire partie. Faute de documents précis, la datation de ces deux portemanteaux (dont on imagine qu’ils ont été créés dans le même temps ou à très peu de distance) ne peut être déterminée avec certitude. Cependant l’évolution stylistique de Guimard a été si rapide dans les premières années qu’il est quand même possible d’en donner une approximation.
On connait peu d’autres exemples de meubles similaires dans son œuvre. Le plus ancien, asymétrique, à la fois néogothique et naturaliste, date de 1894 ou 1895[3]. Il est habituellement donné comme provenant de l’hôtel Delfau mais les informations relatives à son premier achat indiquent qu’il proviendrait plutôt de l’hôtel Jassedé construit par Guimard en 1893.
Quelques années plus tard, vers 1898, Guimard a conçu ce portemanteau en bois de Jarrah arborescent et asymétrique dans un style résolument art nouveau où les lignes droites ont disparu. Il l’a fait photographier au sein du Castel Béranger et le cliché est paru dans l’article d’Édouard Molinier dans Art & Décoration en mars 1899. Sa localisation actuelle est inconnue.
Le portemanteau qui nous intéresse ici est la troisième occurrence de ce type de meuble. Il est devenu symétrique, la fougue des premières années ayant cédé le pas à la recherche d’élégance.
Ses tablettes hautes fixées sur de fins montants se dédoublant font penser aux candélabres des portiques des entourages découverts du métro qui adoptent des lignes courbes semblables se penchant vers l’intérieur à leur extrémité. La traverse supérieure de la glace du portemanteau joue le même rôle que le porte-enseigne du portique du métro.
Ces tablettes hautes se retrouvent sur d’autres meubles de Guimard à partir de 1900. C’est le cas d’une paire de vitrines de l’agence de Guimard dont la photographie est parue en novembre 1899 dans le premier numéro de la Revue d’Art.
C’est aussi le cas des étagères du stand du parfumeur Millot à l’Exposition Universelle de 1900 et du buffet de la salle à manger de la maison Coilliot qui a été aménagée vers 1900[4]. Étant donné le fait qu’un des deux portemanteaux ait été destiné à Louis Coilliot, 1900 est donc la date la plus probable de leur création.
On trouve pourtant encore ces tablettes hautes sur une vitrine datée cette fois avec certitude de 1902.
Les patères en laiton sont indéniablement les éléments les plus séduisants de ces portemanteaux. Elles ont une profondeur assez inhabituelle qui peut engendrer un important porte-à-faux si on y suspend un manteau assez lourd. Il a donc été prévu de renforcer la fixation de leurs quatre vis en mettant en place des tubes métalliques qui traversent le bois de part en part. Leur forme très complexe implique qu’elles ont été réalisées au moyen de la technique de la fonte à cire perdue. Guimard leur a donné une forme souple et même agressive car on peut facilement y voir la tête redressée d’un cobra prêt à attaquer.
Mais une des caractéristiques les plus intéressantes de ce meuble n’a jusqu’à présent pas fait l’objet de commentaires. Il s’agit de la façon à la fois élégante et désinvolte avec laquelle Guimard a conçu la ceinture métallique permettant de recevoir les cannes et les parapluies. Il a tout d’abord utilisé un simple fer laminé en U qui a été cintré et dont les bords ont été découpées et pliés aux deux extrémités. Des platines de fer découpées ont été soudées au bord inférieur et au fond du fer en U pour l’accrocher avec solidité à la menuiserie. Ensuite, un simple fil de fer a été soudé à la platine supérieure et, après avoir parcouru une boucle sur le montant latéral du portemanteau, il est venu s’insérer dans le fond du fer en U. Ce faisant, il apporte un relief qui renforce l’intérêt visuel de cette ceinture,
tout en masquant les insertions par vis d’une simple lame de fer placée du côté intérieur de la ceinture. Cette lame a été pliée à de multiples reprises pour former des encoches pouvant recevoir les cannes et les parapluies.
Malgré la découpe artistique des platines latérales et la boucle terminale du fil de fer, l’utilisation de ces matériaux industriels contraste avec la finesse des sculptures de l’acajou obtenue par un travail artisanal de qualité. Elle est pourtant caractéristique de la manière dont Guimard traite habituellement le fer en se refusant à faire exécuter des travaux de ferronnerie d’art pour mieux mettre en valeur le design de ses créations.
Remis en vente à Reims, le 19 novembre 2023, le portemanteau a été acheté pour 57 340 € (avec les frais de vente) par Hector Guimard Diffusion, notre partenaire pour la création d’un espace muséal dédié à Guimard au sein de l’Hôtel Mezzara. Il y figurera dans l’entrée pour accueillir les visiteurs.
Frédéric Descouturelle
Nous remercions Fabien Choné pour les précisions concernant la disposition et l’accrochage des patères.
Notes
[1] Nous récusons le terme de « vestiaire » abusivement utilisé par le marché de l’art ; un vestiaire étant soit une pièce entière, soit un casier fermant à clé.
[2] Cf. notre ouvrage La Céramique et la Lave émaillée de Guimard, éditions du Cercle Guimard, 2022.
[3] Date de sa présentation au Salon de la SNBA et de sa publication dans le portfolio de La Décoration Ancienne et Moderne, 3e année, pl. 86. Il est alors désigné comme un « porte-parapluie ».
[4] Même si une photo ancienne de ce buffet, non encore mis en place, n’a été publiée qu’en septembre 1901 dans la revue Le Mois.