Au début du mois de juin 2017, les visiteurs de l’Hôtel Drouot ont pu découvrir un panneau de papier peint Guimard servant de fond de présentation à une vitrine en acajou attribuée à Guimard (photo ci-contre). Il s’agissait de la première commande de notre réédition du papier peint des chambres à coucher du Castel Béranger. Ce papier sera à nouveau visible lors de notre exposition « Hector Guimard précurseur du design ».
De 1895 à 1898, Guimard construit le Castel Béranger et en décore entièrement l’extérieur et l’intérieur en dessinant chaque détail et en s’intéressant à tous les matériaux et à toutes les techniques qui y seront utilisés : fonte, ferronnerie, grès émaillés, vitraux, quincaillerie, staffs, etc. Par la surface qu’ils occupent, les papiers peints constituent le décor le plus visible des trente-six appartements et aussi celui qui suscitera le plus de commentaires dans la presse spécialisée.
En 1895-1896 quatre modèles de papiers différents sont conçus, chacun destiné à un type de pièce : antichambres, salles à manger, salons et chambres. Ils sont imprimés à la planche par la maison parisienne Le Mardelé, selon une technique plus artisanale et plus prestigieuse que l’impression au rouleau qui est alors la plus répandue. En sus de la couleur du fond, le nombre de tons varie entre deux (pour le papier des salles à manger) et quatre (pour le papier des chambres).
Comme l’affirment les planches de l’album du Castel Béranger (la monographie que Guimard consacre à son immeuble) chaque modèle est sans doute édité en plusieurs jeux de couleurs.
Ces papiers sont à la fois les premiers de style Art nouveau en France et la première incursion de Guimard dans ce domaine. Malgré cette inexpérience, il évite l’erreur de composition qui peut soudain se révéler par la présence de bandes horizontales gênantes lorsqu’une grande surface est tapissée. Ses papiers sont au contraire parfaitement équilibrés, aussi intéressants dans le détail que lorsqu’ils sont vus avec du recul. On y retrouve alors sans peine des lignes orthogonales et diagonales qui stabilisent la composition. Très différents les uns des autres, ces quatre modèles gardent un air de famille par leurs motifs curvilignes qui tendent vers une abstraction qu’on ne retrouve pratiquement que sur les papiers peints créés par Henry Van de Velde à Bruxelles en 1894. Clairs et délicatement colorés, ils se singularisent de la production moderne du moment qui est alors dominée par les papiers peints anglais, assez sombres et aux représentations florales serrées. Ils n’auront pas non plus de descendance dans les autres papiers peints modernes qui ne tarderont pas à apparaître sur le marché français et qui privilégieront le plus souvent les stylisations de motifs floraux et animaux dessinés selon les principes d’Eugène Grasset. Si les sinuosités et les motifs tentaculaires des papiers de Guimard les rapprochent bien du domaine du vivant, ils n’offrent pas le soutien rassurant d’une dénomination ou d’une analogie. Aussi ont-ils sans doute participé à l’inquiétude ressentie par quelques esprits lors d’une visite au Castel Béranger…
Depuis, ces papiers peints ont entièrement disparu des appartements de l’immeuble. Si quelques fragments existent en collection privée, seule la bibliothèque Forney à Paris a bénéficié du don de quelques papiers peints Guimard, probablement effectué par Lucien Le Mardelé dans les années trente. Non recoupés, ils n’ont jamais été posés.
Pour la première fois en France, en 2017, le Cercle Guimard réédite l’un de ces modèles — celui des chambres — dans deux jeux de couleurs différents. Le premier jeu est celui du fragment de lé conservé à la Bibliothèque Forney. Il s’agit de l’unique lé connu de ce modèle.
Le second jeu de couleur est celui d’une planche de l’album du Castel Béranger. On notera que cette planche, colorisée au pochoir, est beaucoup moins détaillée que le véritable lé.
Notre graphiste a reconstitué chaque détail du modèle par informatique en vectorisant toutes les formes présentes sur cinq calques successifs (un pour le fond coloré et un par couleur). Il a tenu compte des modifications que la technique d’impression fait subir au dessin en amincissant certains détails courbes ou pointus.
La recherche des couleurs a tenu compte du vieillissement à la lumière et de l’encrassement du lé original. Plusieurs paires d’yeux ont dû être mises à contribution pour définir sur un nuancier Pantone les références les plus approchantes.
Afin de retrouver l’aspect et la texture que ce papier pouvait avoir à l’époque, nous nous sommes adressés à l’Atelier d’Offard à Tours, l’un des rares fabricants à pratiquer la technique de l’impression à la planche. On pourra utilement consulter à ce sujet cette vidéo sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=_CVX_65Zt2I
Cet atelier a été créé par M. François-Xavier Richard qui s’est montré d’emblée intéressé par notre projet. L’entreprise a créé les plaques nécessaires à partir de notre fichier informatique et nous avons défini précisément par contrat les deux jeux de couleurs.
Récapitulons les étapes de l’impression :
Les couleurs que nous présentons sur écran sont très proches mais ne sont pas exactement celles qui sont réellement imprimées. De plus, il faut également tenir compte de la légère transparence des couleurs qui se superposent, effet que nous avons rendu ci-dessous en augmentant la transparence du quatrième calque.
De même que la réédition d’autres objets d’art décoratif de Guimard, cette confrontation avec la technique du papier peint et en particulier de l’impression à la planche a été pour notre association l’occasion de mieux approcher le processus créatif de Guimard.
Pour plus d’information sur l’achat du papier peint, voir notre rubrique « boutique ».
F.D.
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