Dans le cercle des admirateurs de Guimard, on se demandait depuis longtemps quel pouvait bien être le nom de la police de caractères employée par Guimard pour sa série de cartes postales « Le Style Guimard » éditée en 1903. Ce petit mystère vient enfin d’être levé grâce aux recherches de notre ami Bruno Riboulot qui l’a retrouvée à la bibliothèque Forney dans un catalogue de la fonderie Peignot et qui nous livre quelques commentaires à son sujet.
La rareté des catalogues de spécimens de caractères typographiques de la Fonderie Générale de caractères français et étrangers, dirigée par Charles Beaudoire, est probablement la cause de cette perte de vue momentanée. Attestée dès 1898 dans un de ses catalogues [BNF, Rez de jardin, magasin, RES P-Q-793] sous le nom de Babyloniennes – appellation qui ne changera plus – cette fonte sera très populaire en France et dans les pays limitrophes. Elle est utilisée dans de nombreux travaux d’impression de ville (cartes de visite, menus, publicités) et titrages de journaux. En 1911 la Fonderie Générale est reprise par Peignot et Cie, autre fonderie de caractères concurrente, qui reprend les Babyloniennes sous son enseigne, ainsi que quelques autres typographies de l’ancien établissement, et continue de les proposer à la vente pour tous les imprimeurs intéressés. C’est dans un catalogue non daté, publié entre 1911 et 1914, que les Babyloniennes apparurent à Bruno Riboulot et que leur cheminement put être reconstitué à rebours.
L’auteur ne semble pas clairement identifié, certains pensent à Beaudoire lui-même. Leur nom illustre l’habitude de cette fin du 19e siècle d’emprunter celui d’un pays ou d’une ville lointaine pour donner à ces caractères typographiques une couleur exotique. De nombreuses autres fontes à tendance Art nouveau, classées dans des chapitres ayant pour titres Caractères nouveaux, Caractères modernes ou Caractères fantaisie, s’appellent ainsi Canadiennes, Mexicaines, Péruviennes, Tunisiennes, Algériennes (présentes aujourd’hui encore dans la catalogue typographique de nombreuxs ordinateurs sous le nom anglicisé d’Algerian), Mauresques, Vénitiennes, Moscovites, Norvégiennes, et même Transvaaliennes !
Aucun rapport formel, bien-sûr, avec les véritables formes d’écritures historiques de ces pays…