Les lustres et les lampes à poser de Guimard ont cette particularité qu’ils ont été largement copiés depuis une cinquantaine d’années. De ce fait, il existe à présent sur le marché de l’art beaucoup plus de copies ou de luminaires « dans le genre » de Guimard que de pièces anciennes.
Ainsi, la lampe à poser ci-dessous est sans doute une copie moderne d’un modèle ancien de Guimard.
Alors que celle qui s’est vendue chez Sotheby’s le 16 février 2013 (ci-dessous) est probablement un modèle ancien authentique.
Cet article tente donc d’apporter quelques lumières (!) historiques et de permettre de différencier les pièces anciennes des modernes.
Historiquement, Guimard a développé la création de luminaires à pendeloques à partir de 1909. En 1910, il a pris un brevet d’invention décrivant leur composition avec une armature composée de la réunion d’éléments en bronze ciselé avec ajout de verres américains et de pendeloques en perles, tubes de verre et baguettes métalliques. Pour leur composition, Guimard utilise un certain nombre d’éléments en bronze qu’il combine entre eux. Il peut y ajouter aussi de nouveaux éléments spécifiques à un modèle. Fabriqués par la maison Langlois, 20 rue Malher à Paris et commercialisés sous le nom de « lustres Lumière » ces luminaires semblent avoir eu un succès limité.
Guimard les utilise dans son hôtel particulier du 122 avenue Mozart (1909-1910) et aussi dans les vestibules des immeubles des rues La Fontaine, Gros et Agar (1909-1911).
Le musée d’Orsay possède deux petits lustres, achetés en 1989.
Il possède également quelques dessins descriptifs, sans doute destinés à l’élaboration d’un catalogue. D’autres dessins du même type sont conservés dans d’autres musées ou en collection privée.
Les nombreuses copies de lustres, d’appliques et de lampes à poser qui fleurissent dans les ventes aux enchères et sur eBay sont fabriquées par la société SOFAR, à Montreuil, depuis plusieurs décennies.
Grâce à la possession de plusieurs éléments anciens des « lustres Lumière », la société SOFAR confectionne des luminaires de belle qualité qui sont des copies (comme celle de la première illustration de notre article) ou des créations dans le goût des « lustres Lumière » de Guimard. En 2009, nous avons rendu visite à cette entreprise qui nous a reçu très aimablement et nous a montré sa façon de travailler.
Ne possédant qu’un nombre limité de ces éléments métalliques originels, cette entreprise artisanale ne peut copier qu’une partie des luminaires de Guimard. En combinant les éléments en sa possession, elle a inventé d’autres formes que celles prévues par Guimard.
Ces créations modernes sont vendues par SOFAR à des détaillants qui eux-mêmes les revendent au public. Tout au long de ce circuit commercial elles ne reçoivent pas d’attribution à Guimard mais sont achetées et revendues en toute connaissance de cause comme des créations actuelles fabriquées dans le goût de Guimard.
L’un des modèles édité par SOFAR est une copie assez proche du lustre qui se trouvait originellement dans le salon de l’hôtel Guimard, avenue Mozart et qui se trouve à présent dans la chambre à coucher présentée aux musée des Beaux-Arts de Lyon.
Les choses se gâtent lorsque leur premier ou ultérieurs propriétaires privés mettent un jour ces luminaires en vente aux enchères. Ils sont alors cette fois bien souvent attribués à Guimard.
Comment différencier les modèles anciens des copies modernes ? Grâce à l’aide de l’un de nos adhérents, nous pouvons apporter quelques précisions qui peuvent aider à les différencier. Il convient tout d’abord d’observer la finesse de la ciselure du bronze, les copies modernes ayant indubitable une ciselure moins fine que les anciens modèles.
La dorure d’origine des modèles anciens est habituellement dans un état médiocre après un siècle, mais un modèle ancien a pu être récemment redoré sans que cette finition ne remette en cause son authenticité (cas de la lampe à poser vendue par Sotheby’s en février 2013).
Les tubes en verres anciens sont en général rainurés (à l’intérieur) et présentent généralement un « étranglement » avant leur terminaison en forme de goutte.
Alors que les tubes actuels sont lisses et sans « étranglement » à leur extrémité.
Lorsque du verre américain est employé en médaillon, on reconnaît facilement le verre actuel (aux couleurs plus vives et à la texture plus mouvementée que le verre ancien) vraisemblablement fabriquées par la société américaine Wissmach et distribuées en France par Lasry Glass.
Parfois le verre garnissant les médaillons des copies de lustres est un verre « cathédrale » dont les reliefs et facettes donnent des jeux de lumière intéressants. À notre connaissance, Guimard n’a pas employé de verre cathédrale pour ses luminaires.
Enfin, comme on peut le voir sur le lustre ci-dessous, la société SOFAR ne possède pas de cache-bélière original et emploie donc des modèles d’un style tout autre.
Alors qu’un lustre comportant un cache-bélière Guimard a toutes chances d’être authentique.
L’étude des « lustres Lumière » de Guimard est loin d’être achevée et de nouveaux éléments seront sans doute à ajouter à cet article.
Frédéric Descouturelle.
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