En avril 2012, Le Cercle Guimard avait été sollicité par Origines, une société française spécialisée dans la vente de matériaux anciens et d’antiquités architecturales, pour nous soumettre les clichés d’une étonnante cheminée en céramique, qu’elle venait d’acquérir. Cette requête faisait d’ailleurs suite à un premier contact venant de l’Inventaire général qui avait pris soin de nous demander, lors de son démontage, si l’objet était de Guimard ou non. Notre réponse fut négative.
D’abord parce que rien dans les documents anciens qui nous sont parvenus de l’environnement de l’architecte — dessins d’études, correspondance, etc. — ne fait allusion à pareille création. Ensuite parce que visuellement l’objet chiffonne l’œil habitué à la manière guimardienne : si les empâtements généreux sont caractéristiques de certaines expériences formelles contemporaines de l’aménagement du Castel Béranger, il est rare que ceux-ci soient dispensés d’une manière aussi arbitraire ; ils suivent généralement — en tout cas dans les exemples qui nous sont connus (cheminées de la maison Coilliot et du Castel Henriette notamment) — un dessin global dynamique et original. Or la silhouette générale de l’objet qui nous intéresse s’inspire d’une structure plus résolument historiciste, notamment dans la découpe de la tablette en marbre (ou imitant le marbre), largement reprise des exemples de l’époque Louis XV.
Enfin parce que le contexte de la création de l’objet est aisément devinable : l’achèvement du Castel Béranger vers 1898 est un événement largement médiatisé qui attire un public de curieux, et parmi eux des professionnels des métiers d’art. Or le chat au curieux museau en bec de canard qui orne en bas-relief le centre de la cheminée apparaît comme une allusion évidente à celui qui fait le gros dos au bas de la tourelle d’angle du Castel Béranger — il était par ailleurs déjà visible sur le pavillon conçu par Guimard pour l’Exposition de la Céramique et des Arts du Feu en 1897 —, sans que sa forte stylisation puisse rivaliser avec l’aisance formelle du modèle de Xavier Raphanel (1).
L’objet n’en demeure pas moins — en plus d’être emblématique de l’engouement suscité par un jeune Guimard alors tout juste célèbre — une expérience formelle originale en soi.
O.B., avec la contribution de Frédéric Descouturelle
Note
(1) Notre ami Georges Vigne pense plutôt, en l’occurrence, à un travail dans la veine de céramistes tels que Janin frères & Guérineau.
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