La Grande Tuilerie d’Ivry — Première partie : l’entreprise Muller
11 mars 2020
Cette série d’articles consacrés à l’entreprise du céramiste Émile Muller à Ivry donne un aperçu de ses créations dans le domaine de l’Art nouveau. Dans ce premier article nous abordons l’historique de l’entreprise et la variété de ses créations. Un second article s’intéressera à la production de Muller dans le style Art nouveau, les troisième et quatrième articles aux éditions de modèles d’Hector Guimard et un cinquième au secteur des cheminées.
Émile Muller (1823-1889) est originaire d’Altkirch en Alsace, près de Mulhouse. Issu d’une famille aisée, il termine ses études à Paris en sortant diplômé de l’Ecole Centrale des Arts et Manufacture en 1844. Il en sera par la suite professeur de constructions civiles pendant 24 ans, à partir de 1864.
Portrait d’Émile Muller. Centre de documentation de l’École Centrale Paris.
Son implication dans le domaine de l’enseignement se manifeste aussi par sa participation à la fondation de l’École Spéciale d’Architecture[1] et de l’École libre des Sciences Politiques (actuelle Sciences-Po). Il préside également la Société des ingénieurs civils où il aura Gustave Eiffel comme successeur. Animé d’idées sociales, après avoir construit plusieurs équipement publics, Émile Muller réalise une cité ouvrière à Mulhouse en 1853, première expérience française de logements familiaux décents avec jardinets. Il s’engage aussi dans les protections des ouvriers contre les accidents de travail.
L’année suivante, en 1854, Émile Muller fonde une société de fabrication de tuiles à Mulhouse puis quelques mois plus tard achète un grand terrain pour fonder la Grande Tuilerie d’Ivry, située en bord de Seine, sur la route nationale Paris-Bâle, à proximité de carrières d’argile de la banlieue sud de Paris. Une salle d’exposition et de vente sera ouverte à une date que nous ne connaissons pas mais sans doute très postérieure, à une adresse plus prestigieuse : 3 rue Halévy, près de l’Opéra de Paris.
Vue générale de la Grande Tuilerie d’Ivry. La façade de l’usine sur la route, face à la Seine, est du côté gauche. Catalogue Muller & Cie n° 2, 1904, p. 1. Coll. part.
L’usine produit tout d’abord des tuiles à emboîtement selon le procédé breveté par les frères Gilardoni, eux aussi originaires d’Altkirch.
Tuiles à emboîtement. Catalogue Muller & Cie n° 1, 1895-1896. Coll. Bibliothèque des Arts décoratifs.
Les accessoires de toitures tiennent une part importante de la production car ils permettent de personnaliser un bâtiment. Plusieurs architectes sont donc à l’origine d’un certains nombre de modèles spéciaux qui peuvent ensuite être édités.
Modèles de faîtières. Catalogue Muller & Cie n° 1, 1895-1896, pl. 12. Coll. Bibliothèque des Arts décoratifs.
Après le démarrage de la fabrication de produits émaillés en 1866, la Grande Tuilerie d’Ivry diversifie ses activités en produisant des briques brutes et émaillées et des décors de façade en terre cuite, brute ou émaillée. Leur composition permet une cuisson à haute température les rendant imperméables.
Briques émaillées Muller sur une entrée d’immeuble, 10 rue de la Croix Faubin à Paris. Photo auteur.
En 1871-1872, Muller fournit son premier décor architectural d’envergure pour le moulin de la chocolaterie Menier à Noisiel, premier bâtiment à structure métallique portante au monde, dû à l’architecte Jules Saulnier.
Moulin de la chocolaterie Menier à Noisiel, Jules Saulnier architecte, 1871. Photo internet.
Peu après, en 1875, l’usine compte 150 ouvriers. Muller est bien sûr présent aux Expositions universelles, celle de 1867 et celle de 1878 où il assure le succès de la céramique architecturale. À l’Exposition universelle de 1889, les dômes des palais des Beaux-Arts et des Arts libéraux parés de ses tuiles émaillées bleu turquoise font sensation.
Exposition universelle de 1889, palais des Beaux-Arts, architecte Formigé, dôme en tuiles émaillées bleu turquoise par Muller. Photo National Gallery of Art, Washington.
Il y présente également pour la première fois des grès émaillés. La reproduction de la Frise des archers[2] du palais de Darius 1er à Suse (Perse), entreprise en grès émaillé pour cette exposition, ne sera pas achevée à temps et ne sera finalement exposée qu’en 1893 à l’Exposition universelle de Chicago. Quant à la reproduction par Muller de la Frise des lions issus du même palais de Darius 1er, elle se fera au Salon des Artistes Français en 1896. Entre temps, ces deux thèmes auront été mêlés et complétés par des colonnes et des jardinières pour le décor du jardin d’hiver d’un hôtel particulier en 1893, décor ensuite proposé sur catalogue et facturé au nombre d’archers demandé.
Frises des archers, d’après la frise du palais de Darius 1er à Suse (Perse) du musée du Louvre. Vestibule de l’immeuble 11 rue des Sablons à Paris. Photo auteur.
C’est à l’issue de l’exposition qu’Émile Muller décède le 11 novembre 1889. Son fils Louis (1855-1921), dit Louis d’Émile, lui succède alors à la direction de la société dont le nom devient « Émile Muller & Cie ». Tout en conservant la production de briques émaillées et de tuiles mécaniques de la Grande Tuilerie d’Ivry, Louis d’Émile Muller lui ouvre de nouveaux domaines d’exploitations.
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