Le Cercle Guimard a déjà consacré plusieurs articles au Castel Béranger, l’immeuble de rapport commandé par Élisabeth Fournier[1] à Hector Guimard en 1894 et achevé en 1898. Notre dernier article[2] a montré que le complet bouleversement stylistique opéré par Guimard lors de sa construction de 1895 à 1898 avait correspondu avec le changement de fournisseurs des décors en céramique. Cette fois, nous mettons l’accent sur le bestiaire fantastique et coloré qui orne ses façades, en présentant tout d’abord les singularités de ce projet, puis la dimension fantastique de son décor inspiré de la nature et du répertoire néogothique. Enfin, la matérialité et la polychromie de ce bestiaire seront explicitées.
« Cet immeuble, […], est destiné à révolutionner l’art de la construction. L’aspect est vraiment extraordinaire »[3].
À l’image de ces propos tenus par un journaliste dans un article dédié au Castel Béranger, hier comme aujourd’hui, la façade de cet édifice ne passe pas inaperçue dans l’espace public. Le fait qu’il ait été l’un des lauréats du concours des façades organisé par le Conseil municipal de Paris en 1898 témoigne de la volonté des pouvoirs publics du moment d’encourager une architecture en rupture avec la monotonie des façades des traditionnelles maisons de rapport haussmanniennes « qui rend[ai]ent les rues de Paris ennuyeuses à dormir debout »[4]. Sa construction a d’ailleurs été contemporaine des travaux de la commission instituée en vue d’élaborer un nouveau règlement de voirie autorisant une plus grande liberté des silhouettes des immeubles et de leurs saillies[5].
Un décor éloigné du projet initial
Pourtant, ce riche décor à l’origine de la renommée internationale du Castel Béranger et d’Hector Guimard n’était pas celui initialement prévu par l’architecte. La lecture des élévations de façades du dossier de permis de construire déposé par Guimard en mars 1895 révèle un projet de décorum initial avorté. En effet, après son séjour bruxellois durant l’été 1895 au cours duquel il a rencontré les architectes Victor Horta (1861-1947) et Paul Hankar (1859-1901), Guimard a redessiné l’ensemble du second œuvre du Castel Béranger. C’est ainsi qu’un bestiaire fantastique et coloré est apparu sur les façades, mais aussi à l’intérieur de l’immeuble.
Un bestiaire en façade : l’unique exemple dans l’œuvre de Guimard
Le terme « bestiaire » est ici entendu de la même manière que le définit le dictionnaire Larousse ; à savoir, comme l’« ensemble de l’iconographie animalière, ou groupe de représentations animalières »[6]. En observant les façades du Castel Béranger on peut aisément identifier des éléments du décor ayant une représentation plutôt figurative, inspirée de la faune. On peut reconnaitre facilement la forme d’un chat.
Les motifs centraux des balcons en fonte sont mi-humain et mi-félin. Leur large nez peut même évoquer le mufle d’un lion, motif récurrent sur les fontes ornementales au XIXe siècle.
Mais le bestiaire du Castel Béranger comprend également plusieurs motifs qui relèvent plus spécifiquement de la faune sous-marine et qui participent à un répertoire aquatique[7] plus large dans cet immeuble de rapport.
L’exemple le plus probant est sûrement celui des ancres de chainage décoratives en fonte dont l’aspect formel se rapproche de celui d’un hippocampe. Ces éléments structurels présents à de nombreuses reprises en façades sont les extrémités de tirants participant au chainage de la construction qui permettent la répartition des efforts de traction dans la maçonnerie et la solidarité des murs (et possiblement des planchers) entre eux. C’est pour cette raison que Guimard a rajouté à ces chevaux marins ce qui pourrait s’apparenter à deux pattes.
À l’intérieur, le départ de la main courante de la rampe d’escalier peut également évoquer la silhouette d’une tête et d’une encolure chevaline[8].
À nouveau en extérieur, sur un tympan du bâtiment sur cour donnant sur le hameau Béranger, on retrouve un poisson entre deux crevettes.
Ce registre décoratif animalier est une exception dans les réalisations de Guimard. En effet, même si quelques éléments en fonte du Castel Béranger ont été réutilisés par la suite par l’architecte dans certains de ses projets[9], aucun décor d’une telle ampleur faisant appel à la faune n’a précédé ni succédé à celui-ci dans son œuvre bâti.
Une dimension fantastique…
Le Castel Béranger n’était pas seulement singulier par la diversité des matériaux polychromes employés pour sa maçonnerie. Il l’était aussi par la profusion des chimères ornant ses façades, véritable bestiaire fantastique. Selon le dictionnaire Larousse, le fantastique « se dit d’une œuvre […] artistique […] qui transgresse le réel en se référant au rêve, au surnaturel, à la magie, à l’épouvante[10] ».
Cette « transgression du réel » est une notion clé dans la compréhension du décor de cet immeuble de rapport. Contrairement à son premier projet où il avait prévu un décor botanique stylisé, l’architecte a finalement conçu un décor qui n’avait plus l’ambition de retranscrire la nature telle qu’elle nous apparait. Celui-ci oscille finalement entre un réalisme « modifié » comme pour les hippocampes en fonte ou pour le panneau au chat, où le modelage du corps de l’animal se prolonge par des courbes tridimensionnelles…
… et une abstraction plus ou moins poussée comme, par exemple, sur le panneau ornant l’encorbellement du bow-window de la cour où le modelage paraît si abstrait, si informe, que de prime abord il semble vain d’y chercher de quelconques similitudes avec un élément de la faune ou de la flore.
Même si quelques esprits imaginatifs se raccrocheront sûrement à un détail de la partie inférieure pour y voir un bec et deux yeux.
Dans Études sur le Castel Béranger rédigé en 1899 par Georges Soulier et un certain « P.N. » — probablement Paul Nozal —, les auteurs expliquent que « les conceptions de l’ornement [doivent] accompagn[er] le décor vivant […], dans une harmonie de formes plus flottantes »[11], sans lui faire concurrence. On peut ainsi penser que pour Guimard l’essentiel n’était pas la retranscription de la nature mais plutôt son évocation par l’intermédiaire de contours façonnés plus ou moins précisément[12].
Georges Soulier et Paul Nozal soulignent aussi qu’au cours des siècles l’art a très rarement cherché à imiter scrupuleusement la nature et que la transgression du réel n’est donc pas une nouveauté. Les rinceaux, la stylisation des feuilles d’acanthe sur les chapiteaux corinthiens ou encore les chimères ornant les cathédrales en sont le parfait exemple.
… inspirée de la nature…
Certains de ces décors transgressant le réel sont spontanément assimilables à des organismes naturels mais cette fois sans qu’on puisse y reconnaitre avec certitude une espèce animale. Chaque spectateur se forge une idée de ce qu’il voit, en fonction de sa propre culture. C’est le cas des métopes en céramique éditées en série et garnissant les linteaux métalliques présents à de nombreuses reprises en façade. Leur forme peut par exemple évoquer de très loin celle d’une tête de grenouille ou celle d’un insecte, comme une mante religieuse.
Les prises d’air en façades sont quant à elles ornées de grilles en fonte dont la forme pourrait être assimilée à celle d’un crabe, ou encore à celle d’une bouche et deux narines[13].
Dans les appartements, le papier peint spécifiquement conçu pour les antichambres contient également un motif mis en exergue par sa coloration et dont les lignes capricieuses se rapprochent de celles d’un félin.
Singulière parmi celles des autres papiers peints prévus pour les autres types de pièces du Castel Béranger, sa composition générale évoque un arbre de Jessé, tandis que l’attitude de ce motif particulier fait penser à une enluminure médiévale, ce qui nous amène à l’aspect le plus intrigant de ce bestiaire.
… et d’une fantasmagorie médiévale
Une autre interprétation du répertoire animalier présent au Castel Béranger est celui qui lui aurait valu à Auteuil le surnom de « maison des Diables » ainsi que le rapporte Jean Rameau dans Le Gaulois en 1899.
« L’artiste voulut peut-être représenter des chimères, mais où le populaire voit surtout des démons, et qui font se signer à vingt pas toutes les vieilles femmes de l’arrondissement. Il y a des diables aux portes, des diables aux fenêtres, des diables aux soupiraux des caves, des diables aux balcons et aux vitraux, et l’on m’assure qu’à l’intérieur, les rampes d’escalier, les boutons de fourneaux, les clés des placards, tout, depuis le grand salon jusqu’à l’office, est de la même diablerie. Si Dieu ne protège plus la France, le diable du moins semble protéger Auteuil. Parisiens, dormez en paix[14]. »
Même si Jean Rameau grossit le trait, son recours au champ lexical de l’épouvante et de l’enfer indique bien qu’une dimension « satanique » existe au Castel Béranger. Il semble même avoir eu une connaissance assez fine de l’édifice puisqu’il évoque la présence de diables aux boutons des fourneaux. Or, comme le prouve un détail de l’illustration des façades de fourneaux de cuisine publiée dans le portfolio du Castel Béranger, le motif situé entre les deux panneaux d’arrivée d’air des façades en fonte évoque parfaitement une figure diabolique avec une bouche dentue démesurément ouverte et surmontée d’yeux furieux.
Les façades du Castel Béranger comprennent plusieurs éléments — en particulier les pignons et la relative asymétrie de la façade sur rue — rattachant l’immeuble à l’architecture médiévale et justifiant son nom de « castel ». Ceci n’a rien d’étonnant au regard du regain d’intérêt dont faisait l’objet l’architecture gothique au XIXe siècle ; mais aussi de la filiation entre Eugène Viollet-le-Duc et Hector Guimard. Cependant, son répertoire décoratif « satanique », s’il est bien présent, n’est pas tant mis en évidence que Jean Rameau voudrait le faire croire. En réalité, Guimard ne prend pas simplement comme source le Moyen-Âge, mais se réfère à l’image fantasmagorique de la sorcière qui, comme l’explique Maryse Simon[15], est rattachée à tort à la période médiévale puisqu’en réalité la chasse aux sorcières a été à son paroxysme au XVIe et au XVIIe siècle. Cette image fantasmagorique de la sorcière médiévale découle d’une construction amorcée à l’époque moderne, modifiée au XIXe siècle, notamment par les auteurs de contes comme les frères Grimm[16].
Ce pastel de Lévy-Dhurmer réalisé en 1897 — soit pendant la construction du Castel Béranger (1895-1898) — représente une sorcière entourée de tous ses attributs : un chat, un serpent, un lézard, une chauve-souris et un hibou. Or ces derniers — à l’exception du hibou — sont tous présents sur les façades du Castel Béranger.
Le panneau du chat faisant le gros dos a été réalisé en grès émaillé, avant mai 1897, par Gilardoni & Brault d’après le travail du modeleur Xavier Raphanel.
Le scan effectué par Nicholas Christodoulidis a permis d’identifier la figure située à l’intersection des frontons des lucarnes du dernier étage donnant sur la rue Jean-La-Fontaine. Cette chimère sculptée dans la pierre, malgré ses yeux exorbités, s’apparente à une chauve-souris par sa paire d’ailes membraneuses.
Le recours à ce type de créatures a été courant aux périodes gothique et néogothique, comme en témoignent les gargouilles de la cathédrale de Bourges (XIIe-XIIIe siècle) ou encore la galerie des chimères de Viollet-le-Duc à Notre-Dame de Paris (moitié du XIXe siècle).
Le motif des prises d’air, présenté précédemment, peut aussi évoquer la forme d’une araignée. Outre le fait que cet insecte soit aussi rattaché à l’image de la sorcière moyenâgeuse, au Moyen-Âge le symbole de l’araignée était associé à la peste car on pensait qu’elles tissaient de nombreuses toiles dans les logis des défunts[17].
Avec leur forme tortueuse, les supports de barres d’appui en fonte peuvent évoquer celle d’un serpent.
Quant aux figures chimériques enroulées autour des fûts de colonnes en pierre du portail d’entrée, elles évoquent un lézard ou un petit dragon.
La figuration de ces reptiles peut également s’expliquer par l’intérêt marqué des artistes pour l’Orient au XIXe siècle. Victor Hugo écrit même dans la préface du recueil Les Orientales qu’« on s’occupe beaucoup plus de l’Orient qu’on ne l’a jamais fait. […] Au siècle de Louis XIV on était helléniste, maintenant on est orientaliste[18]. » Le serpent est donc un motif récurrent dans les œuvres de cette époque comme le prouve ce dessin d’Eugène Grasset (1845-1917).
Ainsi que ce projet de panneau décoratif de l’architecte Louis Boitte (1830-1906), conservé au musée d’Orsay.
Enfin, lorsque l’on regarde la façade sur rue du Castel Béranger on ne peut pas manquer les masques en fonte qui ornent les garde-corps. C’est certainement eux qui ont valu le surnom de « maison des diables » à cet immeuble de rapport puisqu’ils présentent entre autres les attributs du démon Méphistophélès — personnage de la légende de Faust — à savoir : des moustaches, un bouc et des yeux en amande. La présence de ces figures en façade n’est pas surprenante au regard de ce que nous venons de voir puisque les sorcières sont associées à la figure de Satan[19].
L’association de cette figure humaine aux deux pattes qui la coiffent fait également écho aux grylles, créatures grotesques de l’antiquité, réemployées à la fin de l’époque gothique et à la Renaissance. L’escalier du roi du château de Villers-Cotterêts en présente plusieurs exemples.
Ces masques animant les garde-corps du Castel Béranger ont visiblement influencé l’architecte allemand Félix Reinhold Voretzsch. Il a en effet dessiné un modèle très similaire — quoique sur un registre burlesque puisqu’ici les masques tirent la langue — pour décorer les garde-corps du troisième étage de la loggia de l’immeuble Art nouveau Bürgerwiese 20, construit à Dresde en 1900.
Couleurs et matérialité
La variété des matériaux employés sur les façades du Castel Béranger, et la polychromie qui en résulte, est très marquante. Comme évoqué en introduction, elle distingue nettement l’édifice des immeubles de rapport avoisinants. La photographie de la planche treize du Portfolio du Castel Béranger, colorée grâce au procédé du « fac-similé d’aquarelle », montre la cour intérieure ouverte sur le Hameau Béranger. On y observe nettement la variété des matériaux employés par Guimard et la polychromie induite. Si on comptabilise seulement les matériaux utilisés pour la maçonnerie on atteint un total de sept : la pierre meulière, la brique en terre cuite ou émaillée, la brique silico-calcaire, la pierre de taille, la fonte et la tôle. Cette polychromie n’est pas une fantaisie de l’architecte mais résulte bien d’une pensée rationnelle qui illustre la filiation entre Viollet-le-Duc et Guimard.
Lors du colloque dédié à Hector Guimard, organisé par le musée d’Orsay dans le cadre de l’exposition de 1992 consacrée à l’architecte, Lanier Graham a souligné l’influence considérable que l’école rationaliste initiée par Viollet-le-Duc a eu sur les architectes de la fin XIXe siècle, et notamment sur Hector Guimard[20]. Pour Viollet-le-Duc, la forme devait découler de la fonction, de la structure ; et les matériaux devait être employés et associés selon leurs qualités propres[21]. L’exemple le plus probant de la filiation entre les deux architectes est sûrement le bâtiment principal de l’École du Sacré Cœur, où Guimard a repris les colonnes obliques en fonte dessinées par Viollet-le-Duc pour le « XIIe Entretien », dédié à la maçonnerie, publié dans l’ouvrage Entretiens sur l’architecture[22]. Cette influence est notamment due à la formation de Guimard puisque ses maitres, Charles Génuys puis Gustave Raulin, faisaient partie de l’école rationaliste et étaient tous deux des disciples de Viollet-le-Duc. Marie-Laure Crosnier Leconte souligne notamment, dans le catalogue de l’exposition de 1992[23], que lors de la conférence donnée par Guimard dans les locaux du Figaro le 12 mai 1899, il a répété à plusieurs reprises que l’auteur des Entretiens était son maître à penser[24].
Tout comme Viollet-Le-Duc, Guimard s’est donc efforcé d’employer les bons matériaux aux bons endroits afin d’exploiter au mieux leurs qualités tout en maîtrisant le budget. Il a appliqué ce principe tant pour la construction du Castel Béranger que pour son ornementation. Ainsi, Guimard a choisi d’employer la fonte et la céramique pour la fabrication du bestiaire fantastique dont nous venons de faire l’énumération. Ces deux matériaux ont en effet l’avantage d’être tous deux dotés d’une très grande plasticité permettant d’obtenir aisément des formes zoomorphiques, la fonte étant coulée et la céramique estampée dans des moules. Ces techniques sont par ailleurs parfaitement adaptées à l’édition de pièces en série à moindre coût.
La céramique est un matériau qui a vocation à être émaillé. En plus de protéger les pièces, l’émail a l’avantage de les teinter selon le souhait du concepteur. Au Castel Béranger, Guimard a choisi de revêtir la plupart des chimères en céramique d’un émail à la teinte verte-bleutée plus ou moins foncée[25]. Le bestiaire en fonte (hippocampes, araignées, serpents) a quant à lui été recouvert d’une peinture, également d’une teinte verte-bleutée, permettant d’obtenir une harmonie entre les éléments du second œuvre composant ce bestiaire fantastique. Il est probable que les masques des balcons aient reçu une dorure, comme le suggèrent les planches du portfolio.
L’altérabilité de ce revêtement et la nécessité d’entretien qu’il implique peut expliquer sa disparition. Mais il faut garder à l’esprit que les photographies du portfolio ont été tirées en noir et blanc puis colorées à l’aquarelle. Or nous savons que pour ce portfolio Guimard a pris certaines libertés par rapport à la réalité et qu’il a pu choisir de représenter ces masques dorés alors qu’ils étaient peut-être, dès l’origine, eux aussi recouverts d’une peinture verte-bleutée.
La mise en volume des dessins préparatoires élaborés par Guimard pour tous ces décors a été effectuée par deux sculpteurs, Raphanel et Ringel d’Illzach, cités par Guimard dans la liste des fournisseurs ayant participé à la construction du Castel Béranger, liste qui figure au début du portfolio publié en 1898[26].
On sait ainsi que la fabrication des fontes a été confiée à l’usine de Sommevoire de la fonderie Durenne, site principal de l’établissement, comme l’indique une publicité publiée dans le Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 21 novembre 1900. La qualité de ses productions était reconnue mondialement, notamment grâce aux nombreux prix obtenus aux cours des différentes expositions nationales et internationales. Le journal de l’exposition nationale et coloniale de Rouen de 1896 mentionne même que « [la] maison Durenne n’a plus de récompense à attendre. Après avoir figuré dans d’innombrables expositions où s’augmentait chaque fois d’une nouvelle médaille ou d’un diplôme son médailler déjà si garni, elle est en effet hors concours depuis l’Exposition universelle de Paris de 1889[27]. »
Les céramiques architecturales extérieures animant les façades ont quant à elle été attribuées à la tuilerie Gilardoni & Brault[28]. Parallèlement au projet du Castel Béranger, cette entreprise a collaboré avec Guimard pour la conception de son stand à l’Exposition nationale de la céramique de 1897, dont la carte postale n° 7 Le Style Guimard en fournit une illustration. On peut notamment y remarquer la présence du futur panneau décoratif du Castel Béranger du chat faisant le gros dos, en haut à droite de la façade. Tout comme Durenne, Gilardoni & Brault était un établissement extrêmement reconnu et même qualifié « de premier ordre »[29], dont la marque de fabrique des tuiles mécaniques « [était] reconnue par les constructeurs comme indiscutable »[30]. La fabrique Gilardoni & Brault a par exemple reçu des médailles d’or aux Expositions Universelles de 1889 et 1900[31].
Ainsi, ce projet décoratif, très éloigné de celui initialement prévu par l’architecte avant son voyage en Belgique, met en jeu des éléments plus ou moins figuratifs unifiés grâce à la matérialité. Principalement constitués de céramique émaillée ou de fonte peinte, leur teinte oscille entre le vert, le bleu et l’ocre ; une polychromie qui s’ajoute à celle des divers matériaux employés pour la maçonnerie.
La pluralité des sources auxquelles Guimard a eu recours pour composer ce bestiaire fantastique (néo-gothique, néo-renaissance, orientalisme, faune et flore) a produit un décor hétérogène qui le singularise par rapport à l’œuvre des deux autres principaux initiateurs de l’Art nouveau européen : Horta dont le style a été d’emblée beaucoup plus homogène mais qui négligeait certain aspects du décor fixe comme les papiers peint, ou Antoni Gaudí (1852-1926) dont la production était encombrée de symbolisme chrétien. Pour cette première œuvre d’art moderne totale en France, le bestiaire du Castel Béranger, tout autant que les motifs abstraits qu’il côtoie, transcende par son étrangeté dérangeante un édifice inspiré par le rationalisme viollet-le-ducien.
Maréva Briaud, École doctorale d’Histoire de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ED113), IHMC (CNRS, ENS, Paris 1).
[1] Élisabeth Fournier était une bourgeoise du quartier d’Auteuil, veuve, désireuse de placer un capital dans l’immobilier.
[2] M. Briaud, « Hector Guimard et Muller & Cie au Castel Béranger : la fin d’une collaboration », Le Cercle Guimard [en ligne], 8 novembre 2024.
[3] Le Monde illustré, 8 avril 1899.
[4] L. Morel, « L’Art nouveau », Les Veillées des chaumières, 17 mai 1899, p. 453.
[5] Constituée en juin 1896 par le préfet de la Seine Justin de Selves, cette commission présidée par l’architecte Paul Sédille avait pour rapporteur l’architecte voyer Louis Bonnier, très favorable à Guimard. Ses travaux ont abouti à un nouveau règlement de voirie, publié sous forme d’un décret en 1902.
[6] « Bestiaire », Dictionnaire Larousse [en ligne], consulté le 19.11.24. URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/bestiaire/8916.
[7] Les lignes en coup de fouet des mosaïques des sols du vestibule et des halls évoquent des algues, et le vestibule avec ses parois en grès émaillé a parfois été comparé à une grotte sous-marine.
[8] Peu de temps après, les extrémités des arceaux en fonte des entourages découverts du métro affecteront aussi cette forme stylisée de la tête d’un hippocampe.
[9] C’est le cas des garde-corps des balcons réemployés à l’hôtel Roy (1897-1898), ainsi que des supports de barres d’appui de croisées également réutilisés à l’hôtel Roy et à l’hôtel Guimard (1909-1912).
[10] « Fantastique », Dictionnaire Larousse [en ligne], consulté le 19.11.24. URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/fantastique/32848
[11] G. Soulier et P. N., Études sur le Castel Béranger, œuvre de Hector Guimard, 1899, p. 13.
[12] On se souvient ici du rapprochement de ce premier style de Guimard avec le style auriculaire du XVIIe siècle évoqué dans l’article de Michèle Mariez publié sur notre site.
[13] Ce qui pourrait illustrer leur fonction de ventilation.
[14] J. Rameau, « Maisons Modernes », Le Gaulois, n° 6323, 3 avril 1899, p. 1.
[15] M. Simon, « La sorcière moyenâgeuse faussement médiévale ? Construction d’une image fantasmagorique » dans É. Burle-Errecade, V. Naudet (dir.), Fantasmagories du Moyen Âge, Presses universitaires de Provence, 2010, p. 201-208. URL : https://doi.org/10.4000/books.pup.2135.
[16] M. Simon, op. cit., p. 201-208.
[17] G. Tempest, « L’araignée », Historia [En ligne], 14 février 2019, https://www.historia.fr/societe-religions/vie-quotidienne/laraignee-2064996.
[18] V. Hugo, Les Orientales, Paris, J. Hetzel, 1829, p. 7.
[19] M. Simon, op. cit.
[20] L. Graham, « Guimard, Viollet-le-Duc et le modernisme », dans Guimard. Colloque international, musée d’Orsay, 12 et 13 juin 1992, Paris, Réunion des musées nationaux, 1994, p. 20.
[21] Ibid., p. 21.
[22] E. Viollet-le-Duc, Entretiens sur l’architecture. Atlas, Paris, A. Morel et Cie, 1863, pl. XXI.
[23] M.-L. Crosnier Leconte, P. Thiébaut, Guimard, Paris, Réunion des musées nationaux, 1992, p. 78
[24] Le Moniteur des arts, 7 juillet 1899, p. 1465-1471.
[25] Le tympan en céramique au quatrième étage sur la façade du bâtiment donnant sur la cour est recouvert d’un émail ocre.
[26] H. Guimard, Le Castel Béranger, œuvre d’Hector Guimard, Paris, Librairie Rouam, 1898.
[27] « Les jardins », Journal de l’Exposition nationale et coloniale de Rouen et moniteur des exposants, 1896, n° 7, p. 3.
[28] Il est cependant possible que la fabrication des métopes en céramique ornant les linteaux métalliques ait été confiée à Alexandre Bigot.
[29] « Les Grandes industries. La tuilerie de Choisy-le-Roi », Journal de l’Exposition nationale et coloniale de Rouen et moniteur des exposants, 1896, n° 14, p. 4.
[30] Ibid, p. 4.
[31] Exposition Universelle de 1900 à Paris. Liste des récompenses, classe 72, céramique, p. 852, Paris, Imprimerie nationale, 1901.
Dans notre précédent article, nous avons décrit les difficultés auxquelles le Service technique du métropolitain et la CMP ont été confrontés pour implanter l’accès et la salle souterraine de la station des Tuileries sur la première ligne du métro de Paris, de 1899 à 1900. En fonction des rejets successifs de leurs propositions par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (en charge du jardin des Tuileries), Guimard avait tout d’abord esquissé officieusement, à la fin de l’année 1899, des dessins pour des édicules de forme rampante et affrontés. Puis, en août 1900, il avait produit, cette fois officiellement, un projet de deux demi-édicules à claire-voie implantés sur le trottoir de la rue de Rivoli. Ce dernier projet qui aurait pu devenir l’une des plus belles réussites de l’architecte pour les accès du métro de Paris n’a pourtant pas vu le jour, sans doute en raison de l’opposition résolue des conseillers municipaux anti-édicules.
Après ce refus, Guimard a donc dû étudier un nouveau projet, toujours avec des balustrades, mais cette fois sans marquises. Le principe de la balustrade à écussons ayant été agréé pour les entourages découverts, il était logique qu’il l’utilise pour les accès d’entrée et de sortie de la station Tuileries. Cependant, où placer l’enseigne « METROPOLITAIN » ? Au vu de ce que la CMP a réalisé quelques années plus tard en matière d’accès Guimard sur des trémies étroites, il aurait théoriquement été possible de placer un portique extrêmement réduit devant chacun des escaliers[1]. Mais en 1901 cette idée n’était pas envisageable puisque seuls les modèles standard d’entourages pour trémies de 3 m avaient été agréés.
Guimard se trouvait ici dans une situation proche de celle de l’accès de la station Bastille adossé à la gare du chemin de fer de Vincennes reliant alors Paris à Marles-en Brie.
Cet accès bénéficiait d’une trémie de 2m 75, bien plus large que celles de la station Tuileries, mais tout de même plus étroite que celles des accès standards de la ligne 1. Après le rejet du projet de l’édicule initialement prévu à cet emplacement[2], il a proposé un an plus tard, le 28 mars 1901, un entourage découvert, privé de sa balustrade gauche et pourvu d’un seul candélabre pour assurer la signalisation. En raison de la moindre largeur de la trémie, le porte-enseigne devait être supprimé et l’enseigne accrochée au mur du bâtiment.
Mais comme on peut le voir sur le dessin, cette enseigne murale a été biffée d’une croix et il a finalement été décidé de mettre en place deux candélabres faisant portique, comme sur les autres entourages découverts, mais en raccourcissant le porte-enseigne et en rognant l’enseigne[3] pour faire entrer le tout dans la largeur impartie[4].
Pour la station Tuileries dont l’accès était étudié en même temps que celui de la gare du chemin de fer de Vincennes, il est possible qu’un projet semblable à celui du dessin ait été formé, avec un seul candélabre pour chaque escalier. Nous ne connaissons cependant aucun dessin validant cette hypothèse. En revanche, l’idée de concevoir un cadre spécial pour les enseignes et de les accrocher à la grille du jardin a été retenue pour Tuileries.
Avant d’arriver au montage final — celui que nous connaissons aujourd’hui — et qui n’a été mis en place qu’avec un retard considérable, probablement à la fin de l’année 1901 ou au début de l’année 1902, il faut peut-être encore former l’hypothèse de solutions intermédiaires qui auraient elles aussi été rejetées mais qui auraient l’avantage d’expliquer l’existence de modèles « orphelins ». Il s’agit tout d’abord des potelets d’extrémité hauts pour les balustrades à écussons que nous connaissons.
Ces potelets n’ont en effet pas d’utilité dans le système des entourages découverts où chaque extrémité de la balustrade se rattache à un candélabre du portique. Cependant leur création répond forcément à une motivation qui pourrait être en rapport avec les multiples avatars et avanies de la station Tuileries. Si la possibilité d’un unique candélabre au départ de la balustrade à écussons avait été écartée (ou n’avait pas été envisagée), il fallait alors inventer un modèle d’extrémité d’une hauteur un peu supérieure à celle de la balustrade. C’est donc peut-être à cette occasion que Guimard a conçu les modèles de potelets d’extrémité hauts gauche et droit. Leur terminaison apicale est proche de celle du potelet d’angle haut des balustrades, mais ils en diffèrent par leur base.
Cependant, ce n’est pas cette solution (si elle a bien existé) qui a prévalu mais une autre encore où, cette fois, la balustrade, ses potelets intermédiaires et ses potelets d’extrémités étaient plus bas. Nous ignorons tout des discussions qui ont amené à sa mise en place au détriment de la solution plus évidente de la balustrade à écussons[5]. Peut-être, et toujours dans une volonté de discrétion, a-t-il été demandé de ne pas dépasser la hauteur du muret de la grille ? Pour les potelets intermédiaires et le potelet d’angle, il a suffi à Guimard d’en diminuer la hauteur en en raccourcissant les parties linéaires.
Mais, au lieu de faire de même pour les potelets d’extrémité bas gauche et droit, il a inventé de nouvelles bases s’étalant largement au-dessus de la pierre de socle et donnant l’impression de voir une matière visqueuse s’écouler.
Le changement le plus important a été la création d’un décor central remplaçant les écussons et dont le contour rectangulaire vient s’insérer sur les fers en U verticaux. Nous l’avons surnommé « cartouche » puisqu’il est évidé en son centre, ce qui en fait en quelque sorte un négatif de l’écusson. Le style de Guimard étant en constante évolution, on y remarque une tendance plus forte à l’abstraction, même s’il est toujours possible de voir toutes sortes d’images — et même les plus saugrenues — dans ces masses latérales tourbillonnantes.
Il existe même un modèle cintré de ces cartouches, dont l’existence n’est révélée que par son emploi plus tardif, en 1909, sur l’entourage d’un puits de lumière de la station Nation.
Comme il y a peu de chances que l’élaboration de ce modèle cintré ait été réalisé à l’initiative de la CMP pour cette seule occurrence, il est plus probable que la compagnie s’est servie ici d’un modèle qui avait déjà été conçu par Guimard à l’occasion de son ultime projet pour les entourages de la station Tuileries, mais qui n’avait pas été employé. De même qu’il avait dessiné des édicules et des entourages découverts à fond orthogonal ou à fond arrondi, il a pu vouloir proposer que les accès de la station Tuileries se terminent en demi arc de cercle à l’aide de deux cartouches cintrés. Cette disposition aurait d’ailleurs renforcé la monumentalité de l’entrée dans le jardin des Tuileries en conduisant en douceur le visiteur vers sa grille.
Cependant, cette disposition (si elle a existé) a, elle aussi, pu être rejetée au profit de simples fonds orthogonaux. Mais ces derniers ne pouvant accueillir qu’un module central avec un cartouche surmonté d’un arceau, le comblement du petit espace résiduel de part et d’autre de ce module posait un problème. Celui-ci a été initialement résolu d’une manière peu satisfaisante. Une photo ancienne, extraite du portfolio allemand Modern Kunstchmiede-Arbeiten, paru en 1902, montre l’aspect initial du fond de l’entourage de sortie (côté Louvre). On voit que les petits arceaux placés de part et d’autre du module central sont constitués de ses deux extrémités simplement recoupées et réunies par un angle obtus assez disgracieux.
Le même entourage de sortie a également été photographié à l’époque dans l’autre sens et reproduit dans la revue anglaise Feilden’s magazine, parue en 1903. On voit que la fonction de signalisation était assurée par deux enseignes encadrées et garnies d’ampoules électriques accrochées en hauteur à la grille du jardin, au-dessus de chacun des deux entourages. Elles reposent sur trois consoles constituées de fers en T découpés et pliés, fixées sur les barreaux de la grille du jardin. Celle du centre est démesurément grande. Guimard s’en est sans doute servi pour y fixer les panneaux en tôle émaillée « Entrée » ou « Sortie »[6] qui, contrairement aux autres occurrences de pareils panneaux, ne semblent pas avoir été suspendus par des anneaux sous l’enseigne.
Le dessin par Guimard de cette enseigne en lave émaillée et de son cadre métallique est daté du 18 septembre 1901. Son lettrage « Édicule Grand M » est identique à celui qui était déjà déployé sur les édicules B (comme à la station Porte Dauphine). Sur l’élévation frontale, on voit que la partie supérieure du cadre était constituée d’une tôle découpée et incurvée vers l’avant, sur laquelle deux minces fers en U étaient fixés. C’est entre ces deux fers que Guimard avait prévu de perforer la tôle pour cinq emplacements d’arrivée d’électricité permettant un éclairage nocturne. Celui-ci était réalisé par des ampoules nues placées horizontalement, ce qui paraît assez peu sécurisant en l’absence de protection contre la pluie.
Un troisième exemplaire de cette enseigne encadrée a été fabriqué et accroché au-dessus de l’entrée de la station voisine Concorde, en remplacement de l’enseigne provisoire (cf. article précédent). Cette fois les ampoules électriques étaient placées entre la partie supérieure du cadre et la plaque de lave émaillée.
Initialement conçus, après bien des tergiversations comme nous l’avons vu, les modèles en fonte de l’entourage de la station Tuileries auraient pu y rester confinés, puisqu’en 1901-1902, ils n’avaient pas d’autre emploi. Mais la catastrophe du métro Couronnes en août 1903, sur la ligne 2, a mis en lumière le manque criant de sécurité des infrastructures du métro et en particulier l’absence de sorties de secours[7].
Malgré l’injonction qui lui a été faite de doter d’accès secondaires les nouvelles stations ainsi que les anciennes, la CMP ne s’est que partiellement exécutée pour des raisons financières. Cependant, sur les accès secondaires qui ont été établis, elle se devait d’entourer les escaliers par une balustrade. Celle-ci ne pouvait pas comporter de portique ni de signalisation afin que ces accès ne soient pas confondus avec des accès d’entrée. Pour cette nouvelle fonction, elle s’est donc tournée vers le modèle d’entourage bas conçu pour la station Tuileries, discret et agréé. Ces entourages bas ont été utilisés pour une grande partie des accès secondaires[8] établis jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Guimard, qui avait cessé de collaborer avec la CMP en 1903, et qui, en l’échange du règlement des sommes résiduelles qu’il lui réclamait, avait dû lui céder les droits sur ses modèles, n’a donc pas été sollicité à ce sujet et l’important déploiement de ces entourages bas s’est fait hors de son contrôle et sans profit pour lui.
Terminons par l’énumération de quelques modifications qui ont été apportées au travail de Guimard pour la station Tuileries.
Tout d’abord, un porte-plan a été greffé sur la balustrade du côté entrée. Dessiné en 1912 dans un style compatible avec celui de Guimard par les services techniques de la CMP, il a été exécuté en série par le serrurier parisien René Gobert. Ces porte-plans ont alors été posés sur tous les accès Guimard, sans doute avant la Première Guerre mondiale.
À une date que nous ne pouvons pas préciser, mais vraisemblablement lorsque les accès ont été indifféremment affectés à l’entrée ou à la sortie, les panneaux en tôle émaillée « Entrée » et « Sortie » ont disparu. L’enseigne du côté sortie a également disparu (ainsi d’ailleurs que celle de la station Concorde). Quant à l’enseigne du côté entrée, sa plaque de lave émaillée a été cassée en son milieu avant 1984. Le cliché pris à cette date montre aussi que la RATP avait modifié le dispositif d’éclairage. Sur les cinq ampoules nues initialement posées horizontalement, il n’en restait plus que trois, orientées verticalement et protégées de la pluie par une casquette en zinc rectangulaire fixée sur le fer en U supérieur.
Lors des restaurations en 2000, la plaque de lave émaillée a été remplacée par une copie qui ne comporte plus la signature de Guimard. Cependant la RATP ne semble actuellement pas en mesure de localiser la plaque originelle.
Son dispositif d’éclairage a de nouveau été modifié en remplaçant les ampoules par un tube fluorescent très visible. Il est protégé par une nouvelle casquette greffée sur le fer en U supérieur. Elle est cette fois ceinturée par un petit lambrequin dont la partie avant est une copie de la découpe inférieure de la tôle du fond. Quant à ses parties latérales, elles arborent des découpes purement inventées.
Il est à souhaiter qu’à l’avenir, si la disposition originelle ne peut être rétablie avec succès, un dispositif lumineux plus moderne et plus discret permettant l’ablation de la casquette soit adopté.
Sur la balustrade, les petits arceaux anguleux des fonds orthogonaux que nous avons signalés plus haut, étaient encore présents sur un cliché pris par Marcel Boubat en 1956 avec l’écrivain Raymond Queneau sortant de la station Tuileries par l’accès d’entrée.
Ils étaient toujours présents sur des clichés pris par la RATP en 1976, avant d’être ultérieurement remplacés par des modèles arrondis. À cet effet, la RATP a fait réaliser deux modèles spéciaux d’arceaux très étroits (rep. 46 et rep. 49), arrondis et donc plus agréables à l’œil. Sur l’accès d’entrée, le plus large des deux est inséré contre le muret et y pénètre même. Cette entaille plutôt grossière a été creusée dans la pierre dès l’origine puisqu’on la voit déjà sur le cliché de Marcel Boubat pris en 1956.
Contrairement à celles de nombreuses autres stations de métro dont l’implantation et la mise en place de l’accès n’ont pas posé de problèmes particuliers et qui n’ont pas non plus subi de changements très notables par la suite, l’histoire de la station des Tuileries s’est donc révélée pleine de rebondissements. Et peut-être nous permet-elle d’expliquer l’existence de modèles « orphelins » de Guimard pour le métro.
Frédéric Descouturelle
Notes
[1] Après 1903, date de l’arrêt de sa collaboration avec Guimard, la CMP a continué à utiliser ses entourages découverts avec des balustrades à écussons pour équiper des trémies de largeurs très variables. Les plus étroites ont eu une largeur d’1 m 80, à Strasbourg-Saint-Denis en 1903 (4 entourages disparus) et à Réaumur-Sébastopol en 1904 (2 entourages encore en place). Leurs arches ont dû être coudées pour pouvoir recevoir une enseigne au lettrage « entourage comprimé ». Ce type de portique aurait même pu encore être réduit d’une trentaine de centimètres pour recevoir une enseigne « MÉTRO », plus étroite ».
[2] Cf. DESCOUTURELLE, Frédéric ; MIGNARD, André ; RODRIGUEZ, Michel, Guimard l’Art nouveau du métro, Éditions La Vie du Rail, 2012, p. 74. Nous ne connaissons qu’un plan du projet de cet édicule, daté du 18 avril 1900, prévu avec une paroi en plaques de lave émaillée, mais pas les dessins des élévations. Nous pouvons supposer que la marquise envisagée avait une certaine parenté avec celle des demi édicules de la station Tuileries.
[3] La proposition de Guimard du 1er août 1901 d’une enseigne moins large avec un lettrage plus condensé a été refusée et c’est donc une enseigne standard avec un lettrage « entourage Grand M », rognée latéralement, qui a été utilisée.
[4] Cet entourage a persisté jusqu’en 1984, date de la construction de l’Opéra Bastille. L’entourage — protégé au titre des Monuments Historiques —aurait dû être complété par une balustrade gauche et transféré à son emplacement actuel, à l’angle du boulevard Beaumarchais et du boulevard Richard Lenoir. Mais en réalité, il a été démonté et entièrement remplacé par une copie en 1985.
[5] De ce fait, les potelets d’extrémité hauts n’ont pas eu d’emploi sur le réseau pendant plusieurs décennies. La RATP s’en est finalement servie lorsqu’elle a remplacé des portiques Guimard vétustes par un poteau Dervaux placé à l’une des extrémités de la balustrade. Un potelet d’extrémité haut était alors mis en place à l’autre extrémité. Ils ont disparu lorsque ces accès ont été restaurés et ont retrouvé un portique. À la station Daumesnil, un escalator a été mis en place sur l’accès Guimard, ce qui a entraîné la dépose du portique, remplacé par deux potelets d’extrémité hauts. Enfin, devant la Maison de la RATP, 54 quai de la Rapée, le visiteur est accueilli par un portique d’entourage Guimard, suivi de balustrades qui sont terminées par des potelets d’extrémité hauts.
[6] Voir notre article Les signalisations d’entrée et de sortie des accès du métro de Guimard.
[7] Une partie des 84 morts asphyxiés a été retrouvée agglutinée à l‘extrémité nord du quai, dépourvue de sortie vers la surface.
[8] Il y en a eu 47 (y compris l’entourage arrondi du puits de lumière de la station Nation) et il en reste 25.
Une des heureuses conséquences de la mise en place de la récente exposition Guimard, architectures parisiennes aux Archives de Paris[1] est la découverte au sein des collections de cette institution de nouveaux documents qui complètent nos connaissances sur plusieurs chapitres de l’œuvre de Guimard. L’une de ces pièces est un petit dossier du Service technique du métropolitain constitué en 1900 et concernant l’accès de la station Tuileries. Peu avant cette découverte, nous avions reçu en don plusieurs dessins de recherche de Guimard pour l’accès de cette même station. Dans le livre consacré au métro de Guimard[2], nous avions brièvement évoqué les circonstances qui ont conduit à la mise en place des deux actuels entourages d’accès de cette station sur l’étroit trottoir de la rue de Rivoli. Mais grâce à ces nouveaux documents, nous allons pouvoir en retracer plus sûrement l’historique.
Si la construction du métro de Paris a été une affaire municipale, il faut se rappeler que la Ville de Paris était alors placée sous la tutelle de l’État et administrée par une autorité bicéphale : la Préfecture de la Seine, émanation du pouvoir exécutif et le Conseil municipal, élu par les Parisiens. Après que l’État a cédé en 1895 sur le caractère d’intérêt local du projet de métro parisien, le Conseil municipal a formé en son sein une Commission du Métropolitain chargée de préparer les projets qui devaient ensuite lui être présentés pour approbation. C’est en particulier à cette commission, en collaboration avec le Service technique du métropolitain, qu’il revenait de définir les trajets des lignes et les emplacements des accès[3].
La Ville s’est chargée de la construction des infrastructures souterraines tandis que la fourniture des voies, du matériel roulant et l’équipement des stations ont été dévolus à la CMP (Compagnie du Métropolitain de Paris) formée en mai 1898 en vue de recevoir la concession de l’exploitation du métro.
La construction des accès de surface était également à la charge de la CMP qui n’avait pas pour autant de pouvoir décisionnel quant à leur aspect. Contrastant avec l’austérité des équipements souterrains, ces accès devaient aussi constituer une sorte d’image publicitaire à laquelle l’audace des projets de Guimard allait pleinement contribuer, du moins pendant les premières années. Mais la première partie des épisodes que nous allons relater à propos de la station Tuileries s’est déroulée peu après la formation de la CMP et ne concernait pas l’entourage de l’accès ni son décor. Comme nous le verrons, les projets de Guimard, même s’ils ont été mûris pendant le second semestre de 1899, n’ont été connus des autorités que dans les derniers jours de l’année.
Cette station est située sur la ligne 1, de Porte Maillot à Porte de Vincennes, la première à avoir été ouverte avec deux tronçons supplémentaires au cours du premier chantier. Elle avait pour fonction de desservir l’Exposition universelle de 1900, mais elle était surtout construite sur un trajet Est-Ouest de la rive droite, identifié comme étant le plus susceptible de répondre aux besoins du public. Pour ce premier chantier, par économie, la plupart des stations ne bénéficiait que d’un seul accès sur la chaussée, conduisant à une salle souterraine de vente des billets. Il n’était alors pas encore question de sorties ou d’accès secondaires qui ne seront généralisés que plus tard.
Sur la rue de Rivoli, de la station Saint-Paul à la station Concorde, le trajet est pratiquement rectiligne.
Les voies du métro y ont été prudemment établies à faible profondeur, sous un tablier métallique placé sous la chaussée.
Aux stations Saint-Paul, Hôtel de Ville, Châtelet, Louvre et Palais Royal, la largeur des trottoirs ou l’existence de terre-pleins ont permis de prévoir des trémies d’escalier d’une largeur standard de 3 m, ou un peu plus dans le cas de Palais Royal (3 m 50), là où une correspondance (et donc un afflux plus important de voyageurs) était attendue. À l’exception de cette dernière station, les accès ont été établis du côté des numéros impairs (côté vers la Seine). Cependant, pour les deux dernières stations de la rue de Rivoli, Tuileries et Concorde, l’étroitesse des trottoirs ne permettait plus d’ouvrir une trémie de trois mètres de large, ni d’un côté de la rue, ni de l’autre. Pour la station Tuileries, dont les quais sont situés entre la rue du 29 juillet et la rue d’Alger, l’emplacement de son accès a été prévu en face de la rue du 29 juillet et au niveau de l’entrée du jardin des Tuileries. L’idée initiale du Service technique du métropolitain était de créer un accès sur la terrasse des Feuillants qui longe la rue de Rivoli et qui en est séparée par un muret et une grille. À cet endroit, la terrasse est au même niveau que le trottoir. En revanche, le jardin des Tuileries proprement dit se trouve en contrebas et pour y descendre les promeneurs empruntaient un petit escalier parallèle à la rue[4].
Le dossier[5] retrouvé aux Archives de Paris concernant la station Tuileries contient tout d’abord un rapport de Fulgence Bienvenüe, chef du Service technique du métropolitain, daté du 3 mars 1900 et faisant l’historique des démêlés mettant aux prises au sein même de l’État, d’une part le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, et d’autre part la préfecture de la Seine et son Service technique du métropolitain.
Le premier projet de l’équipe de Bienvenüe consistait à gagner du terrain sur la terrasse des Feuillants en reculant la grille pour établir un escalier de descente vers la salle souterraine. Nous ne possédons pas le plan de ce projet mais nous pouvons formuler l’hypothèse selon laquelle, pour permettre de placer un tel escalier, il aurait été nécessaire d’ouvrir la grille du jardin de part et d’autre.
Si la voirie de la rue de Rivoli appartient bien à la Ville de Paris, le jardin des Tuileries est une propriété de l’État relevant du ministère de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts. C’est donc à ce dernier que ce projet a été adressé le 31 octobre 1898. Trois mois plus tard, le ministère, refusant que l’accès du métro n’empiète sur la terrasse, l’a rejeté par décision du 8 février 1899. Mais conscient qu’il faudrait trouver une solution, il a réfléchi à un contre-projet qu’il a présenté sous forme d’un croquis lors d’une réunion qui a eu lieu sur place le 11 juillet 1899. Sur ce dessin sommaire que nous reproduisons ci-dessous, deux escaliers placés sur le trottoir de la rue de Rivoli (et non sur la terrasse) convergeaient devant une petite salle de vente des billets en cul-de-sac, placée sous la terrasse.
Jugeant cette solution techniquement inadaptée (salle trop petite, escaliers se recoupant, mauvaise gestion des flux), le Service technique du métropolitain a alors opté pour une solution de rechange : ouvrir un escalier de descente vers la salle des billets, non plus sur la terrasse des Feuillants, mais dans son mur, en contrebas, du côté du jardin. La CMP, à laquelle incombait l’équipement des accès de surface aurait alors été chargée d’établir « tel système de grille qui eût convenu au service des Beaux-Arts, pour isoler cette entrée, occasionnellement, du reste du jardin ». Cette solution était astucieuse, mais avait le défaut de rendre l’accès peu visible depuis la rue et probablement aussi d’imposer la fermeture de la station pendant les heures de clôture du jardin. Nous ne possédons pas le plan de ce projet, mais nous pouvons également en donner une approximation.
Cette disposition d’un accès pratiqué dans un mur était proche de celle qui a été adoptée pour la station Concorde, où l’accès (faisant fonction d’entrée et de sortie) a été percé dans le mur de la terrasse du Jeu de Paume, mais cette fois du côté de la rue de Rivoli qui, à cet endroit, se trouve en contrebas de cette terrasse.
Ce type d’accès pratiqué à la station Concorde n’a posé aucun problème dans la mesure où il débouchait sur la voirie municipale. En revanche, ce second projet pour la station Tuileries, de même nature que pour la station Concorde mais débouchant dans le jardin, a été refusé comme le relate Bienvenüe : « Après bien des pourparlers et malgré l’insistance mise par le Conseil Municipal de Paris dans une délibération spéciale (1er décembre 1899), cette étude eut finalement le même sort que la première proposition, annoncé par une dépêche ministérielle du 22 décembre 1899). »
Cette dépêche (dont nous n’avons pas copie) comportait pourtant l’acceptation d’« une sorte de petite gare dans le tréfonds du Domaine », notion vague qui pouvait peut-être signifier que le ministère accepterait la possibilité de construire un édicule en bordure du jardin. Il aurait été en ce cas assez éloigné de la salle souterraine de vente des billets, ce qui ne pouvait pas convenir au Service technique du Métropolitain. Ce dernier s’est donc rabattu sur la solution moins favorable préconisée depuis juillet 1899 par le ministère et que, par prudence, le Conseil municipal avait validée à l’avance : celle d’escaliers implantés sur le trottoir de la rue de Rivoli. Celui-ci n’ayant qu’une largeur de 3 m 50, l’escalier serait réduit à 1 m 50, « mais on ferait deux volées au lieu d’une, l’une pour l’entrée, l’autre pour la sortie. » Le plan annexé au rapport de Bienvenüe, que nous reproduisons ci-dessous, montre que, contrairement au croquis du ministère, les marches supérieures des deux escaliers se trouvaient cette fois logiquement placées de part et d’autre de l’entrée du jardin qu’ils desservaient (entrée à gauche et sortie à droite). À leur partie inférieure, de chaque côté, un corridor permettant de canaliser les flux d’entrée ou de sortie, tout en contournant le système racinaire des arbres de la terrasse proches de la grille, se retournait pour déboucher dans la salle de vente des billets.
C’est sans doute à cette époque — dans les derniers mois de 1899 — que Guimard a esquissé des projets pour l’accès de la station Tuileries qui constituait l’un des cas à part à traiter indépendamment des accès standards (édicules et entourages découverts). Comme on le sait, il s’était prudemment abstenu de participer au concours institué par la CMP de juin à août 1899 puisque ce concours destiné à donner des idées à l’architecte maison de la CMP, Paul Friesé, ne débouchait pas sur la commande des accès. Cependant, quelques esquisses crayonnées sur des calques appartenant au fonds Guimard du musée d’Orsay[6] montrent qu’il préparait des projets alors que, parallèlement, ses « supporters » au sein de l’administration préfectorale et de la Commission du métropolitain s’employaient à saper les projets « officiels » présentés à la Préfecture par la CMP[7]. Arrivés à maturité à la fin de l’année 1899, les projets de Guimard ont pu être approuvés par le conseil d’administration de la CMP le 12 janvier 1900, puis par la Commission du métropolitain[8] le 7 février, ainsi que par la Préfecture le 16 février.
Par leur finition sommaire et par leur style visiblement antérieur à celui des projets définitifs de janvier 1900, les dessins de Guimard non titrés, non datés et non signés que nous reproduisons ci-dessous font partie de sa période de recherche. Cependant, ils montrent qu’il avait déjà accès à des informations inconnues du public. Sans doute bien renseigné par un informateur — peut-être Defrance, le directeur administratif des travaux de Paris de la préfecture de la Seine ? — il a en effet travaillé sur la solution à deux escaliers convergents vers la surface, implantés sur le trottoir de la rue de Rivoli. Comme on peut le voir, il s’est servi de la montée des deux escaliers pour adopter de part et d’autre deux formes rampantes[9] venant se rejoindre au centre en enserrant l’enseigne, devant la grille du jardin des Tuileries.
D’autres dessins, fragmentaires, donnent tout de même une idée plus précise du décor particulièrement original qu’il envisageait pour cet accès. Nous nous en sommes servi pour donner par infographie une restitution de l’édicule de sortie puis des deux édicules affrontés, comme sur le dessin ci-dessus. Ces deux édicules adoptaient déjà le schéma constructif qui sera celui des édicules A et B, c’est-à-dire des parois constituées de plaques de lave surmontées de vitrages puis d’un espace d’aération. Il est fort probable qu’à ce niveau, ces dessins n’étaient connus que de sa seule sphère amicale et qu’ils n’ont pas été communiqués à l’ensemble des conseillers municipaux, ni officiellement au Service technique du Métropolitain, ni à la CMP.
Une fois ses projets d’accès pour le métro (entourages découverts, édicules et pavillons) globalement adoptés par les autorités[10], du 12 janvier au 16 février 1900, Guimard aurait pu s’atteler à concevoir un projet plus définitif pour l’accès particulier de la station Tuileries à partir de ses esquisses. Mais à peine quelques jours plus tard, le projet du Service technique du métropolitain avec deux escaliers convergents vers la surface a essuyé un nouveau refus du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, signifié le 28 février 1900 et compromettant donc le principe du projet de Guimard. Nous n’avons pas le texte de ce refus, mais à la lecture du rapport de Bienvenüe, nous pouvons comprendre que le ministère, s’arc-boutant sur sa propre solution, reprochait à celle du Service technique du métropolitain de « compromettre l’existence des arbres dont les racines ne trouveraient plus une couche de terre suffisante », de prévoir une salle de vente des billets trop vaste, nécessitant de supprimer un arbre placé au-dessus d’elle et enfin, trouvait que les escaliers étaient trop proches de l’entrée du jardin. Dans son rapport, Bienvuenüe arguait qu’on ne saurait réduire significativement la salle et que l’arbre en question était déjà « fort misérable ».
Dans un second rapport, daté du 19 avril 1900, Bienvenüe relate la suite de l’affaire.
Sûr du bien-fondé du projet du Service technique du métropolitain et estimant sans doute que son blocage se faisait à un échelon inférieur au sein du ministère, il avait entre-temps fait appel au préfet de la Seine (Justin de Selves) afin que ce dernier intercède directement auprès du ministre. Mais cette intervention n’avait pas donné le résultat escompté puisque par une nouvelle dépêche du 28 mars 1900, le ministre avait fait savoir « qu’il ne saurait adopter d’autre combinaison que celle qui fut examinée sur place le 11 juillet 1899. » Ce nouveau refus péremptoire a donc finalement contraint le Service technique du métropolitain à adopter le système du ministère, tout en l’aménageant. Il a en effet fallu reculer un peu les escaliers, à présent divergents vers la surface et convergents vers la salle de vente des billets. Celle-ci, conformément aux exigences du ministère a eu des dimensions plus réduites, épargnant au passage l’arbre faisant face à l’entrée du jardin. L’accès de sortie était à présent situé à gauche et celui d’entrée à droite. Nous donnons ci-dessous le plan général qui était joint à ce dernier projet. On y remarque, dessinés à l’encre rouge, le pourtour et les ceintures des marquises destinées à surmonter les escaliers et qui marquent l’entrée officielle de Guimard dans le projet, vers avril 1900.
Pendant ce temps, en raison de ces tergiversation, l’accès de la station n’avait pas pu être construit et lors de l’inauguration de la première ligne du métro (elle-même en retard), le 19 juillet 1900[11], la station n’était pas ouverte. Elle ne le sera que le 27 août, avec une balustrade et un portique en bois qui vont sans doute perdurer jusqu’au début de 1902.
Un dossier constitué par la CMP[12] et déposé aux Archives de Paris révèle l’étape suivante. Il ne contient pas de rapport explicatif mais des plans correspondant à l’état du projet d’édicules présenté en septembre 1900. Les esquisses antérieures de Guimard ne pouvant convenir à ce nouveau projet, il a travaillé, cette fois officiellement, sur la nouvelle disposition adoptée par le Service technique du métropolitain.
À cette époque, une partie des conseillers municipaux, très déterminés, ont obtenu la suppression d’une majorité des édicules prévus pour le premier chantier[13] du métro pour les remplacer par des entourages découverts. Ces derniers qui devaient au départ être l’exception sont devenus majoritaires. Pour tenter de sauver son programme d’édicules (dont la construction était pourtant plus onéreuse que celle des entourages), la CMP et Guimard ont proposé des édicules à claire-voie sur lesquels les plaques de lave des parois étaient remplacées par des balustrades à écussons, créant ainsi un effet de transparence des plus heureux. L’accès de la station Hôtel de Ville[14] a ainsi reçu un édicule A à claire-voie (plan daté juillet 1900) tandis que celui de la station Gare de Lyon a reçu un édicule B à claire-voie (plan non daté, avant novembre 1900).
Ces deux édicules expérimentaux ont effectivement été agréés par la Commission du métropolitain et par la préfecture, puis construits. Mais ils sont cependant restés uniques dans leur genre et, dès la conception des accès aux stations souterraines de la ligne 2 au début de l’année 1902, le principe des édicules a été définitivement abandonné au profit d’entourages découverts à fond arrondi. En ce qui concerne l’accès de la station Tuileries, les plans de Guimard datés du 30 août 1900 — donc dans la même période que ceux de Gare de Lyon et d’Hôtel de Ville — présentent également une balustrade avec des écussons. Guimard n’a représenté qu’un seul des deux demi-édicules qui étaient symétriques, celui côté entrée.
Du côté de la rue, deux piliers en fonte de forme arborescente, à gauche et à droite, soutiennent la ceinture de la marquise relevée. Celle-ci est constituée de deux séries de panneaux de verre se recouvrant partiellement comme des tuiles.
L’eau de pluie est conduite vers l’arrière, dans un chéneau maintenu par des poteaux métalliques prenant appui sur le muret de la grille avec laquelle il n’y a pas de contact. Au contraire — et c’est ce qui confère une grande séduction à ces accès — Guimard a donné à l’extrémité latérale des marquises un mouvement enveloppant autour des piliers de la grille, mouvement qui évoque irrésistiblement le spathe de l’arum.
Une enseigne « METROPOLITAIN » en lave émaillée était placée parallèlement à la rue sur chacun des demi-édicules et complétée par une enseigne « ENTRÉE » ou « SORTIE »[15] placée en oblique. Guimard avait prévu de maintenir ces derniers panneaux par de fines lignes de fontes étirées entre le pilier avant et la ceinture de la marquise. Visuellement l’effet était superbe, mais il est possible que Guimard ait présumé de la solidité d’un tel montage[16] en sous-estimant le caractère cassant de la fonte.
Enfin, en examinant de près les dessins, on peut soupçonner que deux verrines d’éclairage ayant la forme d’un globe étaient insérées au sommet des piliers. Elles assuraient la même fonction de signalisation de l’accès que les verrines des entourages découverts.
Ce projet qui aurait pu devenir l’une des plus belles réussites de l’architecte pour les accès du métro de Paris n’a pourtant pas vu le jour. Cette fois, nous ne bénéficions plus des explications du rapport de Bienvenüe, mais il est fort probable que ce nouveau refus a été imputable aux conseillers municipaux anti-édicules.
Dans un prochain article, nous verrons comment Guimard et la CMP ont pu trouver une solution satisfaisant toutes les parties et comment cette solution a finalement été « détournée » de son usage initial.
Frédéric Descouturelle
Notes
[1] Du 20 septembre au 21 décembre 2024, au 18 boulevard Sérurier 75019 Paris (métro et tramway Porte des Lilas).
[2] DESCOUTURELLE, Frédéric ; MIGNARD, André ; RODRIGUEZ, Michel, Guimard l’Art nouveau du métro, Éditions La Vie du Rail, 2012.
[3] Les emplacements et les dimensions de ces accès ont été officiellement soumis aux votes du Conseil municipal des 17 et 20 mars 1899 sur proposition de la Commission du Métropolitain et finalement approuvés le 20 mai 1899. Cependant, l’essentiel de ces caractéristiques avait été défini auparavant par le Service technique du métropolitain, ce qui, pour l’accès de la station Tuileries, avait permis d’engager des pourparlers avec le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts dès 1898.
[4] Ce dispositif d’accès au jardin en contrebas a été ultérieurement modifié pour établir un large escalier perpendiculaire à la rue et deux rampes qui lui sont parallèles.
[5] Archives de Paris, V2O8 7.
[6] Voir notre article Une visite à l’exposition-accrochage au musée d’Orsay « Hector Guimard et la genèse du Métropolitain ».
[7] Cette manœuvre est une supposition mais que nous croyons être suffisamment étayée pour être crédible. On se reportera au livre Guimard l’Art nouveau du métro, p. 31.
[8] Dans les derniers jours de 1899, en raison du blocage des projets « officiels », aucune solution concrète ne se présentait pour la CMP. Or l’intersession du conseil municipal avait été fixée du 31 décembre 1899 au 5 mars 1900. Si une décision ne pouvait intervenir qu’après cette date, la CMP ne pourrait alors pas mettre à temps les accès en fabrication pour une mise en exploitation prévue lors de l’Exposition universelle de 1900. Par une délibération du 30 décembre 1900, le conseil municipal a donc délégué à la Commission du métropolitain la possibilité d’accepter les projets d’accès pendant l’intersession.
[9] Il faut signaler que lors du concours organisé par la CMP en 1899, l’architecte Bonifassé avait également utilisé une forme rampante, de surcroit dans un style Art nouveau. Il avait obtenu un troisième prix ex-æquo pour l’édicule C (place de l’Étoile) et le journaliste Rivoalen (La Construction Moderne du 18 novembre 1899) reconnaissant qu’il s’agissait là d’une solution rationnelle pour abriter une descente d’escalier l’avait surnommé « l’audacieux rampiste de l’art nouveau ». Signalons aussi que certains accès du métro de New York, placés sur des trottoirs, ont utilisé une forme rampante à partir de 1904.
[10] À part l’édicule B (celui à toiture en V) qui a été adopté d’emblée, les plans des autres types d’accès ont ensuite reçu des modifications, notamment l’édicule A, et l’entourage découvert pour son portique. Comme pour l’accès de la station Tuileries, les deux cas particuliers de l’accès de la station Bastille du côté du chemin de fer de Vincennes et de celui de la gare de Lyon ont été traités plus tardivement.
[11] Le 19 juillet 1900, seules huit stations ont été ouvertes. Beaucoup d’accès, en particulier ceux devant recevoir un édicule ou un pavillon étaient encore provisoires avec une balustrade en bois. Les entourages découverts comportaient alors un portique provisoire en bois.
[12] Archives de Paris, 2Fi 324-327.
[13] Ces manœuvres ont commencé dès le printemps 1899, donc à un moment où l’on ne connaissait pas encore l’aspect qu’allaient prendre les édicules. Ces conseillers municipaux, issus des « beaux quartiers », craignaient en fait que ces édicules ne compromettent la beauté et la régularité des avenues. La délibération du Conseil municipal du 19 mai 1899 a supprimé les édicules sur la rue de Rivoli (stations Châtelet, Louvre, Palais Royal) remplacés par des entourages découverts à fond orthogonal et sur les Champs-Élysées (stations Champs-Élysées, Rue Marbeuf, Avenue de l’Alma) remplacés par des entourages découverts à fond arrondi. Mais le combat contre les édicules a continué et la délibération du Conseil municipal du 16 novembre 1900 a supprimé les édicules de l’Avenue Kléber, de la place Victor Hugo et de la place du Trocadéro (stations Kléber, Boissière, Victor Hugo et Trocadéro) au profit d’entourages découverts à fond orthogonal.
[14] Cet édicule a été transféré à la station Abbesses en 1974.
[15] Voir notre article Les signalisations d’entrée et de sortie des accès de métro de Guimard.
[16] Ainsi, Guimard avait dû modifier le montage initial trop fragile des porte-enseignes des entourages découverts. Cf. notre article à ce sujet.
Pour ce début d’année 2025, Le Cercle Guimard vous propose deux nouvelles visites guidées :
Les visites guidées sont au tarif unique de 20 euros par personne.
Merci de cliquer sur l’horaire qui vous convient :
La journée d’étude Hector Guimard à l’Hôtel de Ville de Paris a été un grand succès. Des spécialistes de Guimard s’y sont relayés toute la journée dans une ambiance conviviale pour donner des synthèses des connaissances dans certains domaines, exposer des parallèles avec d’autres architectes contemporains ou encore pour présenter des nouveautés tout à fait passionnantes. Nous avons également bénéficié de communications de nos amies américaines car ce sujet d’étude a toujours été vivant de part et d’autre de l’Atlantique.
Le Cercle Guimard ne relâche pourtant pas ses efforts et propose pour clore l’année Guimard une conférence qui sera consacrée à l’histoire de la station de métro Tuileries. La conférence — gratuite — aura lieu le 17 décembre 2024 à 18 h, aux Archives de Paris, 18 boulevard Serurier, 75019 Paris, salle Paul Verlaine, sans inscription préalable, dans la limite des 100 places disponibles.
Qui imaginerait en descendant les escaliers de cette station de la ligne 1 que la mise en place de ses accès a été l’occasion d’une lutte sourde entre, d’une part le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, et d’autre part le Service du Métropolitain de la Préfecture de la Seine ? De nouveaux documents découverts par l’équipe des Archives de Paris — à l’occasion de la mise en place de l’exposition Guimard qui s’y déroule jusqu’au 21 décembre — nous permettent d’en retracer les péripéties d’une façon plus précise que ce que nous avions pu écrire dans le livre consacré au métro de Guimard[1]
De plus, Le Cercle Guimard a eu la chance de bénéficier du don de plusieurs fragments de dessins originaux de Guimard qui nous renseignent sur son immiscion dans cette affaire, nous convainquant que les accès de la station Tuileries, si modestes aujourd’hui, auraient pu être des créations exceptionnelles et originales de notre architecte. Nous en dévoilons ci-dessous un détail, mais nous serons aptes à en montrer une vue plus complète au cours de la conférence du 17 décembre.
Après cette conférence, deux articles à paraître sur notre site ne seront pas de trop pour présenter ces nouveautés et pour compléter l’histoire des accès de cette station ainsi que de leurs avatars… et de leurs avanies.
Frédéric Descouturelle
Notes
[1] DESCOUTURELLE, Frédéric ; MIGNARD, André ; RODRIGUEZ, Michel, Guimard l’Art nouveau du métro, La Vie du Rail, 2012.
La journée d’étude consacrée à Hector Guimard se tiendra mardi 03 décembre de 9 h à 17 h dans la salle du Conseil de Paris. Malheureusement, les places disponibles ont déjà toutes été réservées… Un enregistrement vidéo des communications sera assuré (à l’exception de celle sur la maison Coilliot). Nous présentons brièvement ci-dessous la plupart d’entre elles.
Frédéric Descouturelle, Cercle Guimard. L’image d’Hector Guimard, entre fantasmes et réalités. Frédéric Descouturelle est titulaire d’un Master II en histoire de l’art sur les fontes de Guimard produites à Saint-Dizier. Il est l’auteur ou co-auteur d’une dizaine de livres consacrés à l’École de Nancy (et plus particulièrement au menuisier Eugène Vallin) ainsi qu’à Guimard. Il est aussi l’auteur de nombreux articles et dossiers publiés sur le site du Cercle Guimard.
Cette première communication s’attache à l’image de Guimard, son image physique bien sûr, mais aussi son image psychologique et celle que s’en sont faite les historiens et les exégètes de son œuvre. Était-il un révolté isolé ? Un martyr de la modernité sacrifié sur l’autel de la réaction ? Un mystique dont les préoccupations ésotériques peuvent se décrypter ? L’histoire de l’art a toujours reflété et raconté en creux les idées et les préoccupations des époques où elle a été écrite, ainsi que celles des historiens. Ne doutons donc pas que nos propres spéculations seront révisées par de futures générations d’historiens. Mais en démontant la manipulation de certaines sources bibliographiques, nous montrerons jusqu’où peut aller l’aveuglement de ceux qui veulent voir.
Olivier Barancy, Cercle Guimard. Guimard et Lavirotte : deux destins parallèles. Spécialiste des immeubles anciens, Olivier Barancy est architecte. Initié à l’Art Nouveau par l’historien Roger-Henri Guerrand lors de son cursus universitaire, il a publié plusieurs ouvrages d’histoire de l’art dont une monographie consacrée à Jules Lavirotte en 2017.
Bien qu’Hector Guimard ait refusé d’être comparé à ses confrères, son contemporain Jules Lavirotte présente un profil parallèle, dans sa vie privée ou publique. Les rencontres des deux architectes lyonnais ont été rares mais leurs carrières ne sont pas antagonistes. La mise en miroir de leurs œuvres respectives montre plus de différences que de similitudes : Hector Guimard étant très moderne, dans sa communication et sa créativité foisonnante, tandis que Lavirotte prouve son audace dans l’emploi de la céramique architecturale et l’usage récurrent du ciment armé.
Léna Lefranc-Cervo. Hector Guimard et le Groupe des architectes modernes : réseaux et stratégies de mobilisation d’un architecte moderne. Léna Lefranc-Cervo est diplômée de l’École du Louvre et docteure en histoire des arts (Université Rennes 2). Elle est actuellement enseignante à l’École nationale supérieure d’architecture de Bretagne.
La communication s’attachera à présenter le rôle central de l’architecte dans le processus de fédération des novateurs et pour l’accès à la commande. Elle analysera ainsi les démarches entreprises dans ce sens par Guimard depuis les années 1890 jusqu’à la création du Groupe des Architectes Modernes en 1922, et reviendra sur les stratégies de mobilisation de ce groupe notamment dans le cadre de l’Exposition des arts décoratifs et industriels modernes de 1925.
Dominique Magdelaine, Cercle Guimard. Un décor inédit réalisé par Hector Guimard à l’époque du Castel Béranger. Dominique Magdelaine est hectorologue et cartophile depuis plus de quarante ans.
La diffusion du Style Guimard dans les arts décoratifs a t-il été un succès ou échec commercial ? En créant l’album L’Art dans l’Habitation Moderne, le Castel Béranger — ouvrage démonstratif d’une construction synthétisant ses principes : logique harmonie et sentiment — l’architecte pensait-il également que cet album pourrait être utilisé comme catalogue par ses voisins du XVIe ? C’est en tous cas ce que révèle l’aménagement de l’Institution des Marronniers, rue de l’Yvette.
Jérémie Cerman. Hector Guimard et les papiers peints. Jérémie Cerman est professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université d’Artois. Il a notamment publié les ouvrages Le papier peint Art nouveau. Création, production, diffusion (Mare & Martin, 2012), et, sous sa direction, Les années 1910. Arts décoratifs, mode, design (Peter Lang, 2021). En 2024, il a assuré le co-commissariat scientifique de l’exposition « Colosses. Lutteurs, culturistes et costauds dans les arts » (Musée Courbet, Ornans, 1er juin-13 octobre 2024), dont il a également codirigé le catalogue.
Les papiers peints conçus par Hector Guimard pour le Castel Béranger suscitèrent maints commentaires qui témoignent de leur place importante dans la décoration intérieure de l’édifice. Cette intervention reviendra sur les témoignages qui nous sont parvenus de ces réalisations, sur leur réception critique ainsi que sur les quelques autres contextes dans lesquels des papiers peints de Guimard furent employés, ou exposés, autour de 1900.
Maréva Briaud, Cercle Guimard. Le bestiaire fantastique et coloré du Castel Béranger. Maréva Briaud est architecte de formation. Elle est doctorante à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine, sous la tutelle de l’École doctorale d’histoire de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et prépare actuellement une thèse intitulée une thèse sous la direction de Valérie Nègre intitulée « Architecture, artisanat et commerce. La fabrique des façades céramiques polychromes à Paris (1827-1914) ».
Le Castel Béranger d’Hector Guimard, primé au concours des façades de 1898 organisé par la ville de Paris, n’est pas seulement singulier par la pluralité des matériaux employés en maçonnerie ; il l’est aussi par la profusion des chimères qui ornent ses façades. Cette communication tente de dresser un inventaire raisonné du bestiaire du Castel Béranger, oscillant entre figuration et abstraction, inspiré tant de la Nature que de la fantasmagorie du Moyen-Âge.
Isabelle Gournay. Les immeubles de rapport de Guimard vus du dedans : approches comparatives et pistes de recherche. Professeure honoraire à l’École d’architecture de l’ Université du Maryland, Isabelle Gournay a présenté l’an dernier à Chicago une communication sur les logements de Guimard dans leur contexte parisien. Auparavant, en septembre 2021, elle a publié sur notre site un article consacré aux Multiples Auteuils de Guimard.
Nouvelle piste de recherche encore peu explorée, la typologie des surfaces habitables imaginées par Guimard fait l’objet avec cette communication d’un premier bilan incluant la plupart de ses immeubles de rapport. Grâce aux plans des permis de construire (rarement réalisés tels quels) mais aussi grâce à des visites sur place et à des échanges avec des occupants des appartement, cette communication situe la pratique de Guimard dans l’évolution de l’habitat parisien contemporain, mais la compare aussi à des exemples américains qu’il avait pu connaitre lors de voyages aux USA. Des deux-pièces d’immeubles économiques aux appartement de grand luxe de certains programmes, parfois revêtus de façades indifférenciées, elle s’attache à montrer son originalité mais aussi les sacrifices consentis au confort moderne.
Olivier Pons, Cercle Guimard. La maison Coilliot par Hector Guimard, quand un négociant en céramique convoque l’Art nouveau parisien à Lille. Co-auteur de deux livres consacrés à Guimard, Olivier Pons a également publié plusieurs dossiers thématiques consacrés à l’architecte sur le site du Cercle Guimard. Parallèlement à ce travail d’écriture, il poursuit son effort de recherche et de compilation engagé depuis plus d’une décennie sur les productions mobilières et décoratives de Guimard.
La maison Coilliot est le fruit d’une rencontre entre Louis Coilliot, un des principaux négociants en céramique lillois, amateur d’art et de nouveautés et Hector Guimard, l’un des architectes les plus en vue de l’époque, propulsé au devant de la scène artistique et médiatique grâce au chantier parisien du Castel Béranger. En 1897, Louis Coilliot commande à Guimard une construction démonstrative à la fois vitrine publicitaire en rapport avec son commerce mais aussi point d’orgue du projet architectural voulu pour son terrain et débuté quatre ans plus tôt avec la construction de son entrepôt en béton armé Hennebique. Signe que son travail a séduit Louis Coilliot, Guimard poursuit son intervention à l’intérieur du bâtiment en réalisant une partie du décor fixe et en dessinant un des plus beaux mobiliers de sa carrière.
Nicolas Horiot, Cercle Guimard. La toiture de l’hôtel Mezzara : enquête patrimoniale. Nicolas Horiot, architecte DPLG, est président du Cercle Guimard dont il anime infatigablement les activités, en particulier le projet de création d’une entité muséale à l’hôtel Mezzara.
Cet hôtel particulier, œuvre d’Hector Guimard, vice-président de la Société des Artistes Décorateurs et conçu pour l’autre vice-président, a été profondément modifié au fil du temps, s’éloignant de sa configuration d’origine. Cette étude, fruit des recherches du Cercle Guimard, synthétise nos travaux et met en lumière de récentes découvertes décisives pour sa compréhension. Elle s’inscrit dans une démarche de valorisation du patrimoine Art nouveau et propose des pistes de recherches complémentaires.
Elizabeth Cummings et Aimée Laberge. Un métro plus beau à Chicago. Elizabeth Cummings, historienne du design et médiatrice culturelle, était directrice de la médiation au Driehaus Museum, Chicago, jusqu’à tout récemment. Elle est membre du Chicago Sister Cities, Comité Paris-Chicago, qui a été créé à la de suite du pacte d’amitié et de coopération qui unit la Mairie de Paris et la Mairie de Chicago.
Originaire du Québec, Aimée Laberge a été directrice des programmes culturels à l’Alliance Française de Chicago pendant 15 ans. Ce mandat lui a permis de contribuer au rayonnement des cultures francophones et de la langue française au Midwest, et aussi de mettre en place des programmes en partenariat avec la Chicago Architecture Biennale à plusieurs reprises.
Un cadeau de la Ville de Paris à Chicago, l’entrée de métro Art nouveau d’Hector Guimard accueille les passagers du réseau de transport METRA à Grant Park, au cœur de la ville, depuis 20 ans. Des travaux de rénovation de cette station nécessitent la relocalisation de l’entourage Guimard. Cette présentation explore la possibilité d’en faire l’ancre d’un quartier culturel et le portail vers un espace urbain, affecté par la pandémie, à revitaliser. La question se pose alors: Et si Hector Guimard venait flâner à Chicago aujourd’hui… Quelle impression aurait-il de notre quartier ? Quelles suggestions pour en faire un lieu où il fait mieux vivre ensemble ?
Simon Texier. L’édicule A à claire-voie de l’Hôtel de Ville : histoire administrative d’un déplacement étonnamment heureux. Simon Texier est professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université de Picardie Jules-Verne et secrétaire général de la Commission du Vieux Paris. Il a publié de nombreux ouvrages sur l’architecture et l’urbanisme parisiens contemporains, notamment Paris contemporain : une capitale à l’ère des métropoles (2010).
L’installation place des Abbesses, en 1974, de l’édicule A anciennement implanté rue Lobau, à l’arrière de l’Hôtel de Ville, pose une multitude de questions. Le déplacement d’une œuvre n’est jamais innocente, son insertion dans un nouveau contexte lui conférant une autre dimension, quasi muséale. Globalement perçu comme une réussite, cet épisode trahit toutefois les incertitudes et les approximations de la patrimonialisation d’Hector Guimard. Il faut par conséquent revenir en amont, soit à la création du Casier archéologique de la Ville de Paris en 1916, pour tirer les fils d’une histoire administrative aux multiples facettes.
Si vous n’êtes pas parmi les chanceux qui ont pu s’inscrire à temps à cette journée d’étude, vous pourrez profiter de la republication sur notre site de la plupart des articles. Le sujet sur la maison Coilliot à Lille fera même l’objet d’un livre en 2025.
Dans le cadre de l’Année Guimard instituée par la Mairie de Paris, la Commission du Vieux Paris et le Cercle Guimard ont mis sur pied une journée d’étude consacrée à l’architecte. Elle aura lieu le 3 décembre 2024 et se tiendra dans la salle du Conseil de Paris, à l’Hôtel de Ville, 5 rue de Lobau, Paris 4e, de 9 h à 17 h.
Tout au long de la journée, treize spécialistes de Guimard, universitaires ou non, se succéderont pour présenter des actualités sur leurs recherches, mais aussi des analyses. Nous avons veillé à ce que les sujets abordés, d’une durée d’une vingtaine de minutes et entrecoupés de discussions, soient variés et attrayants, savants mais aussi accessibles à tous. Signe de l’intérêt qu’ont toujours porté nos amis nord-américains à l’œuvre de Guimard, deux conférences (dont une transmises par vidéo depuis les USA) seront données par des américaines francophones. D’intéressants parallèles avec les œuvres des architectes contemporains Lavirotte et Sauvage enrichiront également cette journée d’étude.
9h00 INTRODUCTION
9h15 LES ARCHITECTES – 1re partie
L’image d’Hector Guimard : entre fantasmes et réalités par Frédéric Descouturelle, Cercle Guimard.
Guimard et Lavirotte : deux destins parallèles par Olivier Barancy, architecte, Cercle Guimard.
Hector Guimard et le Groupe des architectes modernes : réseaux et stratégies de mobilisation d’un architecte moderne par Léna Lefranc-Cervo, docteure en histoire de l’architecture, université Rennes 2.
10h20 DISCUSSION
10h40 LES ARTS DÉCORATIFS
– Un décor inédit réalisé par Hector Guimard à l’époque du Castel Béranger par Dominique Magdelaine, Cercle Guimard.
– Hector Guimard et les papiers peints par Jérémie Cerman, professeur d’histoire de l’art contemporain, université d’Artois.
– Le bestiaire fantastique et coloré du Castel Béranger par Maréva Briaud, architecte, doctorante en histoire de l’art, université Paris I Panthéon-Sorbonne, Cercle Guimard
11h45 DISCUSSION
14h00 LES ARCHITECTES – 2e partie
– Un métro plus beau à Chicago par Elizabeth Cummings, consultante indépendante et Aimée Laberge, Alliance française de Chicago.
– Hector Guimard et Henri Sauvage : approche comparée par Jean-Baptiste Minnaert, professeur d’histoire de l’art contemporain, Sorbonne-Université.
– Les immeubles de rapport de Guimard vus du dedans : approches comparatives et pistes de recherche par Isabelle Gournay, professeure honoraire, École d’architecture, université du Maryland.
– La maison Coilliot par Hector Guimard, quand un négociant en céramique convoque l’Art nouveau parisien à Lille par Olivier Pons, Cercle Guimard.
15H 20 DISCUSSION
15h 40 PATRIMOINE
– L’édicule A à claire-voie de l’Hôtel de Ville : histoire administrative d’un déplacement par Simon Texier, professeur d’histoire de l’art contemporain, université de Picardie Jule-Verne.
– La toiture de l’hôtel Mezzara : enquête patrimoniale par Nicolas Horiot, architecte, Cercle Guimard.
– Guimard au musée : valoriser l’Art nouveau par Élise Dubreuil, conservatrice du patrimoine, musée d’Orsay.
16h 40 DISCUSSION ET CONCLUSION DE LA JOURNÉE
Vous pourrez retrouver toutes les informations pratiques sur cette page internet.
L’entrée, gratuite, se fait sur réservation, dans la limite des places disponibles. Nous vous conseillons donc de réserver votre place au plus vite.
Pour ce dernier mois de l’année 2024, Le Cercle Guimard vous propose une nouvelle visite guidée :
Ce parcours sera l’occasion d’admirer les décorations de Noël animant les passages couverts et les vitrines des grands magasins !
Les visites guidées sont au tarif unique de 20 euros par personne.
Merci de cliquer sur l’horaire qui vous convient :