En visio-conférence (Zoom), le Bureau étant réuni au Castel Béranger, à Paris dans le 16ème arrondissement, le 27 mai 2021 à 18 h. Lors de cette assemblée, 43 adhérents étaient présents en ligne.
Ordre du jour
À la suite de l’Assemblée Générale Ordinaire du 27 mai 2021, le Conseil d’Administration s’est immédiatement réuni et a reconduit les membres du bureau.
Cette assemblée générale est l’occasion pour le Cercle Guimard, malgré un contexte compliqué, de garder le lien avec ses adhérentes et ses adhérents, de présenter les comptes de l’association et de partager les projets en cours, en particulier, celui du musée Guimard.
Comme l’an dernier, les dispositions des ordonnances prises en application de la loi d’urgence COVID-19 nous le permettant toujours, nous organiserons cette assemblée générale ordinaire, en direct, par internet, le jeudi 27 mai à 18h.
Le lien de la réunion sera envoyé quelques jours auparavant aux adhérents 2021.
Si vous n’êtes pas à jour de cotisation, il est encore de temps de ré-adhérer pour l’année en cours et de participer à l’assemblée (voir plus bas).
Pour des raisons d’organisation, nos adhérents pourront voter en ligne avant l’assemblée, au plus tard le 26 mai, au moyen du formulaire accessible depuis leur espace adhérent. Les résultats du vote seront annoncés en séance.
À très bientôt, sur Internet !
Le bureau du Cercle Guimard
Votre numéro d’adhérent est mentionné sur la carte qui vous a été adressée lors de votre renouvellement de cotisation, envoyée par h.madoui@lecercleguimard.fr, le Trésorier en charge des adhésions.
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Les années 1960 constituent une période déterminante pour la sauvegarde du patrimoine Art nouveau vieux de plus d’un demi-siècle. C’est à cette époque que les premières constructions de ce mouvement sont protégées au titre des monuments historiques. Si l’historiographie a déjà mis en lumière l’action des surréalistes dans la redécouverte du patrimoine art nouveau dans les années 1930[1], l’entre-deux-guerres est une période où se multiplient aussi les tentatives d’identification et de préservation. C’est tout un réseau d’historiens, de critiques d’art et d’architectes qui se mobilise afin de tenter la sauvegarde de ce patrimoine encore méprisé, révélant ainsi une conscience patrimoniale précoce.
Louis Bonnier au Casier archéologique : une démarche pionnière
L’inventaire patrimonial parisien entrepris par le Casier archéologique à partir de 1916 marque le premier moment de la protection du patrimoine architectural Art nouveau. Le Casier archéologique, créé à l’initiative de l’architecte Louis Bonnier et de l’historien Marcel Poëte, est rattaché à la Commission du Vieux Paris.
Il s’agit d’une démarche pionnière d’inventaire exhaustif des richesses patrimoniales, archéologiques et artistiques de la Ville de Paris[2]. L’enregistrement au casier ne constitue pas une servitude légale bien que Louis Bonnier tente d’intégrer le Casier aux procédures d’autorisation de travaux gérées par les services de la Ville de Paris. Le Casier ne se donne pas de limites chronologiques et enregistre alors des édifices très récents. Ce sont plusieurs immeubles d’Hector Guimard, de Jules Lavirotte et de Charles Plumet qui sont ainsi sélectionnés. D’Hector Guimard, on peut citer le Castel Béranger[3] du 14 rue La Fontaine, la synagogue du 10 rue Pavée[4] et le lot d’immeubles des rues Agar, Gros et La Fontaine[5] ainsi que deux entrées du métropolitain[6]. De Lavirotte, sont enregistrées l’immeuble du 29 avenue Rapp[7], l’immeuble du 23 avenue de Messine[8] et l’hôtel particulier du 12 rue Sédillot[9]. Enfin, le Casier ne désigne pas moins de six constructions de Charles Plumet[10].
Il s’agit d’un acte d’identification précurseur alors que les édifices considérés ont seulement une vingtaine d’années d’ancienneté. Ce choix paraît d’autant plus audacieux qu’à cette époque de l’immédiat après-guerre, l’Art nouveau connait un important discrédit. La critique raille la profusion ornementale et les courbes considérées comme « bizarres » du « Modern style ». De plus, on l’associe alors de façon récurrente avec l’art allemand, ce qui achève de jeter l’opprobre sur ce style que seuls quelques historiens et critiques d’art tels qu’Emile Bayard[11] trouvent à défendre. Cependant, la plaidoirie en faveur de l’Art nouveau ne se fait à l’époque jamais sans un « mais ». Fallait-il alors que les contacts entre le Bureau du Casier et les architectes soient forts pour qu’une initiative de ce type soit engagée. Lui-même représentant de l’Art nouveau parisien, Bonnier mène une carrière officielle dans les services d’architecture de la Ville de Paris. Personnalité installée dans le milieu artistique et sur la scène architecturale, il a été membre du jury de l’Exposition Universelle de 1900 et, de plus, a été l’architecte de la transformation de l’incontournable galerie L’Art nouveau de Siegfried Bing en 1895. En 1922, tout comme son ami Charles Plumet, il est membre fondateur de la Société des Architectes Modernes dont Hector Guimard est vice-président.
26 février 1938- Le rapport de Charles Fegdal (1880-1944) à la Commission du Vieux Paris
Cette entreprise de préservation ne restera pas vaine. C’est encore à la Commission du Vieux Paris que l’on doit, une quinzaine d’années plus tard, de réaliser un pas de plus dans la conservation de l’architecture 1900. Lors de la séance du 26 février 1938, l’historien et critique d’art Charles Fegdal-Mascaux présente à la Commission du Vieux Paris un rapport intitulé « Valeur historique et conservation de vestiges architecturaux et décoratifs de la période 1890-1910 (Art 1900)[12] ». Il rappelle que « l’histoire et la beauté ne s’arrêtent pas à 1910, pas plus qu’elles ne s’arrêtent au 19ème siècle, pas plus qu’elles ne s’arrêtent à hier et à aujourd’hui. Et c’est avec raison que la Commission du Vieux Paris a été créée dans le but de sauvegarder le passé, sans désignation précise de date. ». Défendant alors ce qu’il considère être le devoir de la Commission, née précisément « au moment où venait de surgir un art résolument neuf, un art qui — pour compliqué et boursoufflé qu’il ait d’abord pu paraître — doit cependant prendre date dans l’histoire générale de l’art français, spécialement dans l’histoire de l’architecture à Paris[13] ».
L’appel d’offres pour l’hôtel Mezzara vient d’être publié. Le 4 mars, l’État a proposé un bail emphytéotique administratif de valorisation, ouvert à tout candidat français ou étranger. La durée du bail est fixée à 50 ans.
Dès l’automne 2015, le Cercle Guimard s’était mobilisé : il agit depuis lors pour que cet hôtel particulier Art nouveau de l’ouest parisien accueille un musée dédié à l’œuvre d’Hector Guimard. Depuis 2018, ce projet est porté par un investisseur privé, passionné, à même de relever cet enjeu culturel en partenariat avec le Cercle.
Les contacts nationaux et internationaux ainsi que les nombreux encouragements reçus ces dernières années ont assis notre ambition.
Notre équipe est naturellement et logiquement candidate.
Après avoir évoqué la naissance et les premiers projets de la collaboration entre l’architecte et les Nozal – notamment grâce au rôle joué par Paul, le fils ainé de la famille – nous consacrerons cette seconde partie à la nature de l’association entre Hector Guimard et Léon Nozal, la suite des réalisations, les conséquences du décès de ce dernier et le procès des années 1930.
Nos lecteurs ont été nombreux à réagir à la suite de la publication de la première partie de ce dossier. Nous souhaitons les remercier pour leurs messages de sympathie et d’encouragement. Le premier article a déjà été enrichi et mis à jour. Il continuera à l’être au gré de nos découvertes et des informations transmises par nos lecteurs.
Les liens étroits tissés entre Guimard et la famille Nozal ont déjà permis au début des années 1900 la réalisation de plusieurs constructions tant professionnelles que familiales. L’architecte semble avoir eu une certaine liberté pour y appliquer ses théories même si nous savons maintenant qu’il a dû tenir compte de certaines demandes et préférences de la part de la famille. Malgré ces quelques contraintes qui ont certainement dû brider les ardeurs de Guimard (et parfois même le contrarier…), il parait évident que cette collaboration n’aurait pu voir le jour sans un goût prononcé des Nozal pour les idées nouvelles que Paul, le fils ainé, s’est employé à diffuser au sein de la famille. D’ailleurs son décès n’entamera pas la volonté des Nozal de continuer à s’offrir les services de Guimard. Mais cette conversion à une architecture novatrice n’est pas si évidente et apparait relativement soudaine si l’on considère les autres architectes employés précédemment par la famille.
Jusqu’à la fin des années 1890, Léon Nozal a fait appel principalement à son beau-frère (Antoine) Léon Le Thorel (1842-1899), marié à sa sœur Hélène-Blanche (1851-1930)[1], pour construire sur les nombreux terrains dont il était propriétaire dans le XVIe arrondissement de Paris notamment rue Gros et avenue de Versailles. A son décès, un autre architecte Charles (Victor) Blanche (1863-1937) qui demeurait à proximité, avenue Ingres, dans un immeuble dont il était l’auteur, a poursuivi l’édification des immeubles sur ces deux axes jusqu’en 1901. Malgré une utilisation intéressante du bow-window et l’emploi de quelques éléments décoratifs Art nouveau, l’architecture sobre de Blanche contraste fortement avec les constructions à venir de Guimard. La seule exception notable est le bâtiment qu’il a réalisé en 1911 quai de Passy (aujourd’hui quai Louis Blériot) pour le frère de Léon, le peintre Alexandre Nozal, sur lequel nous nous arrêtons un instant.
Cette construction qui est toujours en place est de style composite tout en étant moderne. L’artiste souhaitait une orientation vers l’ouest pour « jouir librement du spectacle toujours renouvelé du coucher du soleil » et un bâtiment au plus près de la Seine pour bénéficier de la vue sur l’aval du fleuve et ses rives ainsi que sur les coteaux de Meudon et de Sèvres (ce qui était sans doute vrai à l’époque !).
Pour une dépense totale de 110 000 francs et comme l’attestent les plans du bâtiment, l’architecte Charles Blanche s’est acquitté avec brio du programme. Il place les pièces principales au second étage en enfilade : la salle à manger ouvrant sur un impressionnant péristyle arrondi porté par une succession de consoles puis le salon et enfin l’atelier du peintre logé dans le pignon dont l’aspect joue à rappeler celui des pignons à redents (ainsi que ceux du Castel Béranger…). Les niveaux inférieurs sont quant à eux réservés aux chambres et aux espaces de service. La décoration de l’ensemble est relativement discrète. Un motif en damier placé en guise de corniche est une touche moderne reprise sur les architectes de la Sécession viennoise. Enfin Blanche a fait appel au sculpteur Louis (Henri) Léothaud pour décorer discrètement les façades au moyen de motifs naturalistes empruntés au citronnier[2].
On peut s’interroger sur cette infidélité à Guimard. Plutôt qu’une brouille passagère, nous pensons que l’architecte était occupé en ce début de décennie par de nombreux projets : son propre hôtel de l’avenue Mozart, le groupe d’immeubles modernes ou encore l’hôtel Mezzara rue La Fontaine…
À l’exception de ce bâtiment, la famille ne fera plus appel après 1901 et jusqu’au décès de Léon Nozal en 1914 – sauf pour des projets secondaires – à d’autres architectes que Guimard.
L’association entre Léon Nozal et Hector Guimard
C’est en effet en 1901 que le contrat d’association entre l’architecte et Nozal a été établi. Cette convention a été matérialisée par un échange de lettres entre les deux hommes qu’il nous a semblé important de reproduire dans son intégralité car il pose les bases de leur future relation d’affaires. Il constitue également la preuve principale dont se prévaudra Guimard en 1933 pour assigner en justice Mme Nozal et sa fille.
Grâce à ce procès qui fera jurisprudence nous connaissons la teneur de cette correspondance[3].
Le 7 juin 1901, Guimard rédige une lettre à l’attention de « M. Nozal, propriétaire, 7 quai de Passy à Paris », dans les termes suivants :
« Pour la bonne règle, je vous confirme notre entente relative à nos projets d’affaires immobilières, c’est-à-dire que je vais rechercher les terrains qu’il sera possible d’acquérir dans des conditions exceptionnelles afin de les revendre ou de construire dessus pour la revente du tout ; toutes ces affaires une fois discutées entre nous et approuvées par vous seront laissées à ma direction afin d’en poursuivre la réalisation dans les meilleures conditions possibles ; vous ferez toutes les avances d’argent et mes honoraires seront représentés par un tiers des bénéfices que donneront ces affaires ; pour débuter, je vous laisse le terrain de Cabourg, qui m’a été adjugé hier. Nous allons maintenant poursuivre la vente des terrains de Perrichont. Votre bien dévoué, Hector Guimard. »
Le 10 juin 1901, Nozal père y répond :
« J’ai l’avantage de vous accuser réception de votre lettre du 7 juin, au sujet de laquelle je suis parfaitement d’accord. L. Nozal. »
Les termes étaient explicites : Léon Nozal avançait les fonds des opérations immobilières tandis que les bénéfices en résultant étaient partagés entre les deux hommes, la partie dévolue à Guimard (un tiers) constituant ses honoraires. Dans le jugement du tribunal, la seule opération immobilière qui parait concernée par cette affaire semble être le groupe d’immeubles de la rue moderne. Aucune allusion n’est faite aux deux adresses évoquées par Guimard dans son courrier car ces deux emplacements vont connaitre des utilisations qui n’entrent pas dans le périmètre commercial prévu entre les deux hommes : Cabourg deviendra la résidence secondaire des Nozal tandis que sur les terrains de l’avenue Perrichont prolongée dans le XVIe arrondissement de Paris, seront bientôt construits les ateliers de Guimard.
Les Ateliers d’Art et de Fabrication
Jusqu’en 1903, Guimard ne disposait que d’un atelier rue Wilhem[4], sorte d’annexe ouvrière de son agence du Castel Béranger. Mais il ne s’agissait que d’une première étape. L’architecte voulait aller plus loin et entendait disposer de nouveaux ateliers. Il ambitionnait de fonder « Les Ateliers Guimard », seul outil qui lui permettrait de garantir son indépendance artistique et la maitrise de l’ensemble des processus de fabrication.
Sur un terrain acquis en 1901 par Léon Nozal, les travaux se sont achevés au plus tard début 1904. C’est à cette date que le peintre d’origine roumaine Nicolas Gropeano (1863-1936)[5] s’y est installé avec sa famille. Guimard avait en effet prévu dès l’origine qu’un « hôtel d’artiste » constituerait une partie du complexe de l’avenue Perrichont certainement en vue de procurer à son propriétaire des revenus locatifs. La famille Gropeano sera l’unique locataire des lieux jusqu’en 1940, date à laquelle nous perdons sa trace.
L’architecte a probablement commencé à occuper professionnellement cet ensemble dès la fin de l’année 1903 puisqu’il communique sur son existence à l’Exposition de l’Habitation qui se tient au Grand Palais des Champs-Elysées du 30 juillet au 15 novembre 1903[6].
Nous ne reviendrons pas en détails sur cette réalisation de Guimard qui a déjà fait l’objet d’une étude approfondie à l’occasion de l’exposition organisée par Le Cercle Guimard à l’hôtel Mezzara en 2017[7]. Nous en rappellerons simplement les grandes lignes.
Aucune vue d’ensemble du complexe de l’avenue Perrichont prolongée n’est pour l’instant parvenue jusqu’à nous. La photographie du fonds Richard ci-dessous reste à ce jour le document le plus complet auquel il faut ajouter quelques parties de bâtiment apparaissant incidemment sur certaines cartes postales d’époque.
D’autres photos montrant la famille Gropeano posant à l’arrière du bâtiment ou dans le jardin révèlent quelques détails supplémentaires mais leur cadre trop resserré nous empêche d’en apprendre davantage.
Les huit plans du permis de construire conservés aux archives de la ville de Paris constituent donc la seule source permettant de décrire correctement l’édifice.
Guimard avait prévu dès l’origine les deux fonctions de cet ensemble compact : une partie résidentielle destinée à accueillir les espaces privatifs du peintre et de sa famille – l’hôtel d’artiste – étroitement imbriquée avec la partie professionnelle destinée à son propre usage – les Ateliers d’Art et de Fabrication.
La façade sur rue de forme asymétrique abritait à chacune de ses extrémités l’entrée de l’hôtel à gauche (le n° 8 de l’avenue Perrichont prolongée) et celle de ses ateliers (le n° 6). Elle était faite d’un appareillage irrégulier de moellons et de briques et d’ouvertures de tailles et de formes très différentes. Malgré ce désordre apparent, la façade fonctionnait comme un écran parvenant à donner une unité architecturale à cet ensemble immobilier hétérogène.
Pour la partie professionnelle, les ateliers Guimard regroupaient les bureaux de conception et de fabrication ayant trait à la construction, à la décoration, à l’ameublement et à la création d’objets d’art. De vastes espaces équipés de verrières semblaient destinés à accueillir l’atelier d’ébénisterie tandis que de grandes tables étaient disposées le long des murs pour permettre aux dessinateurs d’exécuter les plans échelle grandeur. Un second bâtiment de plan « carré » accolé au premier était construit sur un sous-sol destiné au « stockage des modèles » — en plâtre, en bois — et à l’« atelier de moulage ». Cet espace avait la particularité d’être projeté à l’extérieur du volume bâti pour gagner en hauteur et bénéficier ainsi de la lumière naturelle.
Opérationnels en 1904, les ateliers Guimard vont permettre à l’architecte de poursuivre et d’amplifier la bataille engagée pour la rénovation de l’architecture et des arts décoratifs tandis que leur propriétaire, Léon Nozal, pourra en partie rentabiliser son investissement au moins grâce à la location du peintre, les termes de l’accord permettant à Guimard d’occuper les lieux ne nous étant pas connus précisément.
Après plusieurs modifications et agrandissements durant les décennies suivantes, l’ensemble de l’avenue Perrichont sera définitivement rasé au début des années 1960.
Mais pour l’heure, un autre projet — en dehors de Paris et familial celui-ci — va bientôt retenir toute l’attention de l’architecte.
La villa de Cabourg
Le terrain de Cabourg où sera construite la résidence secondaire des Nozal a donc été acquis par Guimard le 6 juin 1901 au nom de Léon Nozal, une région que l’architecte connaissait bien car il avait terminé peu de temps avant une autre villa, La Bluette, à Hermanville-sur-Mer.
Est-ce à nouveau la Normandie que visitent Paul Nozal et Hector Guimard au mois de juillet 1901 ? Grâce à plusieurs lettres conservées par la famille et écrites par la grand-mère de Paul, Louisa, on apprend que son petit-fils est en voyages accompagné de « l’excellent Guimard »…
D’autres indices nous aident à formuler quelques hypothèses pour expliquer ce choix de Cabourg.
Dans son témoignage[8], Anne de Leseleuc précise que Paul Nozal fréquentait la jeunesse dorée de Cabourg à une époque où la petite cité normande profitait de l’engouement — notamment parisien — pour le tourisme balnéaire.
Ce goût pour les rivages normands lui a peut-être aussi été transmis par son oncle Alexandre Nozal qui a peint à plusieurs reprises Cabourg et ses environs dans les années 1890[9].
À moins que ce ne soient les affinités littéraires de Marguerite Nozal… ? On apprend en effet dans le même récit la passion de Marguerite Nozal pour Marcel Proust (1871-1922). L’écrivain était voisin de la famille Nozal dans le XVIe arrondissement de Paris, un quartier qu’il connaissait bien pour y être né et y avoir grandi[10]. Même si en 1901, Cabourg n’était pas encore le « Balbec » imaginaire de son grand œuvre, À la recherche du temps perdu[11], on sait que Proust y avait apprécié un premier séjour au début des années 1890 et qu’il y faisait régulièrement allusion[12]. Par ailleurs Proust fréquentait à Auteuil le peintre Jacques-Émile Blanche (1861-1942) qui réalisa en 1892 un de ses plus célèbres portraits conservé aujourd’hui au musée d’Orsay.
Or Guimard connaissait bien Jacques-Émile Blanche puisque le peintre lui avait confié au début de l’année 1898 la décoration d’une partie de la demeure familiale située au sein de sa propriété d’Auteuil, rue de l’Yvette[13]. Il n’est donc pas impossible que par l’intermédiaire des liens de Guimard avec Blanche la famille Nozal connaissait déjà Proust à la fin du XIXe siècle.
Après le décès de son fils Paul en 1903, Marguerite Nozal semble avoir eu à cœur de mener à bien le chantier de leur résidence secondaire, un projet qu’ils portaient certainement tous les deux. Plusieurs anecdotes dont nous parlerons un peu plus loin vont dans le sens d’une implication certaine de Mme Nozal dans la villa de Cabourg.
Cette construction s’est faite en deux temps : une première villa appelée Le Chalet Blanc est édifiée au milieu des années 1900 avant d’être agrandie à la fin de la même décennie pour devenir La Surprise.
Le cadastre semble accréditer l’idée que la construction de la villa est déjà bien avancée en 1903 puisque l’emplacement du Chalet blanc y figure clairement[14].
Dans sa première version, la villa de Cabourg était une construction remarquable par son style mais de dimensions relativement modestes et finalement assez peu en accord avec le statut social des Nozal. Il est donc tout à fait possible que Guimard ait prévu dès l’origine un agrandissement futur et que l’empressement des Nozal à disposer d’un pied à terre normand au milieu de la décennie l’ait conduit à édifier une première version de l’édifice. Cette hypothèse est confortée par l’examen des photos du bâtiment en construction. La façade nord de la villa se prolonge par un mur avec une fenêtre — inutile à cet instant car donnant dans le vide — semblant augurer les modifications à venir qui se concentreront sur les façades sud et ouest. Cette dernière parait d’ailleurs terminée, ne bénéficiant pour l’heure que d’une petite fenêtre et d’un décor très simple.
Par bien des aspects, Le Chalet Blanc/La Surprise peut être considéré comme un condensé du génie « guimardien ». Libéré des contraintes urbaines, l’architecte n’a jamais autant brillé que dans l’édification des villas et castels construits sur terrain libre. Avec ses façades arrondies, ses toits enveloppants et ses gerbes de bois blanc, la villa présentait une silhouette étonnante dans son environnement. Pourtant le résultat est harmonieux : Guimard a construit un édifice léger, presque aérien, posé en partie sur des colonnes, avec pour seul décor le bois peint et l’emploi alterné de la brique et de la meulière ornées de quelques galets rappelant la mer toute proche[15]. L’utilisation de ces matériaux simples et économiques a aussi permis à Guimard de souligner les différents volumes de l’édifice, le tout chapeauté par une toiture spectaculaire. Cette dernière partie, une des plus intéressantes de la villa, a été reconstituée en maquette. Nous en profitons pour remercier chaleureusement son auteur qui a accepté de partager son travail.
Les trois vues de la maquette ci-dessous illustrent le travail de l’architecte pour délimiter les différentes parties du bâtiment. Une succession mouvementée d’arêtes et de pentes rythment la toiture dont un pan étroit surmonté d’une lucarne plonge jusqu’au balcon du premier niveau pour venir l’abriter.
La vue aérienne de la maquette fait apparaitre le nombre élevé de surfaces gauches qui ont rendu possible cette réalisation.
Cette apparente complexité cache pourtant une quasi-symétrie. La toiture apparait alors comme une réduction de celle de l’hôtel Nozal, reprenant la formule des trois axes : un axe central duquel partent deux autres axes en direction des deux avancées principales.
Guimard a donc probablement bénéficié d’une liberté presque totale pour cette réalisation mais il semblerait que ses ardeurs aient été tempérées par Marguerite Nozal en personne. Plusieurs anecdotes extraites des souvenirs de Simone Raffin, née Pézieux[16] sont la preuve d’une implication importante dans le projet. On apprend ainsi qu’elle venait à l’improviste surveiller l’avancée du chantier et qu’à l’occasion d’une de ces visites, Marguerite Nozal fût très « surprise » de voir sa villa reposer sur autant de colonnes. Elle stoppa net Guimard dans son élan qui dût en supprimer au moins une… Cherchant à imprimer sa marque sur la décoration du bâtiment, c’est aussi à Marguerite Nozal que l’on doit les coquillages ornant certaines façades.
Nos recherches ne nous ont pas permis pour l’instant de retrouver les plans de la villa mais le récit de Simone Raffin nous apprend une information intéressante sur la disposition du bâtiment qui ne comportait pas d’étage proprement dit mais une série de petits paliers. Avec beaucoup d’amusement, l’auteure évoque d’ailleurs une construction certes originale mais qui n’était pas forcément adaptée au climat normand… Les travaux qui ont transformé Le Chalet Blanc en La Surprise quelques années plus tard ont certainement servi à corriger certains défauts de jeunesse mais ils ont surtout consisté à agrandir le bâtiment.
À l’instar du Chalet blanc, sa première version, nous avons reculé la date de ce chantier — souvent donné en 1907 — qui n’a probablement pas eu lieu avant 1909[17]. Là encore nous avons consulté un grand nombre de cartes postales d’époque illustrées de La Surprise : aucune d’entre elles n’a voyagé avant 1911. À la faveur de ces transformations, le bâtiment a gagné plusieurs pièces. Les modifications les plus visibles se concentraient sur les façades nord et sud et l’on remarque l’ajout d’un petit cagibi suspendu reliant le porche d’entrée au corps principal du bâtiment.
À l’arrière du bâtiment, les Nozal se réunissaient parfois dans le jardin le temps d’une photo de famille. Le cliché ci-dessous a certainement été pris après 1910 car l’on distingue en arrière-plan l’auvent de la façade arrière de La Surprise ajouté lors de son agrandissement mais avant 1914, date du décès de Léon Nozal.
Les clichés de l’intérieur de la villa ci-dessous montrent une décoration simple dont le caractère rustique est renforcé par la présence des poutres apparentes aux plafonds. Un mobilier fonctionnel en rotin cohérent avec le statut de maison de campagne occupe les espaces.
Les interventions de Guimard se limitent à quelques boiseries dont les courbes simples mais facilement reconnaissables viennent adoucir les angles des pièces et les plafonds, délimitant les différents volumes du rez-de-chaussée. Tout comme les lambris que l’on aperçoit en partie basse des murs courant le long de la pièce et les pochoirs au plafond, probablement en couleurs, qui devaient sans doute contribuer à égayer l’ensemble.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la partie supérieure de la maison a été démolie pour la transformer en plateforme sur laquelle a été installée une rampe de DCA devenue très vite une cible de choix pour les troupes alliées[18]… Sur les photos aériennes prises dans les années 1950, une partie des fondations et quelques tas de pierres indiquent encore vaguement l’emplacement de La Surprise.
Le seul bâtiment de la propriété ayant survécu au conflit est une dépendance qui accueillait le garage au rez-de-chaussée — ainsi que probablement le logement du gardien au premier étage — donnant sur la rue opposée, à l’extrémité sud du terrain. Bien que transformée dans sa partie inférieure, cette construction est toujours visible aujourd’hui avec sa toiture en auvent caractéristique du style de Guimard.
L’ancien président du Cercle Guimard Jean-Pierre Lyonnet avait réussi à reconstituer la dépendance telle qu’elle devait se présenter à l’époque.
À l’exception de cette petite construction qui n’en reste pas moins une dépendance, tous les bâtiments dont nous avons parlé jusqu’à présent ont connu le même sort. Heureusement une autre réalisation de Guimard liée à la famille Nozal a connu un destin moins mouvementé. Même si elle n’a pas été commandée directement par les Nozal, c’est par leur intermédiaire qu’elle a été construite. C’est pourquoi nous l’avons intégrée à cet inventaire.
Le Castel Val
Georges (Jules) Chanu (1853-1928), beau-frère de Léon Nozal, a été le commanditaire de la maison de campagne qu’il a faite construire dans le quartier de Chaponval à Auvers-sur-Oise (et non Louis Chanu qui n’a probablement jamais existé mais qui est souvent cité par erreur à sa place[19]). L’édifice a été achevé au plus tard durant le premier trimestre de l’année 1904 car un fait divers mentionne son existence au début du mois d’avril. Son propriétaire venait en effet de constater le pillage de sa demeure[20]…
Cette maison coquette édifiée à flanc de coteau n’est inscrite au titre des monuments historiques que depuis décembre 2006. Restaurée il y a quelques années, elle continue à être bien entretenue. Le bâtiment principal a été repoussé par Guimard en bout de parcelle pour libérer le terrain. Deux parties principales se dégagent de la construction : à l’avant, dominant la vallée, la façade arrondie abrite les espaces de vie avec au rez-de-chaussée, le salon/salle à manger et dans les étages les chambres et la salle de bains. À l’arrière, se servant des différences de niveaux propres au terrain, l’architecte est parvenu à organiser les espaces de service par un astucieux jeu de volumes s’intégrant parfaitement à la colline. Fidèle à ses idées, Guimard a employé différents matériaux pour les façades — ici le moellon en calcaire et la brique — qui viennent à nouveau souligner la structure. Mais à la différence d’autres réalisations contemporaines du Castel Val comme La Surprise à Cabourg ou Le Castel d’Orgeval à Villemoisson-sur-Orge, il a préféré cette fois-ci utiliser le métal plutôt que le bois : plusieurs poutrelles métalliques apparentes viennent soutenir autant que décorer le porte-à-faux de l’arrondi sur la façade avant.
La propriété a fait l’objet d’une deuxième campagne de travaux en 1911/1912 exécutée par l’architecte Eugène Daubert (1847-1938) qui a concerné à la fois l’aménagement du terrain (murs, canalisations) et des communs (écuries, cave, remise) ainsi que la construction d’un logement pour le jardinier[21].
Guimard n’est donc pas intervenu sur cette partie du chantier qui n’a d’ailleurs probablement pas concerné le bâtiment principal mais il a en revanche certainement fourni au même moment les vitraux qui ornent les impostes des fenêtres au rez-de-chaussée.
En effet le dessin de ces vitraux ne nous est pas inconnu puisqu’il nous rappelle celui d’un autre bâtiment dont Guimard achève la décoration au même moment…l’hôtel Mezzara !
Le mobilier Chanu
Vers 1903-1904, Guimard a dessiné les meubles pour au moins deux pièces du Castel Val : le salon et la salle à manger. Ils étaient donc destinés à une maison de campagne qui était aussi une résidence secondaire (au moins durant les premières années). Ce mobilier non daté et signé, plus épuré que celui dessiné par l’architecte fin XIXe/début XXe siècle n’en est pas moins remarquable et peut être considéré comme un mobilier de transition. Par rapport aux meubles de la période précédente caractérisés par une arborescence foisonnante (et parfois gratuite), des lignes plus épaisses et un style exclusivement abstrait, les courbes sont ici simplifiées, gagnant en élégance, tandis que les motifs se font plus naturalistes. Comme si la tige concédait un peu de place à la fleur…
Les sculptures sont à la fois plus précises et plus fines, un résultat rendu possible par l’emploi du bois de poirier que Guimard utilisera majoritairement par la suite. Cette évolution stylistique est particulièrement remarquable (et réussie) sur le fauteuil conservé au musée d’Orsay dont le galbe enveloppant dessine la silhouette. Le dossier s’incline légèrement vers les accoudoirs qui semblent jaillir de la matière sans ruptures. Enfin des petits bourgeons stylisés (ou des fruits ?) font discrètement leur apparition en venant souligner le mouvement final des sculptures.
Ce mobilier constitue donc une étape importante dans l’évolution stylistique de Guimard car il adopte certains principes et certaines caractéristiques qui vont définir le Style Guimard en matière d’ébénisterie durant toute la décennie suivante.
Ces ensembles ont peut-être été parmi les premiers à être entièrement conçus dans les ateliers Guimard de l’avenue Perrichont prolongée. Quasiment complets et encore à leur emplacement d’origine dans les années 1960, ils ont été dispersés peu de temps après à la faveur des évènements familiaux et de la redécouverte de Guimard. Une partie de ceux-ci étaient conservés dans l’extraordinaire collection assemblée par Wolfgang Ferdinand Neess (1929-2020) et présentée depuis 2019 dans la nouvelle aile du musée de Wiesbaden en Allemagne construite pour l’occasion.
Provenant du salon du Castel Val, un canapé, une petite table, un fauteuil et un repose-pied ont été identifiés.
De la salle à manger, sont parvenues jusqu’à nous une table et six chaises[22]. Un buffet dont nous retrouvons la trace dans nos archives devait logiquement compléter cet ensemble mais n’a pas encore été localisé. La famille s’en était peut-être séparée avant les années 1960.
Enfin une splendide cheminée occupait le mur entre le salon et la salle à manger. Au moment de la suppression de cette séparation, elle a été déposée et a rejoint les collections du musée de Toledo aux États-Unis.
Le groupe d’immeubles modernes
Ce sujet qui traite de l’activité de promotion immobilière déployée par Guimard a été largement étudié dans les ouvrages de référence[23]. Nous n’y reviendrons donc pas en détails mais en rappellerons simplement les grandes lignes.
Le groupe d’immeubles modernes des rues La Fontaine, Agar et Gros a connu une gestation assez lente puisque les premiers plans de Guimard remontent à 1906 et l’inauguration des immeubles à la fin de l’année 1912[24].
Ce projet de grande ampleur a été construit sur des terrains appartenant à Léon Nozal (pour certains depuis 1889) par l’intermédiaire de la Société immobilière de la rue Moderne, dans laquelle outre Guimard et Nozal père on trouvait Edouard Oppenheim, le beau-père de l’architecte.
Entre-temps en 1908, Léon Nozal avait missionné Guimard pour expertiser l’ensemble « des propriétés appartenant à Monsieur Nozal tant à Paris qu’en province ». Nous en gardons la trace grâce au reçu conservé dans les archives familiales en règlement des honoraires de l’architecte.
Seuls six immeubles sur les onze projetés ont été réalisés. Il est certain que le décès de Léon Nozal en 1914 puis la Première Guerre mondiale ont stoppé net cette belle entreprise, la société constructrice n’ayant jamais retrouvé la capacité financière pour achever l’ensemble du projet au lendemain du conflit. Les conséquences de cet arrêt ont poursuivi Guimard jusqu’au milieu des années 1930.
Le décès de Léon Nozal
Léon Nozal s’est éteint le 15 août 1914 à huit heures du matin dans son hôtel de l’avenue du Ranelagh. La disparition de son associé s’est ressentie sans tarder sur la carrière de Guimard en le privant d’un de ses principaux clients mais aussi et surtout de son outil de travail. À la fin de l’année 1918, il doit sans tarder « débarrasser » les ateliers de l’avenue Perrichont qu’il avait dû fermer au début du conflit pour des raisons économiques. Il sollicite auprès de Paul Léon, directeur des bâtiments civils au Ministère des Beaux-Arts, la mise à disposition de quatre hangars adossés à l’ancienne orangerie du domaine de Saint Cloud. La demande est envoyée sur une lettre à en-tête qu’il a probablement dictée à sa secrétaire[25] puisque l’on ne reconnait pas son écriture.
Faute d’informations plus précises, il est difficile de reconstituer la chronologie des évènements qui ont conduit Guimard à quitter l’avenue Perrichont. Sa lettre à Paul Léon intervient seulement quelques jours après la signature de l’armistice sur un ton qui traduit un sentiment d’urgence… Les relations de l’architecte avec la famille Nozal s’étaient-elles à ce point détériorées pour qu’il doive quitter aussi précipitamment les lieux ? Pourquoi Guimard n’a-t-il pas trouvé un terrain d’entente qui lui aurait permis de conserver les ateliers Perrichont au moins en attendant que les affaires redémarrent ? C’est d’autant plus étonnant que le peintre Nicolas Gropeano est lui admis à rester dans l’hôtel d’artiste avec sa famille. Il est aussi possible que les héritières Nozal aient voulu mettre de l’ordre dans leurs affaires. D’ailleurs elles se désengageront de l’entreprise familiale en vendant leurs parts au début des années 1920.
À l’inverse de son activité d’architecte qu’il poursuivra encore pendant une quinzaine d’années, la fermeture définitive des ateliers Perrichont a signé la fin des travaux de Guimard (ou presque) dans le domaine mobilier[26]. Si l’on considère l’importance qu’attachait l’architecte à cette activité, c’est donc tout un pan de son activité professionnelle qui s’arrête.
Guimard a-t-il tenté de relancer cette activité au début des années 1920 ? On pourrait le penser à la lecture de la petite annonce qu’il a faite publier au mois d’août 1921[27] :
« Dessinateur meubles, habile et compétent, est demandé : 122, Avenue Mozart, Paris » …
Le procès des années 1930
L’architecte attendra l’année 1933 pour assigner en justice les dames veuve Nozal et veuve Pézieux, sa fille, s’estimant lésé financièrement dans l’affaire du groupe des immeubles modernes[28]. S’appuyant sur l’échange de lettres officialisant leur association en 1901 (voir plus haut), il réclamait 120 000 francs aux héritières Nozal « à titre des dommages-intérêts représentant les bénéfices auxquels il prétend avoir droit en raison de ces conventions ».
Dans sa décision du 5 janvier 1936 — qui fera jurisprudence — le Tribunal civil de la Seine a débouté Guimard de ses prétentions arguant que le contrat passé entre l’architecte et Nozal père était un « contrat d’association en participation » et non un « contrat de mandat ». Le décès de Léon Nozal en 1914 avait donc mis fin à cette association. En vertu de cette dissolution, Mme Nozal et sa fille n’étaient donc pas tenues de continuer cette association… Pied de nez ou petite vengeance de la part des héritières Nozal, l’hôtel de la rue du Ranelagh est transformé peu de temps après. Mais c’est aussi en 1937 que la chambre Pézieux-Nozal est donnée aux Arts décoratifs, preuve que la famille avait malgré tout conscience de la valeur patrimoniale d’un tel ensemble.
Cette décision du tribunal est intervenue dans une période difficile pour Guimard. Même s’il participe encore aux travaux de la Société des Architectes Modernes[29], il ne construit plus, se contentant d’exposer à l’occasion de rétrospectives sur l’« Art 1900 ». L’affaire du groupe des immeubles modernes a sans doute assombri un peu plus la fin de sa carrière à une époque où son couple ne possède plus les moyens financiers qu’il avait avant la Première Guerre mondiale ou même dans les années 1920.
Son état de santé semble s’être détérioré à compter du milieu des années 1930 et c’est malade qu’il rejoindra en 1938 les États-Unis pour y passer les dernières années de sa vie.
Conclusion
Après avoir permis quelques-unes des réalisations architecturales et mobilières parmi les plus remarquables de la carrière de l’architecte, les relations entre Guimard et la famille Nozal ont donc connu un bien triste épilogue. Comme si cela ne suffisait pas, toutes les constructions directement liées aux Nozal ont été détruites. Les seuls bâtiments rescapés de cette liste sont des œuvres qui leur sont indirectement liées comme le Castel Val et le groupe d’immeubles modernes mais qui sont malgré tout des réalisations moins spectaculaires que La Surprise ou l’hôtel Nozal. Quelques ensembles mobiliers heureusement conservés dans les musées ou dans les collections privées sont aussi là pour nous rappeler cette collaboration mais représentent finalement bien peu comparé à la somme de travail qu’a dû déployer l’architecte.
Au-delà d’un nécessaire dépoussiérage du sujet, nous avons voulu démontrer comment les relations nouées entre Guimard et les Nozal ont influencé directement ou indirectement plus de trente années de la vie de l’architecte. La complexité de ces liens et des informations encore trop parcellaires — voire absentes dans certains cas — nous incitent d’ailleurs à la prudence et volontairement nous n’avons fait qu’effleurer certains sujets toujours en cours d’étude. Ce thème passionnant nous réserve sans doute encore quelques surprises que nous n’hésiterons pas à partager en temps voulu…
Olivier Pons
[1]Léon et Hélène Le Thorel (parfois orthographié Lethorel) ont eu un fils (Louis) André, né en 1882 et décédé en août 1903 à Saint-Mandrier (Var), une année sombre pour la famille Nozal puisqu’au mois de juillet disparaissait également son cousin Paul…
[2]L’Architecte, mai 1911.
[3]Revue Juridique et Fiscale de l’Entreprise. Recueil mensuel de législation, de jurisprudence, de contentieux, 1937. Source Gallica – BNF.
[4]Cette information nous est connue par un arrêt de la Cour d’appel de Paris publié en 1904 dans le Bulletin judiciaire au sujet d’un différend financier entre Guimard et un fournisseur.
[5]Son nom roumain est Nicolae Gropéanu, mais nous retiendrons la version francisée de son nom, Nicolas Gropeano, qui apparait le plus souvent. Nos recherches avaient permis de révéler en 2017 l’identité de l’artiste qui a occupé l’atelier avec sa famille pendant plus de trente ans au sein de l’ensemble construit par Guimard. Les deux hommes s’étaient peut-être rencontrés au Salon d’Automne dont ils étaient tous les deux membres fondateurs.
[6]L’adresse des ateliers figure en effet sur un des supports publicitaires édités par Guimard à cette occasion.
[7]« Avenue Perrichont prolongée, les ateliers Guimard », Nicolas Horiot et Olivier Pons. Journal n° 2 du Cercle Guimard édité à l’occasion de l’exposition Guimard, précurseur du design, 2017.
[8]Voir la première partie de ce dossier publiée le 08 janvier 2021.
[9]Parmi ces tableaux, citons Une vue de la Manche prise de Cabourg exposé en 1894 ou La bouée, Cabourg-Dives exposé au Salon d’hiver de 1909. Le Petit Palais-Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris vient de bénéficier du don exceptionnel, consenti par les descendants de l’artiste, d’un ensemble de documents comprenant notamment trente et un carnets de ce peintre grand voyageur datés de 1872 à 1927. Une très belle exposition en ligne sur le site de l’institution présente une partie de ces archives dont des photographies montrant Alexandre Nozal peignant au milieu de la nature ainsi qu’un panorama d’œuvres représentatives de son travail.
[10]L’écrivain est né chez son grand-oncle maternel au 96 rue La Fontaine.
[11]Proust s’est installé en 1907 au Grand-Hôtel de Cabourg où il commence la rédaction d’À la recherche du temps perdu dans lequel la ville de Balbec, en grande partie inspirée par la petite cité balnéaire, y tient une place importante.
[12]Proust et Cabourg, Jean-Paul Henriet, éditions Gallimard, 2020.
[13]Présentation du sujet par Dominique Magdelaine en 2014 à l’Assemblée générale du Cercle Guimard. À la demande de J.E. Blanche, Guimard remet au goût du jour plusieurs pièces de la maison principale de sa propriété à Auteuil qui accueille depuis 1896 un cours d’enseignement privé, Les Marronniers, dirigé par les demoiselles Guyomar et Hoog (Musée d’Orsay, fonds Guimard GP1162, GP1163). En effet le peintre préfère s’installer dans son atelier récemment réaménagé et situé un peu plus loin sur le domaine (Jacques-Emile Blanche, Jane Roberts, éditions Gourcuff-Gradenigo, 2012) ce qui lui permet de mettre en location la demeure familiale. Plusieurs cartes postales d’époque montrent que Guimard a utilisé pour Les Marronniers les mêmes modèles de papiers-peints, frises et panneaux de Lincrusta-Walton que ceux employés pour le Castel Béranger. L’architecte a aussi dessiné pour l’occasion un petit meuble étagère installé dans le salon des élèves.
[14]Communication personnelle de M. Montamat.
[15]La villa était située en deuxième rang. Un terrain non construit entre la propriété Nozal et la plage permettait d’accéder directement à la mer.
[16]Voir la première partie de ce dossier publiée le 08 janvier 2021. Extraits d’un récit intitulé « Une mémé de fantaisie » rédigé entre 1945 et 1955 alors que Simone Raffin habitait l’hôtel Nozal. Archives familiales.
[17]A la même époque, Guimard construit une autre villa à Sceaux qui héritera du nom de celle de Cabourg (Vigne, Georges, Hector Guimard, éditions Charles Moreau, 2003, p. 298).
[18]Voir la première partie de ce dossier. Témoignage d’Anne de Leseleuc. Fonds Ralph Culpepper. Centre d’archives et de documentation du Cercle Guimard.
[19]La confusion vient peut-être de la présence d’une certaine Louise Chanu (1858-1934) dans la tombe familiale au cimetière d’Auvers-sur-Oise et dont le nom aurait pu être déformé.
[20]Le Journal du 05 avril 1904. L’article nous apprend également que le domicile principal de Georges Chanu était situé boulevard des Batignolles à Paris et, plus surprenant, qu’il était rentier. Des documents conservés dans les archives familiales le désignent successivement comme représentant en 1908 d’une société de charbons anglais puis d’une aciérie.
[21]Mémoire de travaux rédigé par l’architecte Daubert (domicilié au 195, avenue Daumesnil à Paris) et daté du 11 octobre 1911, 57 pages. Archives familiales.
[22]Cinq de ces chaises ont été localisées : deux font partie d’une collection privée tandis que les trois autres appartenaient à la collection Neess et sont aujourd’hui présentées au musée de Wiesbaden en Allemagne.
[23]Vigne, Georges, Hector Guimard, éditions Charles Moreau, 2003. Thiébaut, Philippe, Guimard, 1992. Selon les dernières découvertes de M. Raffin, les immeubles de la rue Agar édifiés par Guimard ont été probablement construits à l’emplacement d’une petite maison habitée entre les années 1840 et 1850 par les parents de Léon Nozal qui y est né ainsi que ses soeurs.
[24]Voir à ce sujet la très belle série d’articles de La Construction Moderne publiés entre novembre 1912 et février 1913.
[25]La lettre a peut-être été écrite par Suzanne Richard qui fut secrétaire de l’agence Guimard au 122 avenue Mozart de 1911 à 1919 (témoignage des descendants).
[26]Seule exception, la Mairie qu’il élève au sein du Village français à l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels de 1925 à Paris et pour laquelle il dessine deux ensembles fabriqués par les Établissements Eagle, destinés à meubler le secrétariat et le bureau du Maire.
[27]L’Intransigeant, 07 et 08 août 1921.
[28]Voir la note 2.
[29]En 1922, Guimard fonde avec quelques autres dont Jourdain et Sauvage le Groupe des Architectes Modernes qui deviendra quelques années plus tard la Société des Architectes Modernes.
Cette recherche est une contribution à l’histoire de la tombe d’Albert Adès, dont l’architecte a été Hector Guimard et le statuaire Georges-Clément de Swiecinski. Outre les nouvelles informations que je souhaite apporter au lecteur, je cherche à unir le travail d’architecte d’Hector Guimard à celui de portraitiste de son épouse Adeline. C’est pourquoi je restitue les noms de personnages importants du temps d’Adès, bien qu’ils soient oubliés aujourd’hui.
Si le seul portrait d’Adès qui figure dans la présente recherche a été dessiné par lui-même, Adeline Oppenheim-Guimard a effectué trois portraits qui ont trait à l’entourage d’Adès : celui d’Inès, l’épouse d’Adès[1] ; celui du cardinal Dubois[2] qui a présidé une réunion officielle entre la France et l’Égypte et cela en présence de Paul Léon,[3] directeur des beaux-arts en 1921.
L’histoire de la tombe d’Albert Adès a déjà été écrite à deux reprises par Georges Vigne, d’une part dans son livre sur Hector Guimard[4] et, d’autre part, sur le site du Cercle Guimard en date du 14 novembre 2012. Dans ce second article, Vigne a donné une description de la tombe sur laquelle je ne reviendrai pas et a par ailleurs bien retracé la collaboration du sculpteur de la tombe, Georges-Clément de Swiecinski. Selon lui, la relation entre Swiecinski et Adès serait double : elle dériverait d’une fréquentation commune des milieux littéraires du Paris d’alors ou bien du fait qu’il ait connu de Swiecinski (dont le premier métier était chirurgien) en raison de son état de santé fragile. Par ailleurs, pour ce qui est du buste de la tombe d’Adès au cimetière du Montparnasse en 1922, Vigne suppose qu’il pourrait s’agir d’une réplique en pierre d’un premier buste préexistant, en plâtre ou en céramique. Je n’ai d’argument ni pour justifier, ni pour contredire ce point de vue.
Je ne traiterai donc que des relations personnelles ou professionnelles entre Adès et tous ceux qui, outre Guimard et de Swiecinski, ont permis qu’une tombe soit érigée en sa mémoire. C’est une façon de leur rendre hommage et de rappeler le rôle de la francophonie en Égypte au XIXe siècle. Le co-auteur et beau-frère d’Adès, Albert Josipovici, ainsi que les siens, feront nécessairement partie de ce tableau, bien qu’il n’ait pas été impliqué dans la réalisation de la tombe d’Adès.
Albert Adès, un écrivain égyptien francophone demeurant dans le XVIe arrondissement à Paris
Albert Adès et Albert Josipovici sont connus pour avoir co-signé en France deux romans : le premier Les Inquiets en 1914 sous le pseudonyme de A. I. Theix et le second Le livre de Goha le simple en 1919 sous leurs deux noms.
À mes yeux, ces deux auteurs font partie d’un groupe d’intellectuels plurilingues juifs qui ont adopté la France, et particulièrement Paris, comme terre d’élection et, surtout, le français comme moyen d’expression, contre l’anglais qui était alors aussi en usage en Égypte.[5]
Pour justifier mon point de vue, je me fonde sur la liste des personnalités qui ont assisté à l’hommage rendu à Adès au cimetière du Montparnasse, deux ans après son décès et sur l’amitié qu’Adès a entretenu avec le philosophe Henri Bergson. Edmone Adès, la fille d’Albert, a fait connaître au public quelques aspects de cette relation dans un petit recueil paru en 1949.[6]
Pour ce qui est du choix du sculpteur du buste de la tombe d’Adès, Georges-Clément de Swiecinski, je crois qu’il peut s’expliquer par la relation entre de Swiecinski et Albert Josipovici : de Swiecinski était médecin et chirurgien, tout comme le père de Josipovici et tous deux étaient roumains : ils exerçaient à Paris dans les années 1910-1930. À la mort d’Adès, Josipovici, qui avait été le secrétaire de Lazare Weiller,[7] a donc très probablement suggéré à ce dernier le nom du sculpteur qu’il connaissait.
Quant au choix d’Hector Guimard comme concepteur de la tombe d’Adès, on peut, comme Vigne, poser que Guimard et Adès ne se connaissaient pas. Mais je proposerai plutôt une hypothèse inverse : les Guimard et les Adès pouvaient se connaître car les Adès résidaient au 21 rue La Fontaine, dans le groupe d’immeubles construit par Guimard, dans les rue Gros, La Fontaine et Agar par l’entremise de la Société générale de constructions modernes. C’est en effet à cette dernière adresse que la fille des Adès, Edmone, est née le 29 août 1916.[8] Par ailleurs entre 1915 et 1917 Guimard avait créé un Comité d’étude et de propagande pour l’État-Pax dont le siège se trouvait 7 rue Agar, à quelques pas du domicile des Adès. Cette association militait pour la création d’un organisme international judiciaire, militaire et financier, l’État-Pax, dont le but était d’assurer la sécurité des peuples. Plus tard en 1920, Guimard était trésorier d’une fédération qui regroupait huit associations, dont l’État-Pax, pour organiser une société des nations.[9] Les Adès ne pouvaient donc manquer de savoir qui était l’architecte de l’immeuble qu’ils habitaient, puisque Guimard était très présent dans le quartier.
Par ailleurs, Adeline Oppenheim-Guimard entretenait une relation professionnelle avec les Adès, puisqu’elle a réalisé en 1919, à partir d’une photographie, un portrait d’Inès Heffès-Adès, l’épouse d’Albert, qui se trouvait alors en Égypte. Ce portrait a beaucoup plu à Albert, qui écrit à Adeline le 10 juillet 1919 :
« Si vous permettez à un cubiste d’approcher votre art tout en finesse et d’en parler, je vous ferai cet aveu, chère Madame, aux doigts magiques : vous m’avez rappelé que j’avais une femme charmante – et maintenant, je ne l’oublierai plus ! C’est vous dire à quel point m’est chère votre œuvre vivante et harmonieuse. Je vous en remercie de tout cœur ».[10]
Ce portrait sera exposé entre le 12 et 27 janvier 1922, dans les Galeries Lewis and Simmons, 22 place Vendôme à Paris, par Adeline Oppenheim-Guimard sous le numéro 2.
Donc à la mort d’Adès en 1921, Josipovici savait qui contacter pour lancer une souscription : son ancien employeur, le riche industriel et mécène Lazare Weiller. Par ailleurs, le nom d’Hector Guimard était connu par le couple Adès, tandis que celui d’Adeline l’était plus particulièrement par l’épouse d’Adès en tant que portraitiste et que voisine.
Avant de décrire le cercle des amis d’Albert Adès qui ont permis l’érection de la tombe au cimetière du Montparnasse, je donnerai quelques indications biographiques sur Adès et son co-auteur Josipovici ainsi que sur leurs couples.
Biographies familiales et littéraires d’Albert Adès et d’Albert Josipovici
Outre leur complicité en tant qu’auteurs et amoureux de la littérature, Adès et Josipovici ont partagé une autre complicité. Ils ont épousé deux sœurs : Inès et Yvonne. Les deux couples cohabitaient à Triel-sur-Seine entre 1914 et 1919. Les deux sœurs avaient des goûts différents : Inès aimait l’Égypte tandis que Yvonne préférait l’Europe.
Albert Adès (11/2/1893 – 18/4/1921) et Inès Heffès (1893 – 28/1/1931)
Albert Siaho Adès était un écrivain égyptien, fils du banquier Siaho Adès,[11] qui avait épousé Hélène de Picciotto, une jeune fille issue d’une famille juive de quatorze enfants, très riche et influente au Caire et à Alexandrie. Adès aurait aimé être peintre,[12] tout comme son cousin Jules (Josiah V.) Adès, mais son père l’a contraint à étudier le droit. Hélène, la mère d’Albert, très francophile, a longtemps vécu à Paris, où elle est décédée. Après la mort de son fils à la villa Gil Blas à Arcachon en 1921, elle maintiendra des contacts avec le peintre Emmanuel Gondouin (1883 – 1934),[13] qui était un ami de son fils, et publiera quelques pages sur Albert.
Figurent ci-dessous les relations familiales entre Albert et son épouse Inès : à gauche la famille d’Adès,[14] à droite la famille de son épouse.[15]
Inès et Albert se marient vers 1914, probablement en Égypte. Albert décède d’une maladie rare le 18 avril 1921 à Arcachon[16], où ses médecins l’avaient envoyé. Il y est vraisemblablement enterré de façon provisoire puisque son inhumation au cimetière du Montaparnasse ne s’est faite que le 5 septembre 1921[17]. Après le décès d’Albert Adès, Inès Heffès-Adès épouse en secondes noces le 29 décembre 1929 Walter Max Kraus, un médecin américain, qui s’occupait des maladies nerveuses et mentales, de l’encéphalite léthargique et de la sclérose en plaques. Il était connu tant à Paris qu’à New York. Inès décède à 38 ans en 1931, place Possoz dans le XVIe arrondissement à Paris, deux ans après son remariage. Elle est inhumée au cimetière du Montparnasse à côté de son premier époux.
Albert Josipovici (7/12/1892 – 8/12/1932) et Yvonne Heffès
Albert Josipovici a été envoyé adolescent en France pour y effectuer ses études secondaires comme pensionnaire à Melun. Il est rentré ensuite au Caire pour suivre des études de droit à la Faculté française d’Égypte, où il a rencontré Albert Adès et son cousin Jules Adès.[18] Le père d’Albert Josipovici – le Dr Sando Josipovici – était le médecin de la famille Adès. Albert Josipovici a épousé Yvonne Heffès en 1911. En 1926 il habitait 94 avenue Mozart à Paris. Rattaché au corps diplomatique d’Égypte, il était Secrétaire délégué aux affaires commerciales. En 1928 il a publié Le beau Saïd, roman qui met en scène deux frères de façon un peu binaire. Il a appartenu à L’Association littéraire et artistique internationale, fondée en 1878 par Victor Hugo, et a participé à son congrès qui s’est tenu au Caire en 1929. Avant sa mort, en décembre 1932, il préparait David chez les chrétiens, roman qui décrit la réaction d’un juif[19] parmi les chrétiens, surtout par rapport aux protestants. Le fils d’Albert et d’Yvonne Josipovici, Jean (François) Josipovici,[20] est né en 1914 à Triel-sur-Seine dans les Yvelines, au 252-254 rue Paul Doumer (à l’époque Grand Rue), où les deux couples occupaient une grande maison, lors de la rédaction de Goha le simple. À Triel, Josipovici et Adès étaient les voisins proches de l’écrivain Octave Mirbeau à Cheverchemont.[21] Ils lui apportèrent le manuscrit qui fut remanié grâce à lui. La grandiloquence en fut réduite, le style épuré et plus efficace. Mirbeau écrira : « Je n’ai compris l’Orient, je ne l’ai vécu que le jour où j’ai lu Goha le Simple ». Entre Adès et les époux Mirbeau une grande amitié s’est alors développée, amitié qui perdurera entre Mme Mirbeau et Albert Adès au-delà du décès d’Octave Mirbeau en 1917.[22]
Adès et ses amitiés littéraires : un comité de soutien pour sa tombe
Si Adès, tout comme le couple Guimard, habitait le quartier d’Auteuil, les milieux qu’ils fréquentaient ne se recoupaient pas du tout. Ci-dessous je décrirai les activités littéraires des camarades d’Adès : celles-ci ne sont pas partagées par l’architecte. J’en conclus que la relation de voisinage entre les Adès et les Guimard s’est renforcée par l’intermédiaire d’Adeline Guimard, portraitiste de Mme Adès en 1919.
Après l’écriture de Goha le simple, la cohabitation et la collaboration entre les deux auteurs s’est rompue. Ceci explique pourquoi lors de la mort prématurée d’Adès, le nom de Josipovici ne lui est plus associé. Huit mois après le décès d’Albert, un comité de soutien composé de cinq auteurs et d’un éminent industriel s’est établi à l’extrême fin de l’année 1921. C’est ce comité qui rendra possible à Paris l’érection d’un monument funéraire en l’honneur du défunt. Il était composé de Marcel Berger, André Obey, Denys Amiel, Adolphe Orna, Chekri Ganem et de Lazare Weiller. Nous apportons ci-dessous quelques informations à leurs propos.
À Auteuil, un groupe d’écrivains qui se nommait Le Canard Sauvage,[23] se rencontrait et collaborait à la rédaction d’articles, de pièces de théâtre ou de romans. Y participaient, en particulier, Marcel Berger, agrégé de lettres, qui dans l’Écho Sioniste informait du décès d’Adès.
Marcel Berger (1885 – 1966) pratiquait des activités sportives avec son ami André Obey (8/5/1892 – 11/4/1975) auteur dramatique, qui deviendra Administrateur général de la Comédie Française (1945 – 1947). Ensemble, ils ont publié une collection de romans dirigée par Colette (Colette Willy ou Colette de Jouvenel) et ont terminé le roman inachevé d’Adès Un roi tout nu. Leur addition au travail d’Adès sera plutôt mal accueillie par la critique.[24] Obey était un ami du peintre Emmanuel Gondouin.[25]
L’Écho sioniste du 1er janvier 1922 a fourni un aperçu vivant de la relation Berger-Adès. Berger y a mentionné leur voisinage dans le XVIe arrondissement avec leurs enfants du même âge (trois ans). Berger ajoutait qu’Adès « n’avait pas craint d’abandonner la situation solide que ses autres qualités éminentes lui avaient valu d’obtenir ; choix qui l’aiguillait vers la route certainement la plus pénible, celle où lutte et peine aujourd’hui tout artiste respectueux de son art, aura hâté peut-être sa fin… Le ton impérieux des médecins l’envoyant à Arcachon nous avait donné à penser ; depuis lors nous étions sans nouvelles… ». Dans la revue Correspondance d’Orient du 30 avril 1921, Berger écrivait à propos de Le livre de Goha le Simple :
« Ce fut un événement dans Paris. Les connaisseurs admirèrent, la trame d’un style souple et robuste, et l’ironie, la poésie, la philosophie se mêlant pour faire de cette fresque orientale comme un de ces divins miroirs où l’humanité de tous les temps vient, contempler ses mille visages. Le grand public était sensible au puissant jaillissement de vie dont, se gonflait toute l’œuvre, aux aspects nerveusement sensuels ou finement mélancoliques de conte, où des élans épiques se résolvaient volontairement en des naïvetés de fabliau. »
Denys Amiel (1884 – 1977) auteur de théâtre, vice-président de la Société des auteurs dramatiques (dans les années 1930) a signé une pièce à succès en collaboration avec Obey, La Souriante Madame Beudet, qui est entrée au répertoire de la Comédie Française. Tout comme Berger, Amiel résidait dans le XVIe arrondissement. Engagé volontaire, il a fondé une revue française à New York (1917-1919) et a dirigé l’hôpital des aveugles de guerre franco-américain, 14 rue Daru. En 1932, le théâtre de l’Odéon a présenté l’une de ses pièces L’âge de fer.
Adolphe Ornac (1882 – 1925), qui écrivait aussi sous le pseudonyme féminin d’Élizabeth Strauss, était un auteur de pièces de théâtre né en Roumanie à Galatz sur le Danube. Auteur juif polyglotte, Ornac est mort à 43 ans, au moment où il allait acquérir la nationalité française. En 1924 une pièce de théâtre de sa composition Mademoiselle Le feu a été jouée au Théâtre de l’Odéon. Il a co-écrit avec Mattei Rousseau, La maison d’Israël, une pièce traitant des pogroms en Russie. Cette pièce sera jouée en 1933 au Théâtre de la Renaissance en réaction aux persécutions nazies contre les juifs.
Chekri (Ibn Ibrahim) Ganem (1861 – 1929) était un écrivain libanais et un poète d’expression française en lutte contre la domination ottomane. Il résidait dans le XVIe arrondissement. Il est décédé à Antibes, peu après sa nomination au grade de commandeur de la Légion d’honneur à l’âge de 68 ans. Avec Georges Samné, il codirigeait la revue Correspondance d’Orient (politique, économique et financière). En 1910, Maurice Ravel a composé la musique de la pièce de Ganem, intitulée Antar, [26] qui décrit les exploits d’un poète arabe du XIIe siècle.
Le sculpteur de la tombe d’Adès : Georges-Clément de Swiecinsky (1878 – 1958)
Le sculpteur Georges-Clément de Swiecinski (Radautz Bukovine, Roumanie, 5 mai 1878 – Guéthary, 17 janvier 1958) a été choisi pour collaborer avec Hector Guimard pour effectuer un buste d’Adès. Ce choix qui est arrêté à la fin de 1921 revient très probablement à Albert Josipovici. Le père de ce dernier, médecin d’origine roumaine était à la fois le confrère et le compatriote de de Swiecinski dont la première carrière à Paris était aussi celle d’un médecin/chirurgien passionné de sculpture dès les années 1910.
Le comte Georges-Clément de Swiecinski a effectué ses études de médecine et de chirurgie en Roumanie à Iasi. Il a été interne des Hôpitaux de Paris en 1902 et a soutenu une thèse sur l’hystérectomie en 1909. C’est au laboratoire d’anatomie des hôpitaux de Paris, où il dessinait et moulait des corps, qu’est née sa vocation de sculpteur. En 1912, en même temps qu’il exerçait la médecine au 22 boulevard Raspail, il a occupé un atelier de sculpteur dans la villa Brune où étaient installés d’autres artistes qui deviendront très connus (Brancusi, Lipchitz, Zadkine…). Pendant la première guerre mondiale, il s’est engagé volontairement comme chirurgien auxiliaire attaché aux ambulances. En 1919, à Guéthary où il séjournait à l’hôtel, le romancier et poète Paul-Jean Toulet l’a encouragé à sculpter à la carrière de pierre Sarrailh. Dès 1920 il a exposé ses sculptures à Paris à la galerie Brunner, rue Royale, dont des bas-reliefs du Ramayana. La même année, il a exposé une très remarquée Jeune fille basque en taille directe, c’est-à-dire sans esquisse, sans maquette, ni modèle préalable.
En 1922, il s’est installé en tant que sculpteur dans sa villa Lekautz-baïta (ce qui signifie « lieu froid ») au pays basque à Guéthary, au bord d’une falaise. Naturalisé français en 1923, il a épousé Marie Clémence Dominici, une Corse, veuve du comte de Sesmaisons. Outre la sculpture, il s’est aussi fait connaître pour ses terres cuites, ses bronzes, ses marbres et ses céramiques.
Plusieurs de ses œuvres se trouvent aux musées de Pau et de Guéthary. Il a fait don de ses œuvres (sculptures et céramiques) à la villa Saraleguinea, devenue le très joli musée de Guéthary, au sein du parc André Narbaïts. Après avoir été évincé au profit de sculpteurs locaux pour des commandes publiques et après le décès de son épouse en 1956, il est décédé le 17 janvier 1958, presque aveugle et sans ressources, à l’hôtel Guruzia. Une sépulture a été offerte par la mairie, puis laissée à l’abandon. Le musée de Guéthary (http://musee.guethary.free.fr/sa_vie.htm) présente agréablement la vie et l’œuvre de cet artiste encore aujourd’hui méconnu[27].
La tombe d’Albert Adès : le comité d’honneur et la souscription
Le journal Le Radical du 20 décembre 1921 nous apprend qu’un monument funéraire en l’honneur d’Adès sera érigé grâce à une souscription :
« L’architecte Hector Guimard et le sculpteur G.-C. de Swiecinsky ont composé le monument qui sera érigé au cimetière du Montparnasse. Les souscriptions sont reçues à Paris chez le trésorier M. Fernand Braun, 5 avenue de l’Opéra ».
Cette annonce nous permet de conclure que l’épouse d’Adès, sans profession et en charge d’une petite fille de deux ans, n’était pas en mesure de financer la construction d’une sépulture sortant de l’ordinaire au cimetière du Montparnasse. Quant au comité d’honneur qui lance la souscription, il comprend neuf membres qui sont : Mme Octave Mirbeau, Henri Bergson, Chekri Ganem, Gustave Geffroy, Maurice Maeterlinck, Pierre Mille, Claude Monet, Camille Saint Saëns, Lazare Weiller. Voici ci-dessous quelques indications qui nous permettent de situer les neuf membres de ce comité.
Le trésorier Fernand Braun (Alexandrie, 13/05/1882 – Paris, 22/09/1968)[28] était un juriste international, qui est né et a travaillé en Égypte, tout d’abord comme directeur d’une revue littéraire à Alexandrie, puis en tant qu’avocat à la cour d’appel mixte d’Égypte, ainsi qu’à New York et à Paris. Sa mère était alsacienne et son père bijoutier. Farouche défenseur de la langue française en Égypte, il a fondé et dirigé, entre autres, la Nouvelle revue d’Égypte ainsi que La Revue d’Égypte et d’Orient (1900-1914) dans laquelle il demande l’appui de tous les francophiles et celui de la France pour l’enseignement du français — appel qui ne trouvera aucun écho concret.
En 1911, parce qu’il était juif, il a été attaqué dans le quotidien nationaliste L’Action française. Entre 1903 et 1921, Braun a entretenu une correspondance régulière[29] avec Camille Saint-Saëns dont il admirait les œuvres musicales et surtout les opéras. Parfaitement bilingue en français et en anglais, il a été mobilisé avec son frère Edmond pendant toute la première guerre mondiale dans des services de traduction de l’armée britannique. Il a choisi de rester en France à partir de 1919 et s’est établi comme avocat international au 5 avenue de l’Opéra. En 1923 il a publié une thèse de sciences économiques intitulée Le Régime des sociétés par actions aux États-Unis, ouvrage bien accueilli par ses collègues juristes.
En 1924, lors de la visite du roi égyptien Farouk Ier, Fernand Braun, Chekri-Ganem et Lazare Weiller, alors sénateur, ont participé avec le ministre plénipotentiaire d’Égypte Mahmoud Fahkry Pacha (1884 – 1982) ainsi que le gouverneur militaire de Paris, le général Gouraud (1867 – 1946), à une cérémonie en hommage au Soldat inconnu, place de l’Étoile à Paris. Secrétaire général très actif de l’Association France-Égypte à Paris, Braun s’est occupé de la publication annuelle d’un ouvrage « littéraire ou scientifique en langue française de nature à contribuer au resserrement intellectuel des deux pays ». Ainsi, par exemple, en 1950 le comité de lecture de cette association a sélectionné sous l’égide de Braun l’ouvrage de Victoria Archarouni sur Nubar Pacha.[30] Il était aussi membre de la Société khédiviale : Revue de la société royale d’économie politique, de statistiques et de législation, dont l’adresse du siège était celle de son bureau, près du Palais Royal. Il a été nommé Chevalier de la Légion d’Honneur le 4 février 1939.
Mme Octave Mirbeau[31] (née Alice Regnault, 1848 – 1931) a continué d’apporter à la mémoire d’Adès le soutien et l’amitié que son époux, décédé en 1917, prodiguait à Adès. C’est elle qui a su réunir des auteurs, des artistes et l’industriel Weiller pour rassembler les fonds nécessaires à la construction de la tombe d’Adès.
Le philosophe Henri Bergson (1859 – 1941), professeur au Collège de France, avait rencontré Adès et entretenu avec lui une correspondance dont nous avons la trace grâce à Edmone, la fille d’Adès. Bergson et Adès étaient voisins dans XVIe arrondissement.[32]
Gustave Geffroy (Paris, 1855 – Paris, 1926) était un ami d’Edmond Goncourt, de Mirbeau, de Rodin, de Claude Monet[33] et de nombreux autres peintres. Il a peut-être rencontré Adès[34] chez les Mirbeau. Journaliste, romancier, critique et historien d’art, il terminera sa carrière comme administrateur de la Manufacture des Gobelins.
Maurice Maeterlinck (1862 – 1949) d’abord avocat, puis dramaturge, était aussi reconnu comme poète symboliste. C’est Octave Mirbeau qui l’a rendu célèbre grâce à un article dans le Figaro en 1890. Dans une lettre à sa future épouse, Adès mentionne une rencontre avec Maeterlinck à Saint-Wandrille.[35]
Pierre (Louis) Mille (1864 – 1941) était un fonctionnaire colonial, écrivain et journaliste, correspondant du journal Le Temps. Il a résidé en Tunisie, au Tonkin, au Cambodge, à Madagascar, en Afrique occidentale française et en Égypte, où il a travaillé entre autres pour La banque égyptienne. Il a fondé L’Académie des sciences d’Outre-mer ainsi que L’Association des écrivains coloniaux. Il était Commandeur de la Légion d’Honneur. Une rue du XVe arrondissement de Paris porte son nom. Lors de salons artistiques, il n’est pas impossible qu’Adeline Guimard ait rencontré l’épouse de Pierre Mille — Yvonne Serruys (1873-1963), peintre et sculptrice, membre de L’Union des femmes peintres et sculpteurs, qui participait au Salon des artistes français.
Claude Monet (1840 – 1926) a rencontré Mirbeau en 1884 par l’intermédiaire du galeriste Paul Durand-Ruel. Tous deux ont partagé une amitié de plus de trente ans ainsi qu’une passion pour les jardins floraux : Damps pour Mirbeau et Giverny pour Monet. Les lettres de Mirbeau à Monet ont été publiées. Adès a dédicacé à Monet Le livre de Goha le Simple comme suit : « Hommage respectueux. Claude Monet, le peintre immense en qui Mirbeau puisait ses dernières joies. Son admirateur Albert Adès ».
Camille Saint-Saëns (1835 – 1921) a lui aussi vivement pris parti pour le capitaine Dreyfus. Poète et prolifique compositeur de musique, brillant pianiste et organiste,[36] travailleur et voyageur infatigable, Camille Saint Saëns a particulièrement aimé l’Égypte[37] et l’Algérie, où il a été reçu avec tous les honneurs. En Égypte il a séjourné au palais du Khédive et rencontré Fernand Braun, qui lui vouait une immense admiration. En 1915, Saint Saëns a joué avec Monet dans un film de Sacha Guitry. En 1917, il a été décoré de la Grand-Croix de la Légion d’Honneur. Il est décédé à Alger le 19 décembre 1921, après 75 ans de carrière. Son corps a alors été transféré à Marseille, où Fernand Braun lui a rendu hommage. Ses obsèques nationales, présidées par le cardinal Dubois,[38] se sont tenues à la Madeleine le 24 décembre en présence de nombreuses personnalités dont le Ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts, Léon Bérard et le Directeur des Beaux-Arts, Paul Léon.[39]
Lazare Jean Weiller (1858 – 1928) a été l’un des industriels les plus remarquables de la Troisième République.[40] Après des études au lycée Saint-Louis à Paris et à Oxford, il a fondé en 1880 les Tréfileries et Laminoirs du Havre pour produire des câbles sous-marins et des câbles téléphoniques. Après une mission aux États-Unis, en 1903-1904 il a créé la Compagnie générale de navigation aérienne. Après avoir été nommé Commandeur de la Légion d’honneur en 1912, il s’est consacré à la politique en étant élu député de Charente en 1914, puis sénateur du Bas Rhin en 1920. Très fortuné, il aimait collectionner les châteaux et y effectuer des travaux. Natif de Sélestat, il a pris la défense des populations alsaciennes. Son fils Paul-Louis Weiller (1893 – 1993) capitaine d’industrie, grand collectionneur et membre de l’Institut, a écrit une belle biographie de son père, intitulée « Un précurseur : Lazare Weiller », dans L’Annuaire de la société des amis de la bibliothèque de Sélestat, XXII, 1973, p. 81-87.
Lazare Weiller connaissait Adès grâce à Albert Josipovici, son ancien secrétaire. Onze mois après le lancement de la souscription pour la stèle à la mémoire d’Adès, la somme recueillie est de 14.000 francs, selon L’Humanité du 26 novembre 1922. Hector Guimard avait probablement dessiné la tombe soit avant, soit dès la fin de la souscription. Quelques mois plus tard, Gilbert Charles du Figaro du 29 avril 1923 écrit que la cérémonie d’inauguration du « modeste » monument a eu lieu la veille.
En guise de conclusion
Par l’intermédiaire d’Albert Adès, voisin des Guimard dans le XVIe arrondissement à Paris, j’ai essayé de montrer comment le travail de portraitiste d’Adeline Guimard est lié à celui d’Hector Guimard, dessinateur de monuments funéraires. Envisagée de cette façon, cette recherche constitue une suite à celle que j’ai effectuée en 2017 à propos de la tombe de Pavel Grunwaldt (voir le site : le cercleguimard.fr : Sépulture Grundwaldt : l’énigme de la consonne muette, 17 avril 2017). Adeline a exposé les portraits de Pavel Grunwaldt et d’Inès Adès en 1922 à Paris, tandis que son époux a dessiné les sépultures des familles Grunwaldt et Adès, respectivement aux cimetières de Neuilly-sur-Seine et du Montparnasse.
Marie-Claude Paris
Références bibliographiques
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Correspondance d’Orient : revue politique, économique et financière, revue dirigée par Chekri-Ganem et Georges Samné (de 1908 à 1929) puis par G. Samné jusqu’à 1945.
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Addenda sur des questions stylistiques
Nous voulons profiter de l’opportunité de la publication de cet article pour ajouter quelques observations qui sont cette fois de nature stylistique. Dans son second article consacré à la tombe Adès, paru sur le site du Cercle Guimard en 2012, Georges Vigne a bien établi que Guimard avait voulu lui donner un caractère antiquisant, tout en conservant partiellement son style moderne propre. Nous apportons ci-après quelques notions et commentaires supplémentaires.
En raison du décalage temporel d’environ un an qui a existé entre l’inhumation d’Albert Adès (le 5 septembre 1921) et la date des travaux de Guimard (datation de la tombe en 1922, quelques mois avant l’inauguration qui ne s’est faite que le 28 avril 1923), il a probablement existé une première tombe provisoire. Malgré sa simplicité extrême, il ne s’agit pas de la partie antérieure de l’actuelle sépulture, car la signature de Guimard est gravée sur la face avant de sa dalle en pente, signe qu’il est bien le concepteur de l’ensemble. Si banale qu’elle paraisse, cette dalle contient tout de même deux particularités qui la rattachent à la stèle : une face avant biseautée et un petit fronton triangulaire à l’arrière, rappelant celui des temples grecs.[41] La stèle qui capte tout le décor est construite autour d’un obélisque tronqué qui reçoit le buste. Cet obélisque — motif égyptien antique évident — est lui-même encadré et même fusionné avec deux piliers supportant un lourd linteau, le tout formant un écrin au buste. À la partie inférieure du linteau, une moulure classique apparaît coupée à ses deux extrémités, comme s’il s’agissait d’un fragment monumental antique. Ce détail est d’ailleurs contredit par le motif de frise présent à mi-hauteur et qui se poursuit à angle droit sur les deux tranches du linteau, comme s’il avait été ultérieurement gravé en creux. Ce motif qui est probablement une invention de Guimard, n’est pas de style Art nouveau, ni antique, ni vraiment orientalisant.
Les piliers sont d’un caractère différent car Guimard y introduit son propre modelage. Sur de larges cannelures verticales qui s’éloignent des ordres classiques, il fait naître des renflements organiques qui inventent un nouveau modèle de chapiteau. Le « Style Guimard » ne se manifeste qu’à un autre endroit : de part et d’autre du tronçon d’obélisque, sous la forme de deux jaillissements avec son « bouillonnement » caractéristique dont les premières apparitions remontent à une vingtaine d’années plus tôt.
Avec des moyens somme toute réduits, Guimard est parvenu à faire de cette sépulture, la plus haute de toutes ses voisines, la rendant visible loin à la ronde. Cette démarche ne nous est pas étrangère puisqu’elle rappelle qu’il s’était arrangé pour que son pavillon soit le plus haut de tous au sein de l’Exposition de l’habitation au Grand Palais en 1903 et que le beffroi de sa mairie du Village Français parvenait à se hisser au-dessus du clocher de l’église…
Dans leurs articles, Marie-Claude Paris et Christine Grasset ont bien établi le parallèle qui a existé dans le cheminement des commandes des sépultures Grunwaldt et Adès, deux familles juives d’émigration récente. Ces commandes toutes deux passées et réalisées en 1922 ont donc été rendues possibles par les relations de voisinage, la proximité relationnelle et en quelque sorte « catalysées » par Adeline Oppenheim-Guimard et son activité de portraitiste. Ce parallèle peut être poursuivi sur la description des sépultures, aussi dissemblables qu’elles puissent paraître de prime abord. En effet, le monument Grundwaldt qui affecte la forme d’une chapelle, a été commandé par une famille opulente et a dû coûter beaucoup plus cher que la tombe Adès, plus modestement financée par une souscription.
Mais les analogies entre les deux sépultures sont plus nombreuses. Tout d’abord, elles abritent toutes deux un buste du disparu (en bronze et préservé à l’intérieur du monument pour Grunwaldt, en marbre et encadré au sein de la stèle pour Adès).
Dans les deux cas, les sépultures ne comportent pas de références confessionnelles,[42] ce que nous interprétons pour ces deux familles, l’une d’origine ashkénaze, l’autre d’origine séfarade, comme une volonté d’intégration à l’idéal républicain laïc de la Troisième République.
Enfin, ces deux tombes rappellent par leur décors les pays d’origine de leur premier occupant, avec un fronton de style néo-russe pour Grunwaldt,[43] une évocation de l’antiquité égyptienne et grecque pour Adès.
Nous profitons de cette comparaison pour évoquer un autre point commun, moins heureux celui-ci, entre les tombes : l’état préoccupant des deux sépultures qui ne cessent de se dégrader.
Un dernier point mérite d’être commenté : celui du changement dans les inscriptions qui est intervenu sur la stèle. La photographie prise à l’occasion du discours de Pierre Mille lors de l’inauguration de la tombe Adès permet de distinguer les inscriptions telles qu’elles avaient été conçues à l’origine par Guimard. On voit qu’il a soigneusement varié les tailles des caractères (« Adès », « Admirateurs » et dans une moindre mesure « Amis » étant ainsi mis exergue) et qu’il a groupé les inscriptions en trois paragraphes (l’identité du défunt, les commanditaires de la tombe, les œuvres littéraires du défunt).
Mais les photographies actuelles (prises à partir de 2003) montrent une toute autre disposition des inscriptions. Un « A » est apparu au-dessus du nom d’Adès qui reste en gros caractères alors que sur les autres lignes les hauteurs des lettres ont été plus ou moins égalisées. On constate aussi que si les « A » sont restés identiques à ceux d’origine, le dessin des autres caractères a changé (notamment les « E » et les « S ») et que les séparations entre les groupes de lignes se sont estompées. Ces changements qui affaiblissent l’originalité des inscriptions d’origine, ne sont probablement pas dus à Guimard. Nous hésitons à les attribuer au comité d’honneur qui aurait pu être insatisfait de la faible taille des titres des œuvres d’Adès. Faute d’informations plus précises[44], nous pensons qu’il s’agit plutôt d’une remise en forme des inscriptions qui ont progressivement été dégradées par les intempéries, comme le sont le reste des motifs sculptés. Cette modification a ainsi pu être commandée par la famille et exécutée par un graveur en lettres quelque peu routinier.
Signalons enfin que la tombe présente maintenant un état qui est devenu préoccupant et qui nécessite des travaux d’entretien sérieux avant qu’une dégradation irrémédiable ne survienne.
Frédéric Descouturelle et Olivier Pons
[1] Vigne, Georges ; Ferré, Felipe, Guimard, éditions Charles Moreau & Ferré, 2003, p. 252.
[2] Adeline Guimard a exposé le portrait du cardinal Louis Ernest Dubois (1856-1929), qu’elle avait réalisé en 1922, lors d’une exposition qui s’est tenue du 09 au 27 Novembre 1943 aux Arthur U. Newton Galleries, 11 East 57th Street, New York City.
[3] En 1918 lorsque Mme Veuve Léon Nozal demande à Hector Guimard de libérer les ateliers qu’elle lui louait avenue Perrichont prolongée, Hector écrit à Paul Léon (1874 – 1962), Directeur des bâtiments civils aux Ministère des Beaux-Arts pour lui demander de l’aide. Ce dernier accèdera rapidement à sa demande en lui proposant les hangars adossés à l’ancienne orangerie du Domaine de Saint-Cloud. Cf. Oppenheim-Guimard, Adeline. Papers. New York Public Library, MssCol 1264.
[4] Cf. note 1, p. 354-355.
[5] L’Égypte avait un statut politique complexe : elle était sous tutelle ottomane, officieusement sous protectorat britannique à partir de 1882, tout en étant dans la mouvance économique de la France pour les banques (le Crédit foncier), les usines de coton, de sucre (Say), la Compagnie du canal de Suez, etc. ; mais aussi de la Belgique (le baron Empain) et de l’Italie. Mais la France et l’Angleterre y exerçaient de fait un rôle dominant : rôle culturel et linguistique pour la première, politique et industriel pour la seconde. Au Caire et à Alexandrie, la diversité culturelle, linguistique et religieuse était patente. Il y avait, par exemple, une grande variété d’écoles au Caire : L’Alliance universelle (juive), arménienne, anglaises, allemandes et françaises. Outre l’arabe, le grec, l’arménien et le turc, trois autres langues étaient parlées : l’italien, le français et l’anglais. Le français était la langue officielle des cours de justice. En 1914, l’Angleterre mis un terme à la suzeraineté ottomane. En 1922, l’Égypte déclara unilatéralement son indépendance.
[6] Adès, Edmone, Adès chez Bergson. Reliques inconnues d’une amitié, éditeur N. de Fortin & fils, Paris, 1949.
[7] À propos de Lazare Weiller, voir plus bas : Le comité d’honneur et la souscription.
[8] Acte de naissance d’Edmone le 1er septembre 1916. Edmone Adès (Paris, 29/08/1916 – Drap, 05/02/2004) a adopté la carrière que son père aurait souhaité pour lui-même : elle a été aquarelliste et graveuse. Elle a exposé en 1957 à la Galerie Benézit, rue de Seine à Paris et en 1973 à la Bibliothèque nationale. Elle demeurait alors 174 bd Berthier à Paris. En 1962, elle effectue une estampe intitulée « Boulevard Berthier (face au) » qui se trouve à la Bibliothèque nationale, Département Estampes et photographie.
[9] Le Matin, 21/06/1920.
[10] Carnet d’Adeline Guimard, New York Public Library. Cette appréciation du portrait de Mme Adès montre bien qu’Adès se considérait aussi comme un peintre. Inès Adès préférait l’Égypte à Paris. À cette date, elle devait séjourner au Caire.
[11] Voir l’article d’Elena Fornero, « Reproduire la vie : l’influence d’Octave Mirbeau sur la dernière mouture du roman Le livre de Goha le simple d’A. Adès et A. Josipovici », 2018, cité en bibliographie.
[12] C’est pourquoi il se déclare « cubiste » lorsqu’il écrit à Adeline Guimard en juillet 1919.
[13] Selon https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k7650296t/f3.item.r=%22Emmanuel%20Gondouin%22.zoom
[14] Comme l’indique le certificat de décès d’Albert Adès, son père était déjà mort en avril 1921.
[15] Je dédie ce travail à Diane de Picciotto-Jorland (1916, Le Caire – 2020, Paris).
[16] L’annonce du décès d’Adès est notamment parue dans Le Figaro le 20 avril 1921, dans l’Univers israélite le 29 avril 1921 avant d’être reprise dans L’Écho sioniste le 1er janvier 1922.
[17] Dossier de la tombe Adès à la conservation du cimetière du Montparnasse, 29e division, réf. 129 perpétuelle 1921.
[18] Interview de Jules Adès dans le journal Paris-Midi du 7 janvier 1933. Jules (Josiah V.) Adès signale que A. Josipovici parlait le français encore mieux qu’il ne l’écrivait, mais qu’il manquait d’imagination. En revanche que celle d’Albert Adès était « ahurissante. Doué d’une grande sensibilité, très riche en idées – trop riche car désordonné et incapable de rien sacrifier au métier – Adès trouvait son parfait complément en Josipovici. » Josiah Adès a exposé des gouaches à Paris en décembre 1938, Le Temps, 02/12/1938.
[19] La situation des juifs en France était alors plutôt relativement enviable en regard de leur situation dans les autres pays européens, en bonne partie grâce à la Révolution Française qui a établi le principe de liberté du culte et de conscience, puis de Napoléon qui a organisé en 1806-1807 le Grand Sanhédrin (Tribunal Suprême) à Paris, une assemblée de 71 rabbins et laïcs qui établira en France le premier consistoire central et l’administration du culte juif dans l’Empire.
[20] Jean a eu trois épouses. La première Sacha Rabinovich a eu un fils Gabriel (David) Josipovici, né à Nice 8/10/1940. En raison de leur religion, ils ont dû fuir l’occupation de la France par les Nazis. Après avoir séjourné dans le Sud de la France, Sacha retourne en Égypte entre 1945 et 1956, puis émigre avec son fils en Grande Bretagne. Elle écrit des poèmes, traduit des écrits de Maurice Blanchot en français et d’autres écrits de l’italien vers l’anglais. Son fils Gabriel est un brillant universitaire contemporain qui écrit sur la musique, la peinture et le temps. Grâce à lui, des fragments de la vie familiale de ses père, mère et grand-père nous sont connus. A propos de sa mère, voir : A life. Biography of Rabinovich Sacha (9/12/1910, Le Caire – 23/3/1996, Brighton). Le lecteur intéressé pourra consulter le site de ce prolifique auteur : http://www.gabrieljosipovici.org
[21] En 1897, Octave Mirbeau a pris position (avec Zola et bien d’autres) en faveur du capitaine Dreyfus. En 1919, dans La Renaissance de l’art français, Adès a écrit un beau texte sur les tableaux et sculptures que possédaient les Mirbeau (Renoir, Pissarro, Cézanne, Van Gogh, Rodin…). Après le décès de son époux, Mme Mirbeau les vendra aux enchères pour établir une fondation au profit de La Société des Gens de Lettres.
[22] Voir plus bas : La tombe d’Albert Adès : le comité d’honneur et la souscription.
[23] À ne pas confondre avec l’hebdomadaire satirique et littéraire homonyme paru en 1903.
[24] Dans L’Europe nouvelle du 10/06/1922 (p. 719), Dominique Braga écrit que le livre inachevé d’Albert Adès n’aurait pas dû être complété par Berger et Obey.
[25] Cf. note 12. Emmanuel Gondouin (1883 – 1934) a effectué un portrait remarqué d’Octave Mirbeau en 1919. Magdeleine A-Dayot décrit l’exposition rétrospective en hommage à Gondouin qui a eu lieu en 1935 comme suit : « Rétrospective Emmanuel Gondouin, Galerie Druet, 20, rue Royale. Il était juste de faire connaître au public l’œuvre de l’admirable coloriste que fut le douloureux Emmanuel Gondouin. L’exposition qui vient de réunir ses œuvres est non seulement un hommage mérité, mais, aussi, une belle évocation d’un frisson d’art. » (p.359).
[26] Sur Ganem, voir Pierre Larcher « La réception des sîra-s en Occident : Antar de Chekri Ganem (1910) », dans Lectures du Roman de Baybars, sous la direction de Jean-Claude Garcin, collection Parcours méditerranéens, Éditions Parenthèses/MMSH, 2003, p. 245-261.
[27] La ville de Guéthary a donné à l’une de ses rues le nom de rue Comte de Swiecinski.
[28] Fernand Braun est décèdé à Paris, 14 avenue de la Grande Armée. Le 16 octobre 1912 il a épousé Alice Birman à Paris dans le Xe arrondissement. Le compositeur Camille Saint-Saëns qui a fait de fréquents séjours en Égypte, a été l’un des témoins de ce mariage. Deux enfants sont nés de ce mariage : une fille, Reine Marguerite et un fils, Marc André.
[29] Accessible sur le site de la Bibliothèque Nationale de France.
[30] Nubar (Nubarian) Pacha (Smyrne, 1825 – Paris, 1899) polyglotte arménien formé à l’école de Sorèze (Tarn) ainsi qu’à l’École égyptienne de Paris entre 1826 et 1831, a tout d’abord été l’interprète de différents khédives, puis plusieurs fois ministre ou premier ministre en Égypte. Il avait élu domicile à Paris bien avant sa mort dans la capitale.
[31] Mme Mirbeau était à Rennes avec son mari lors du procès où Dreyfus a été gracié en 1899.
[32] Le nom de Bergson a pour origine Berkesohn. Le grand-père paternel du philosophe est enterré au cimetière juif de la rue Okopowa à Varsovie. Henri Bergson était domicilié 47 boulevard Beauséjour, dans le XVIe arrondissment. La rencontre entre Bergson et Adès a eu lieu en 1917.
[33] Gustave Geffroy a publié en 1928 un livre intitulé Monet, sa vie, son œuvre qui sera réédité en 1980 à Paris, éditions Macula, 556 p.
[34] En 1919, lors du vote de l’académie Goncourt présidée par Geffroy, le livre d’Adès et Josipovici Goha le simple a recueilli quelques voix au premier tour mais Proust a remporté le prix avec A l’ombre des jeunes filles en fleurs. Cf. Laget (1983).
[35] Lors d’une vente aux enchères de dessins et de lettres d’Adès en juin 2017 (ALDE 1, rue de Fleurus 75006) un document mentionnait qu’Adès avait séjourné à Saint-Wandrille chez Georgette Leblanc et Maurice Maeterlinck, auteur adulé par Mirbeau.
[36] Saint-Saëns avait prodigué ses conseils pour la construction du grand orgue de la Salle Humbert de Romans de Guimard.
[37] Son concerto pour piano n° 5, le plus célèbre, composé en 1896 à Louxor, est surnommé L’Égyptien.
[38] Voir note 2.
[39] Voir note 3.
[40] La carrière scientifique, politique et internationale de Lazare Weiller est clairement présentée dans : https://www.histv.net/lazare-weiller-le-meteore.
[41] Il vient immédiatement à l’esprit l’homophonie du nom d’Adès avec celui du dieu grec Hadès qui, justement, règne sous terre et donc sur l’empire des morts. Guimard aurait-il voulu faire ainsi un clin d’œil amusé ou a-t-il plus simplement voulu évoquer la période ptolémaïque de l’Égypte ancienne ?
[42] Un cimetière israélite a existé au sein du cimetière du Montparnasse jusqu’en 1881. Postérieure à la destruction de cet emplacement, la tombe Adès est située dans une des divisions majoritairement occupées par des familles juives.
[43] On consultera à ce sujet l’article consacré à la tombe Grunwaldt sur notre site internet.
[44] Le dossier de la tombe que nous avons consulté à la conservation du cimetière ne contient aucune information quant aux travaux effectués, par Guimard ou par d’autres, ultérieurement.
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