Le monument commémoratif à Paul Nozal situé sur la commune de Le Tâtre en Charente (16) a bénéficié ces deux dernières années d’une campagne de mise en valeur exécutée par les services de la commune. Les travaux se sont achevés en fin d’année dernière.
Le processus d’inscription au titre des monuments historiques ayant abouti en 2021[1], nous avions été sollicités peu de temps après par le conseil municipal de la commune, soucieuse de restaurer le monument dessiné par Guimard et d’aménager son environnement immédiat. Surprise d’abriter sur son territoire ce qui était jusqu’à présent ignoré ou considéré au mieux comme une curiosité locale, la mairie cherchait à compléter ses connaissances sur l’histoire du monument.
Monument à Paul Nozal. Photo archives communales s.d.
En effet si l’accident automobile ayant provoqué la mort de Paul Nozal a été abondamment relayé dans la presse nationale et locale de l’époque, la date de l’installation du monument est moins précise, vraisemblablement antérieure à 1907[2]. Exécuté en pierre locale, son dessin est un rappel des piliers encadrant le portail d’entrée principal des magasins Nozal à Saint-Denis. Malheureusement, il a lui-même subi un accident dans les années 1960.
Le monument renversé et disloqué. Photo prise dans les années 1970. Archives du Cercle Guimard.
Longtemps remisé, il avait ensuite été réinstallé au même emplacement.
Le monument en 2012. Photo auteur.
Situation du monument en bordure de la Nationale 10 en 2012. Photo auteur.
Depuis la fin des années 2010, et par les hasards heureux d’un réaménagement routier, le monument ne se trouvait déjà plus en bordure de la dangereuse Nationale mais le long d’une petite voie communale dont la tranquillité seyait mieux à sa fonction. La mairie avait profité de l’occasion pour nettoyer la stèle noircie par la pollution et les intempéries. La pierre avait ainsi retrouvé sa blondeur originelle.
Le monument en 2022 après son nettoyage. Photo Bruno Dupont.
Ce nettoyage avait aussi permis d’améliorer la lisibilité de l’inscription en découvrant au passage les quatre « x » (pour « OZAL ») portés en exposant de la lettre « N ». Autre découverte : la lettre grecque « Ω », symbole de fin et d’éternité qui clôture opportunément le texte.
Inscription du monument après son nettoyage. Photo Bruno Dupont.
Il ne restait plus qu’à aménager les abords et à installer un panneau explicatif dont nous avions fourni le texte. C’est désormais chose faite depuis la fin de l’année dernière. Le monument a donc retrouvé un environnement paisible, et les vaches du pré voisin un peu de tranquillité…
Les abords du monument réaménagés fin 2023. Photo archives communales.
Panneau explicatif installé à côté du monument. Photo archives communales.
Ainsi que nous le faisons régulièrement, nous complétons et modifions les dossiers que nous publions sur le site de l’association au gré de nos recherches et de nos découvertes, mais aussi des informations que nos lecteurs nous communiquent en citant systématiquement nos sources et laissons de côté les théories au mieux distrayantes que l’on nous signale parfois sur internet.
Concernant le drame familial survenu en Charente et plus globalement sur les relations entre la famille Nozal et Hector Guimard, nous renvoyons nos lecteurs vers le dossier en deux parties déjà publié sur le site de l’association et qui vient d’être enrichi de documents inédits et de nouvelles informations issus des archives familiales et du Cercle Guimard : voyage de Paul Nozal et Hector Guimard à l’été 1901, clichés inédits du Chalet Blanc/La Surprise en construction et de la famille Nozal dans leur propriété du Ranelagh :
Bonne lecture.
Olivier Pons
Notes
[1] Inscription par arrêté du 09 avril 2021.
[2] Grâce au pèlerinage annuel effectué par la famille Nozal sur les lieux du drame, nous savons néanmoins que la stèle était en place en 1907.
Durant les mois de juillet et de septembre 2023, la villa Berthe – la Hublotière située au Vésinet (78) ouvrira ses jardins au public. L’occasion est idéale pour le visiteur d’admirer d’un peu plus près cette œuvre remarquable construite par Hector Guimard en 1896.
Contemporaine du Castel Béranger dont elle reprend certains traits, la Hublotière est considérée comme la première œuvre Art nouveau de Guimard. L’ouverture des jardins de cette demeure bourgeoise permettra notamment de découvrir l’étonnante façade arrière – invisible de la rue – et d’approcher son toit-terrasse souligné d’élégantes ferronneries d’époque.
Façade avant de la Hublotière. Droits réservés.
L’ouverture est prévue tous les jours du 1er au au 21 juillet inclus, de 9h à 15h, ainsi que du 6 au 30 septembre inclus, du mercredi au dimanche, de 9h à 15h. Le tarif est d’1€ par personne. Les visites sont libres et sans réservation.
Façade arrière de la Hublotière. Droits réservés.
Durant le week-end des Journées européennes du patrimoine, les 16 et 17 septembre prochains, des animations sont prévues avec, notamment, la présence de sculpteurs.
Nous vous souhaitons une bonne visite et saluons les propriétaires à l’origine de cette heureuse initiative.
La villa Berthe – La Hublotière, 72 route de Montesson, 78110 Le Vésinet
https://lahublotiere.com/
Nous publions cet article dans le cadre d’une série de textes sur les liens entre Guimard et les États-Unis inaugurée en début d’année[1]. Nous verrons qu’ici le lien est indirect et le fruit du hasard mais il permet surtout d’évoquer cette réalisation de Guimard restée discrète et sa place au sein de son œuvre.
Nos lectrices et lecteurs attentifs se souviennent peut-être de la première fois où nous avons évoqué l’existence de cette réalisation inédite de Guimard. C’était en 2013 à l’occasion d’une vente parisienne dans laquelle deux chaises, dont nous soupçonnions qu’elles avaient fait partie de l’ameublement de ce salon de thé, étaient proposées aux enchères (https://www.lecercleguimard.fr/fr/objets-guimard-ou-non-a-la-vente-sothebys-du-16-fevrier-2013/).
Chaises restaurées du salon de thé Lecante vendues aux enchères en 2013. Cuir de l’assise et du dossier moderne. Le monogramme visible sur le médaillon du dossier a été restitué à l’identique. Photo Sotheby’s.
En effet, ce modèle ne nous était pas totalement inconnu puisque deux chaises équivalentes étaient déjà passées en vente en 1989. Une comparaison minutieuse des deux paires nous apprenait qu’il s’agissait en fait des mêmes meubles qui avaient fait l’objet d’une restauration.
Extrait du catalogue de la vente aux enchères de 1989. Selon les témoignages familiaux, les lanières en cuir de l’assise avaient déjà été refaites à l’identique. Le monogramme du médaillon en cuir du dossier est presque effacé mais l’on distingue encore les trois lettres STL. Coll. auteur.
La notice du catalogue de 1989 acquis peu de temps auparavant[2] nous donnait déjà plusieurs informations. En plus d’une photo et des caractéristiques des deux chaises, alors dans un état moyen (résultat d’un séjour prolongé dans le grenier familial), elle précisait la provenance des meubles bien qu’une faute d’orthographe malheureuse nous ait induite en erreur quelque temps[3].
Grâce aux archives commerciales parisiennes puis à la découverte d’une mention sur un dessin du fonds Guimard, enfin à l’étude du monogramme figurant sur le dossier des chaises[4], nous avions réussi à établir le lien avec les époux Lecante, propriétaires d’un commerce entre 1898 et 1927 qui a bénéficié à l’époque d’une certaine notoriété : la maison Doret, une pâtisserie située 17 rue de Rome à Paris (75008).
Notre curiosité étant quelque peu aiguisée, nous avons mis à profit ces dernières années pour tenter d’en apprendre un peu plus sur cette mystérieuse réalisation de Guimard passée totalement inaperçue au sein de la littérature consacrée à Guimard au cours de ces dernières décennies. Un article de presse relatant l’inauguration de « la Maison de Thé moderne de Lecante » permettait d’en préciser la date puis la découverte de l’identité du propriétaire de l’immeuble de la pâtisserie d’établir le lien direct avec Guimard. Enfin, des recherches généalogiques récentes nous ont mis en relation avec les descendants des époux Lecante. Nous en profitons pour remercier chaleureusement les familles Pi, de Ricou, Sassot et Serra pour leur accueil et leur bienveillance, en particulier Mme Françoise Pi, la mémoire de la famille, dont les souvenirs précieux nous ont aidés dans notre compréhension de l’histoire et du contexte familial[5].
D’une manière générale, les difficultés rencontrées pour trouver des informations sur le salon de thé Lecante tiennent à la quasi-absence de documents ni même de mentions au sein des différents fonds Guimard conservés en France et à l’étranger mais aussi dans les archives familiales qui ont disparu en grande partie au gré des évènements du siècle dernier. À notre connaissance, la seule évocation par Guimard de cette réalisation se trouve dans un document résumant sa carrière qu’il a rédigé en 1925 pour Henri Clouzot, conservateur du musée Galliera. Il y mentionne des « salons de thé » au chapitre des décors d’intérieurs et ameublements[6]. Cette paire de chaises reste donc à ce jour le seul mobilier connu provenant du salon de thé Lecante.
Même si les informations sur cette œuvre demeurent lacunaires — notamment d’un point de vue iconographique – la présentation d’une des deux chaises au sein de l’exposition sur Guimard qui se tiendra à Chicago à partir du 22 juin prochain (après celle de New York qui se termine[7]) nous a incités à publier nos recherches.
Affiche de l’exposition Guimard sur les grilles du Cooper Hewitt, Smithsonian Design Museum de New York, 17 novembre 2022. Photo auteur.
La maison Doret, une pâtisserie familiale
Le 21 avril 1898, le couple formé d’André (Albert) Lecante (1853-1912) et (Marie) Berthe née Robert (1859-1944) rachetait le fonds de commerce occupé par une pâtisserie, la maison Doret, situé 17 rue de Rome[8]. Cette profession ne leur était pas inconnue puisqu’ils tenaient précédemment (depuis 1886) une autre pâtisserie située à Nogent-sur-Marne[9] dont la spécialité était le Valdaï, un gâteau russe.
Carton publicitaire de la pâtisserie Lecante de Nogent-sur-Marne. Coll. part.
Si le quartier dans lequel ils venaient de s’installer présentait en cette fin du XIXème siècle à peu près la même physionomie qu’aujourd’hui, la fin des transformations principales était récente. Entre 1837 et 1889, le secteur n’avait cessé de se structurer au rythme du prolongement et des agrandissements de son élément principal, la gare Saint-Lazare, qui avait vu sa fréquentation augmenter de manière exponentielle avec le développement des lignes de fer vers l’Ouest parisien et la Normandie[10].
La cour de Rome et l’ancienne gare Saint-Lazare en 1885. Photo Louis Émile Durandelle, Archives de Paris.
Suivant le mouvement, l’ouverture de la rue de Rome s’est faite progressivement : la section comprise entre la rue Saint-Lazare et le boulevard des Batignolles a été ouverte en 1850, celle comprise entre le boulevard Haussmann et la rue Saint-Lazare date de 1868. La construction du bâtiment haussmannien dont le rez-de-chaussée était occupé par la maison Doret remonte à cette époque.
Avant son rachat par les époux Lecante en 1898, un commerce de pâtisserie existait déjà à cet emplacement puisqu’un certain Bonnard spécialisé dans les tartes de Linz (ou Linzer-Tartes) — une spécialité viennoise aux framboises ou à l’abricot[11] — y était établi au début des années 1870. C’est au moment de son rachat le 03 octobre 1875[12] par Henry Doret (1829-1897) que la pâtisserie prendra définitivement son nom. En 1884, Henry Doret cédait la pâtisserie à son fils Célestin[13] qui lui-même s’en séparait en 1898 au profit d’Albert et Berthe Lecante. Ceux-ci avaient donc bien compris le potentiel représenté par un tel emplacement, idéalement situé en face de la gare Saint-Lazare.
Carte postale ancienne de la rue de Rome vers 1900. Sur la gauche on aperçoit l’enseigne Doret coiffant le store clair de la pâtisserie faisant face à la gare Saint-Lazare. Coll. auteur.
Sur les menus de l’époque parvenus jusqu’à nous, on y retrouve les tartes de Linz qui ont fait la renommée de l’établissement mais aussi les spécialités du couple Lecante comme le Valdaï russe ainsi que toutes les recettes qu’une pâtisserie de cette époque se doit de proposer à sa clientèle[14].
Carte publicitaire, c. 1900. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
Facture de la maison Doret, 1899. Coll. auteur.
L’intervention de Guimard
Entre la fin du XIXème siècle et le milieu des années 1900, la maison Doret a connu une période prospère. Entre-temps les époux Lecante ont marié leurs deux filles — Louise en 1901[15] puis Henriette en 1904 qui s’est uni avec Charles Bricard[16], un chef d’entreprise à la tête d’une affaire de vitrauphanie florissante — mais ils se sentaient à l’étroit dans leur commerce de la rue de Rome essentiellement constitué d’un espace de vente à emporter.
Au mariage d’Henriette Lecante et Charles Bricard en novembre 1904, parents et beaux-parents de la mariée sur les marches de l’église. Numérisation à partir de plaque de verre. Archives familiales.
Cherchant à s’agrandir afin de donner un nouvel élan à leur affaire, ils souhaitaient offrir à leur clientèle et aux voyageurs de la gare Saint-Lazare un nouvel espace de dégustation tout en se démarquant de la concurrence nombreuse dans le quartier.
Une telle opération ne pouvait se faire qu’avec une modification du bail commercial et donc l’accord de la propriétaire de l’immeuble. Or celle-ci n’était autre que Mme Grivellé[17]… Les spécialistes de Guimard connaissent bien Appolonie Grivellé (1838-1933) [18] parfois considérée comme sa marraine. Elle a joué un rôle central dans la vie et la carrière de l’architecte tant à ses débuts en lui offrant ses premières commandes que par la suite – l’exemple de la maison Doret en est une nouvelle démonstration — alors même que Guimard était déjà bien installé professionnellement. Il apparait évident que c’est grâce à l’entremise d’Appolonie Grivellé que les époux Lecante ont fait appel à l’architecte dont ils ne pouvaient ignorer par ailleurs qu’il était l’auteur des accès de métro situés à quelques pas de leur boutique.
À la faveur d’une modification du bail intervenu le 31 mai 1905, le couple Lecante a donc obtenu la jouissance de plusieurs nouveaux locaux comprenant un appartement à l’entresol, un autre au 5ème étage, qui deviendra l’appartement familial, et six chambres de domestiques au 6ème étage où seront logés une partie du personnel. Enfin le bail va leur donner les moyens de réaliser leur projet d’agrandissement en les autorisant à créer un accès entre la boutique et l’appartement de l’entresol et à y installer une maison de thé[19].
Devanture de la pâtisserie Doret, 17 rue de Rome à Paris (75008). Carte postale ancienne. Coll. auteur.
C’est donc dans cet espace situé juste au-dessus de la boutique, qu’Albert et Berthe Lecante ont décidé d’aménager leur salon de thé et de faire appel à Guimard pour le décorer et le meubler. Celui-ci s’est exécuté de bonne grâce d’autant que les aménagements commerciaux de ce type étaient rares jusqu’à présent dans son parcours professionnel[20]. Peut-être avait-il aussi une revanche à prendre sur un projet similaire, le salon de thé Melrose, probablement jamais réalisé et qui aurait dû prendre place à quelques rues de la maison Doret[21]. Pour Guimard il s’agissait donc d’honorer une commande inédite rejoignant (ou devançant) certains de ses confrères dans cet exercice dont les grandes villes européennes étaient friandes à l’époque.
Depuis le milieu des années 1890 la mode s’était emparée de ces lieux de convivialité et de représentation qu’étaient les cafés, les restaurants ou encore les fumoirs. Création plus récente, le salon de thé – parfois appelé tea room ou five o’clock par anglomanie — n’échappait pas à la règle. Il occupait d’ailleurs un genre à part entière, distinct du café et du restaurant. Devenu un lieu de rendez-vous élégant et de bonne compagnie, on y consommait entre ami(e)s aussi bien des boissons que des spécialités salées ou sucrées. De plus, de façon avouée ou non, les salons de thé luttaient contre la propagation de l’alcoolisme dont on accusait alors les cafés, les bars et les brasseries.
The Willow Tea Rooms, Charles Rennie Mackintosh, Glasgow. Source Wikipédia.
Dans le style moderne, la série des tea rooms de Mrs Cranston décorés par Charles R. Mackintosh à Glasgow figuraient parmi les plus célèbres en Europe mais Paris présentait quelques aménagements intéressants comme le salon de thé de la maison Potin.
Salon de thé de la Maison Potin, rue de Rennes à Paris. Décoration et composition par Lavau, architecte Auscher, c.1905. La Décoration ancienne et Moderne 1906. Coll. auteur.
La province n’était pas en reste et dans la ville où l’art décoratif moderne s’était le mieux développé, le tea room des Magasins Réunis à Nancy aménagé par Louis Majorelle était l’un des plus raffinés.
Salons du tea room aménagé par Majorelle au sein des Magasins Réunis à Nancy, c.1909. Coll. part.
Au milieu de cette année 1905, cette commande est arrivée à point nommé pour Guimard au moment où il terminait l’un de ses chefs d’œuvre, l’hôtel Nozal. Le gros œuvre était achevé et même si une partie de la décoration intérieure de cet hôtel particulier devait se poursuivre pendant encore un an, son achèvement a certainement allégé l’emploi du temps de l’architecte. C’est d’ailleurs sans surprise que la seule mention se référant à ce projet dans le fonds Guimard à Orsay se situe au dos d’un dessin se rapportant à l’hôtel Nozal[22].
Dessin de la porte d’entrée principale de l’hôtel Nozal portant la mention du salon de thé. Coll. musée d’Orsay.
Quelques mots écrits à la hâte : « Lecoeur – profilé table à thé – Lecante » nous renseignent doublement. Tout d’abord sur le type d’ameublement (assez logiquement des tables à thé accompagnaient les chaises) mais aussi sur la société à laquelle Guimard a fait appel pour réaliser au moins une partie du mobilier du salon de thé, l’entreprise Le Cœur et Cie[23]. Cette menuiserie était capable d’effectuer à la fois les travaux les plus considérables comme des travaux artistiques de premier plan. La maison Le Cœur qui s’est très tôt qualifiée de « Menuisier d’Art » s’était attirée les faveurs des architectes et décorateurs les plus en vue de l’époque qui lui commandaient des travaux sur mesure[24]. Cette société avait déjà travaillé pour Guimard à plusieurs reprises depuis Le Castel Béranger dont elle avait réalisé les menuiseries[25]. Lui qui se qualifiait volontiers d’« Architecte d’Art », il avait trouvé chez ce menuisier la possibilité de sous-traiter ponctuellement la fabrication en petites séries de meubles de qualité que ses ateliers de l’avenue Perrichont — non dimensionnés pour ce type de commandes — ne lui permettaient pas de réaliser.
Pour le dessin des chaises, Guimard, peut-être pressé par les délais et probablement aussi par souci d’économie s’est inspiré, en le simplifiant, d’un modèle exposé l’année précédente au Salon d’automne de 1904. Les sculptures bourgeonnantes qui ornaient deux des montants du dossier ont ainsi disparu, remplacées par de fines rainures qui accompagnent les courbes élégantes du dossier. Seules les extrémités latérales du médaillon accueillant le monogramme ont conservé une sculpture figurant une fleur stylisée libérant des grains de pollen. Sans surprise Guimard a utilisé un de ses bois favoris, le poirier, dont le grain serré se prêtait admirablement à l’expression du style qui portait désormais son nom.
De gauche à droite, chaise présentée au Salon d’automne de 1904. Bibliothèque des Arts Décoratifs, Paris. Photo Laurent Sully Jaulmes. Le même modèle en collection privée. Photo Macklowe Gallery. Chaise du salon de thé de la Maison Doret vendue par Sotheby’s en 2013. Photo Sotheby’s.
Le salon de thé Lecante a ouvert ses portes en fin d’année 1905. Au mois de décembre, la revue La Critique s’est faite l’écho de l’inauguration, dans une ambiance très mondaine, de la « Maison de Thé Moderne de Lecante » dans un bel article qui donne une idée relativement précise des aménagements réalisés par Guimard provoquant d’autant plus une certaine frustration en l’absence de photos parvenues jusqu’à nous… La Critique ayant soutenu Guimard dès ses débuts[26], nous ne sommes pas surpris du ton particulièrement flatteur employé dans l’article et de retrouver la garde rapprochée de l’architecte parmi les invités : Stanislas Ferrand, directeur du journal Le Bâtiment, G. Beauregard, député de Paris, Georges Bans, directeur de La Critique et bien sûr fidèle parmi les fidèles, le poète Alcanter de Brahm, chargé de prononcer quelques paroles.
Nous retranscrivons ci-dessous les meilleurs passages de cet article intitulé « Le Style Guimard » en respectant la ponctuation, l’orthographe et la casse du texte d’origine.
« Nous avons eu le plaisir de trouver l’une des meilleures applications de la méthode artistique de notre maitre architecte Hector Guimard, près de la Gare Saint Lazare, à la pâtisserie Doret, 17, rue de Rome. Des salons de Thé ont été aménagés avec tout le luxe et le confort modernes. Des ors, des glaces et des cristaux lumineux encadrent des meubles dessinés avec art et exécutés comme pour un musée.
(…) A l’inauguration, après les allocutions très chaleureuses (…) auxquelles a répondu avec une cordiale émotion M. Hector Guimard, M. Alcanter de Brahm, au nom de la critique d’avant-garde qui fut la première à discerner le sens novateur de l’esthétique du brillant architecte d’art, a prononcé quelques paroles dont voici la substance :
C’est un sentiment de courtoisie que vous trouverez bien naturel à l’égard de notre cher Hector Guimard, qu’au nom des premiers amis de ses heures de lutte résolue contre les préjugés scolaires de l’architecture classique, je me présente ici, modeste interprète de la jeune génération de la Critique de saluer d’un ton cordial notre cher amphitryon.
Car cet hommage, qui est en même temps une marque de reconnaissance et d’admiration, coïncide avec un nouveau triomphe. Au cœur de Paris dont il avait déjà su égayer la monochromie des gares par la sveltesse de ses lignes élégantes et vives, voici la Maison de Thé moderne de Lecante, installée avec tout le charme désirable, avec, jusqu’aux plus habituels objets mobiliers, chaises, tapis, vases, et jusqu’aux girandoles, d’où jaillit, miraculeuse, la lumière étincelante, le tout révélateur d’un art exquis et non plus renouvelé d’autrefois, mais créé pour la magie inépuisable d’un artiste sincère et véritable.
Après le Castel Béranger, la maison Boileau, l’hôtel Nozal, le véritable palais de l’avenue de Versailles, après cent autres trouvances, qui, si elles ne permettent pas à la présomption (…) de la qualifier « nouveau style ou modern style » affirment délibérément leur raison de s’appeler « style Guimard ». Voici la Maison de Thé, rendez-vous assuré du bon ton et de l’élégance parisienne.
(…) C’est le triomphe après cette bataille livrée contre la banalité traditionnelle, que nous sommes fiers de célébrer, en levant notre verre à la gloire et aux succès actuels et futurs de notre cher Guimard ».
A partir de 1905, la mention « salons de goûter » a fait son apparition sur les menus pour mettre en avant la nouveauté. « Lecante Successeur » continue à s’afficher en grosses lettres en travers du menu aux côtés d’un petit « Ancienne Maison Doret ». Cette dernière appellation ne disparaitra d’ailleurs jamais complétement puisque plusieurs offres d’emploi publiées autour de 1910 reprennent la raison sociale d’origine.
Menu d’époque de la maison Doret. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
Si l’intervention de Guimard s’est probablement cantonnée aux salons de thé de l’entresol et n’a pas concerné la boutique du rez-de-chaussée, nous pensons qu’il est peut-être à l’origine des ajouts sur la devanture qui apparaissent à partir de cette époque. Sur une photographie prise durant les inondations de 1910, la pâtisserie semble habillée d’une structure.
Photographie des inondations à la gare Saint-Lazare prise le 29 janvier 1910. L’emplacement de la maison Doret est entouré de rouge. Cliché Albert Chevojon. Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
Plusieurs poteaux, probablement en bois, s’élèvent de la base de la devanture et viennent supporter les jardinières fleuries de l’entresol pour souligner la présence nouvelle du salon de thé au-dessus de la pâtisserie.
Détail de la photographie précédente.
André Lecante est décédé le 19 janvier 1912 laissant son épouse seule à la tête de la maison Doret et face à un voisin de plus en plus envahissant, la Pharmacie de Rome A. Bailly, qui ne cessait de s’agrandir et lorgnait sur cette enclave commerciale qui lui échappait. C’était sans compter avec le caractère bien affirmé de Berthe peu disposée à se séparer de la boutique.
Entête d’une facture de la Pharmacie de Rome A. Bailly datée de 1919. Droits réservés.
Pendant encore une quinzaine d’années, elle a dirigé la Maison Doret entretenant des relations parfois tumultueuses avec son encombrant voisin[27].
Au milieu des années 1920, elle a délégué la gérance au couple Tiphaine-Peyta avant de lui céder définitivement le fonds de commerce (et pour un très bon prix) le 16 mai 1927[28].
Enfin une petite annonce datée du 12 juin 1927 est venue mettre un terme définitif à cette aventure. Quelques mots informaient l’acheteur potentiel de la vente de l’ensemble du « Matériel pâtisserie, articles confiserie, mobilier magasin, salon de thé, placards, etc. – 17 rue de Rome » [29]. S’il restait encore du mobilier de Guimard à cette époque, il est probable que cette vente a fini de le disperser…
Berthe Lecante assise au centre, vêtue de noir, entourée des familles Bricard et Leclercq en 1926 à Cosne-sur-Loire où était située l’usine de vitrauphanie. Archives familiales.
Heureusement, la paire de chaises parvenue jusqu’à nous avait été conservée par la famille grâce à la volonté d’un homme. L’architecte Georges Bovet (1903-1980), père des descendants actuels, connu pour ses réalisations plus modernistes[30] qu’Art nouveau ne pouvait cependant pas ignorer qui était Guimard, lui qui installera son agence au début des années 1960, 21 avenue Perrichont (Paris 16è) à deux pas des anciens ateliers de l’architecte… Bien conscient de la valeur de ces deux meubles, il avait insisté pour qu’ils soient gardés par la famille.
De la décoration fixe imaginée par Guimard pour le salon de thé Lecante, il ne reste plus rien aujourd’hui. Les plans d’origine n’ont pas été retrouvés et le bâtiment a subi de lourdes transformations intérieures à la suite des agrandissements de la Pharmacie A. Bailly qui a progressivement racheté tout l’immeuble.
Seule la consultation du dossier de permis de construire de 1968 permet d’accéder à des plans complets et de se faire une idée approximative de la configuration des lieux. L’entresol du 17 rue de Rome fait apparaitre un espace encore bien délimité d’une soixantaine de m² qui semble correspondre à l’appartement d’origine occupé par le salon de thé. L’escalier entre la boutique du rez-de-chaussée et le salon de thé de l’entresol est toujours en place et la disposition des lieux laisse penser que trois petits salons ont pu être aménagés par Guimard.
Détail du plan de l’entresol, 17 rue de Rome montrant l’emplacement supposé du salon de thé Lecante. Archives de Paris.
Au cours de nos échanges avec les descendants de la famille, une question revient souvent : qu’est-il advenu de tout le reste[31] ? L’aménagement de trois salons de thé suppose un ameublement conséquent. Où sont donc passés les autres chaises, les tables à thé, les tapis, les vases ou encore les girandoles décrits par Alcanter de Brahm en 1905 ? Nos recherches dans la base du mobilier Guimard en cours de constitution ne nous ont pas encore permis de rattacher d’autres meubles ou objets avec certitude à cette réalisation tout comme nos tentatives pour en trouver des photographies.
Chaise du salon de thé Lecante. Galerie Robert Zehil.
Pourtant, bien que relativement modeste, le caractère unique de cette réalisation au sein du corpus des œuvres de Guimard, sa place à une période charnière de sa carrière qui voit son style s’assagir et s’affiner, à une période où il maitrise la quasi-totalité des champs d’application des arts décoratifs, font de l’étude du salon de thé Lecante un sujet particulièrement intéressant.
A l’instar de nos précédents dossiers, nous espérons que la publication de cette étude permettra d’améliorer les connaissances sur cette œuvre et lançons donc un appel en ce sens à nos lectrices et à nos lecteurs qui accepteraient de partager de nouvelles informations. Nous poursuivons les recherches de notre côté et ne manquerons pas de vous tenir informés.
Olivier PONS
[1] Voir l’article de Marie-Claude Paris et Olivier Pons « Le premier voyage de Guimard aux États-Unis – New York 1912 », Le Cercle Guimard, février 2023.
[2] Lot 89 de la vente aux enchères Binoche-Godeau le 20/03/1989 à Paris.
[3] La mention sur la provenance est rédigée de la manière suivante : « Provenance : Maison Dore à Paris ».
[4] Le monogramme est composé des trois lettres STL entrelacées pour « Salon de Thé Lecante ».
[5] Nous remercions vivement M. Edouard Derville pour ses précieuses recherches généalogiques ainsi que Laurent Sully Jaulmes, la galerie Robert Zehil, la galerie Macklowe et Sotheby’s pour les photos des chaises.
[6] Feuillet composé de cinq pages dont quatre manuscrites, 1925. Coll. auteur.
[7] Cette exposition se tient au Cooper Hewitt, Smithsonian Design Museum de New York jusqu’au 21 mai 2023, puis du 22 juin 2023 au 7 janvier 2024 à Chicago au (Richard H.) Driehaus Museum.
[8] Archives commerciales de la France du 23 avril 1898.
[9] Archives commerciales de la France du 20 mars 1886 : la pâtisserie de Nogent-sur-Marne située 98 Grande-Rue (aujourd’hui Charles de Gaulle) avait été rachetée à un certain Roux le 2 mars 1886.
[10] Une gare provisoire est construite en 1837 suivie dans les années 1840 à 1850 d’une première gare définitive réalisée par l’architecte Armand et l’ingénieur Flachat avec un allongement des voies vers le sud. Enfin de 1885 à 1889, le bâtiment est détruit pour laisser la place à une nouvelle construction de l’architecte Lisch doté de sa façade actuelle tandis que la cour du Havre est aménagée à la place de l’ancien bâtiment.
[11] Voir Lacam et son célèbre « Mémorial historique et géographique de la pâtisserie », 1900.
[12] Archives commerciales de la France du 07/10/1875.
[13] Archives commerciales de la France du 22/05/1884.
[14] A l’époque, une pâtisserie ne s’entendait pas au sens strict d’une boutique dans laquelle on achetait et emportait des gâteaux, mais aussi comme une sorte de restaurant où l’on pouvait manger, parfois sur place, des tartelettes, des bonbons ou encore des glaces mais aussi des plats salés tout en buvant de l’eau frappée, du lait, des sirops ou des vins.
[15] (Berthe) Louise (Andrea) : 1880-1922 mariée le 08/07/1901 (Paris 8è) à Alphonse (Auguste Joseph) Leclercq (1873-1950) dont trois enfants (Robert, Geneviève et Marie Louise Berthe).
[16] Henriette (Marie Joséphine) 1882-1944 mariée le 19/11/1904 (Paris VIIIème) à Charles (Édouard Auguste) Bricard (1878-1939) dont trois enfants (Andrée-Paule, Thérèse et Jacqueline Georgette).
[17] Registre des hypothèques, volume n° 84, folio n° 78, Archives de Paris.
[18] Voir l’article de Marie-Claude Paris « De Lyon à Paris, Hector Guimard et ses proches : famille, voisins et clients », Le Cercle Guimard, juillet 2020.
[19] Revue des loyers, 7ème année, n° 70.
[20] La seule réalisation recensée de ce type est l’armurerie Coutollau située à Angers dont Guimard avait dessiné la devanture et aménagé les intérieurs.
[21] Plusieurs dessins du fonds Guimard à Orsay datés de 1896 concernent ce projet de salon de thé qui devait être une dépendance du théâtre de la Bodinière, 16-18 rue Saint Lazare (Paris IXème).
[22] Fonds Guimard au musée d’Orsay. Côte GP 1076. Le recto représente une partie de la porte d’entrée principale de l’hôtel Nozal.
[23] Joseph Théodore Le Cœur (1860-1904), ingénieur des arts et manufactures, était à la tête de l’entreprise familiale Le Cœur et Cie dont l’usine était située 141 rue Broca à Paris (XIVème).
[24] La maison Le Cœur et Cie a notamment réalisé toutes les boiseries et les menuiseries (dont les cheminées) de l’hôtel particulier que l’architecte Xavier Schoellkopf a fait construire en 1898, 4 avenue d’Iéna (Paris XVIème).
[25] On retrouve notamment la maison Le Cœur et Cie parmi les collaborateurs de Guimard qui ont participé à la construction du pavillon « Le Style Guimard » pour l’Exposition de l’Habitation de 1903.
[26] Nous renvoyons nos lecteurs aux nombreux articles du Cercle Guimard faisant référence à La Critique. Cette revue littéraire et artistique progressiste éditée entre 1895 et 1920 a régulièrement mis en avant les idées et les travaux de Guimard.
[27] Selon les témoignages familiaux, la maison Doret et la Pharmacie de Rome s’accusaient mutuellement de mauvaises odeurs…
[28] Archives commerciales de la France des 24 mai et 03 juin 1927.
[29] L’Intransigeant du 12 juin 1927.
[30] Élève de Tony Garnier à l’École régionale d’architecture de Lyon en 1921 puis d’Emmanuel Pontremoli à l’École des beaux-arts de Paris, Georges Bovet a été 1er second Grand Prix de Rome en 1931. Il remporte le concours pour l’hôtel de ville de Bois-Colombes (92) et obtient son diplôme en 1938. Il s’est illustré en construisant des œuvres liées aux domaines de l’éducation et du sport. On lui doit notamment le Centre nautique de Valence en 1950, un lycée de garçons à Pau en 1955, l’Institut National des Sports dans le bois de Vincennes entre 1934 et 1962 ou encore certains bâtiments du Campus universitaire de Grenoble entre 1965 et 1968.
[31] La famille conserve par ailleurs de la vaisselle aux chiffres de la maison Doret mais qui n’a visiblement pas été dessinée par Guimard.
Alors que le Cooper Hewitt, Smithsonian Design Museum de New York[1] a inauguré en fin d’année dernière une exposition consacrée à Hector Guimard[2], qui se déplacera ensuite à Chicago, nous publions le premier d’une série d’articles portant sur les liens directs ou indirects entre l’architecte et les États-Unis. Dans ce premier texte, il nous a semblé opportun de retracer le premier contact de Guimard avec les États-Unis au printemps 1912.
A la suite du décès de son beau-père, le banquier américain Edward Oppenheim le 23 novembre 1911 à New York[3], Guimard s’y est rendu à la mi-mars 1912 en compagnie de son épouse Adeline pour une durée d’environ deux mois. Il s’agissait donc à la fois d’un voyage privé, doublé comme nous allons le voir, d’un voyage professionnel. Guimard est intervenu en effet en tant que vice-président de la Société des artistes décorateurs, rôle qu’il n’occupait pourtant plus depuis quelques mois[4]. Il est vrai que se présenter sous cette étiquette lui conférait une légitimité pour évoquer certains sujets quitte à s’arranger légèrement avec la réalité.
Le récit de ce voyage a commencé d’ailleurs très tôt puisqu’un article a relaté la présence de Guimard dans le paquebot le conduisant de l’autre côté de l’Atlantique. Même si ce premier texte peut paraître anecdotique, il rend compte de l’état d’esprit avec lequel l’architecte aborde ce premier voyage américain. C’est pourquoi nous en proposerons les meilleurs passages.
La presse américaine a ensuite rendu compte à plusieurs reprises des rencontres professionnelles qu’Hector a effectuées lors de ce premier séjour. Les textes étant parfois redondants, nous n’en proposerons pas toutes les traductions mais uniquement la version française des trois récits publiés dans les journaux The New York Times du 5 avril 1912, The Calumet du 23 avril 1912 — dans lesquels ne sont pris en compte que les passages directement liés à Guimard — et The American Architect de mai 1912. Nous nous contenterons pour finir d’énumérer les autres journaux qui s’en sont fait l’écho.
On peut noter que la présence d’Adeline Oppenheim-Guimard n’est mentionnée dans aucun de ces articles. Cependant nous formulons l’hypothèse qu’elle était présente lors des interviews dans la mesure où Guimard ne pouvait pas s’exprimer en anglais[5]. Par ailleurs, grâce à une carte postale envoyée en 1912 par Guimard aux personnels de ses bureaux de l’avenue Mozart[6] nous savons qu’Hector a voyagé sur l’un des deux fleurons transatlantiques de la compagnie anglaise Cunard mais sans toutefois préciser lequel du Mauretania ou du Lusitania l’avait accueilli à son bord. Les registres de la Ellis Island Foundation et l’article de presse que nous allons évoquer maintenant nous apprennent qu’il s’agit du second paquebot[7] : le couple Guimard a embarqué sur le Lusitania à Liverpool le 09 mars 1912 à destination de New York qu’ils ont atteint le 15 mars 1912.
Le paquebot Lusitania de la Cunard. Source Wikipédia.
À bord du paquebot, la rencontre fortuite entre un célèbre illustrateur et caricaturiste anglais, Harry Furniss (1854-1925, l’auteur du texte) et son voisin de salon qui n’est autre que « (…) the distinguished French architect, Mons. Hector Guimard (…) », constitue le premier témoignage connu du voyage de l’architecte aux États-Unis[8]. Furniss précise qu’il s’agit ici du premier voyage américain de Guimard dont l’objectif est d’étudier « les gratte-ciel et autres excentricités des architectes américains ». Puis d’un ton peu amène, il indique que Guimard « ne semble pas aimer les gratte-ciel d’acier et de brique » osant même poser la question qui fâche : « (…) il [Guimard] demande pathétiquement : pourquoi l’Amérique n’aurait-elle pas une architecture distincte ? ». Nous verrons que cette réflexion qui est une des préoccupations majeures de Guimard sur la capacité d’un pays ou d’une ville à se doter d’une architecture spécifique et harmonieuse reviendra souvent en filigrane – certes de manière plus diplomatique – au cours de ses interventions new-yorkaises ultérieures.
Guimard croqué par Furniss à bord du Lusitania. Coll. part.
Sans rancune, mais sans doute inspiré par cette rencontre, Furniss croque Guimard, se moquant gentiment au passage du mal de mer qui semble affecter l’architecte : « (…) Guimard ne semble pas plus aimer les gratte-ciel d’acier et de brique sur terre que les gratte-ciel d’eau de mer que nous avons rencontrés dans l’Atlantique (…) ».
Dans la suite, Marie-Claude Paris présente une traduction de trois articles sur Guimard parus dans la presse américaine selon leur chronologie, à savoir tout d’abord The New York Times, puis The Calumet, enfin The American Architect, avant d’en fournir les textes originaux en anglais.
I. TRADUCTIONS EN FRANÇAIS DES PROPOS DE GUIMARD
I.1. The New York Times du 05 avril 1912
Dans un article paru dans le New York Times sous le titre « Les Artistes se remémorent leur séjour à l’Académie Jullian »[9], le journaliste anonyme relate une longue et joyeuse réunion commémorative qui s’est tenue à l’Hôtel Brevoort, situé au Sud Manhattan, le 4 avril 1912[10]. Y sont cités différents noms d’artistes qui ont effectué un séjour en France, puis sont devenus célèbres ou ont occupé des positions centrales dans le monde artistique ou muséal après leur retour aux États-Unis.
Brevoort Hotel, Fifth Avenue and 8th Street, New York, New York, 1919. (Photo by William J. Roege/The New York Historical Society/Getty Images.
« Au milieu de cette foule joyeuse et bruyante l’auteur note un seul invité d’honneur solitaire, l’architecte Hector Guimard, qui a entre autres dessiné toutes les entrées des stations de métro à Paris. Dans une brève adresse, Hector mentionne « les anciens » et, en passant, l’Amérique et les Américains. « Cela me va droit au cœur de voir des vieux comparses, tous des anciens de Jullian, réussir si bien dans votre ville. Vous voir manifester autant d’intérêt pour vos années d’étudiants à Paris est rafraîchissant. J’ai été sous le charme de ce pays magnifique et je ne ferai qu’un seul commentaire qui n’est pas totalement élogieux : les Américains sont en général trop modestes ». Ce fut le seul discours de la soirée et après que les invités se sont assis le signal a été donné de commencer à s’amuser. »
I.2 The Calumet du mardi 23 Avril 1912
Dans cet article, Hector s’exprime à deux titres : en tant qu’architecte et en tant que vice-président de la Société des artistes décorateurs. Son regard redevient assez critique.
« Notre architecture se ferait mieux valoir si elle avait une caractéristique américaine et si elle n’était pas copiée. Je me suis demandé s’il est possible que les hauts bâtiments que vous avez ici sont agréables à l’œil et s’ils sont pratiques pour loger leurs nombreux occupants. Je crois que cela est possible, mais, à mon avis, de nombreux exemples de vos gratte-ciel sont décevants en ce que l’idée d’harmonie[11] que l’on a dans une construction n’a pas été suivie par l’architecte.
Les architectes américains devraient échanger leurs idées de sorte qu’il y ait de la continuité et de l’harmonie dans la succession des bâtiments qu’ils élèvent. Vos architectes font preuve de plus de force et comprennent leur travail plus profondément, je crois, que ceux en Allemagne ou en Grande-Bretagne[12], mais l’impression que j’ai de New York est plutôt celle d’une collection de bâtiments que de groupements harmonieux comme à Berlin ou à Londres.
Quelques architectes américains avec qui je me suis entretenu disent qu’ils ont peu de latitude, qu’ils doivent construire comme le propriétaire l’exige.
POURQUOI L’AMÉRIQUE N’A-T-ELLE PAS UNE ARCHITECTURE SPÉCIFIQUE ? IL Y A UNE IMMENSE OPPORTUNITÉ. ON NE GAGNE RIEN A COPIER DE VIEILLES MÉTHODES ET DE VIEUX MODÈLES. UN TRAIT DISTINCTIF, TOTALEMENT NOUVEAU, SIMPLE, SANS LIGNES DURES MAIS POURTANT FORTES POURRAIENT S’EN DÉGAGER, QUE L’ON RECONNAITRAIT COMME AMÉRICAIN.
Chaque pays européen accomplit cet effort pour S’EXPRIMER CHACUN A SA MANIÈRE DANS L’ARCHITECTURE[13]. L’Allemagne a accompli un énorme effort dans ce sens et cela apparaît d’une façon largement réussie aux visiteurs de Berlin. »
I.3 The American Architect, mai 1912
Publié à la fin de son séjour new-yorkais, ce dernier texte apparait comme une sorte de conclusion : l’avis de Guimard sur l’architecture américaine reste assez tranché même s’il prend soin de nuancer son propos en s’appuyant sur des exemples précis de bâtiments. On y apprend également que sa venue avait un autre but : intéresser ses homologues américains à la future exposition d’art moderne qui se prépare à Paris[14].
« Après avoir prêché l’évangile de l’harmonie en architecture, en décoration et en ameublement d’intérieur en Europe pendant douze ans, M. Hector Guimard de Paris, architecte, designer et vice-président de la Société des Artistes Décorateurs effectue sa première visite en Amérique avec le double but d’étudier l’architecture américaine et de discuter ses idées sur le design avec des architectes américains. M. Guimard espère aussi intéresser les architectes et les décorateurs à L’Exposition Internationale d’Architecture et de Décoration moderne, qui doit se tenir à Paris en 1915.
A propos des hauts bâtiments déjà érigés ou à venir sur l’île de Manhattan, M. Guimard aurait dit : « Je trouve que New York est une ville magnifique, avec des effets architecturaux qui sont à la fois dignes d’éloges mais aussi de critiques. Je suis venu voir s’il est possible que les hauts bâtiments que vous avez ici soient agréables à l’œil et utiles aussi pour loger leurs nombreux locataires. Cela me semble possible, mais à mon avis nombre de vos hauts bâtiments sont décevants, en ce que l’idée d’harmonie de la construction n’a pas été suivie par l’architecte.
« Le bâtiment Woolworth[15] sera agréable et harmonieux, mais d’autres, comme en particulier le bâtiment Singer[16] met trop l’accent sur la décoration dans leur partie haute. A mon avis, les lignes d’un bâtiment haut doivent être moins prononcées et moins décoratives au fur et à mesure de leur hauteur, elles devraient finalement se fondre ou se perdre dans le ciel. Après une série d’étages sans style, des effets de « tour » semblent incongrus et il est évident que de telles structures ne devraient être vues que par ceux qui s’approchent de New York par la voie maritime.
L’immeuble Woolworth c.1913. Source Wikimedia Commons.
L’immeuble Singer c.1910. Source Wikipédia.
« Les architectes américains devraient échanger leurs idées de sorte qu’il y ait de la continuité et de l’harmonie dans les bâtiments qui s’élèvent les uns après les autres. Les architectes américains font preuve de plus de force et comprennent leur travail plus profondément, je crois, que leurs collègues allemands ou anglais, mais l’impression que j’ai de New York est plutôt celle d’une collection de bâtiments que celle de villes, comme Berlin ou Londres, où dominent des regroupements plus harmonieux. »
II.TEXTES ORIGINAUX DE GUIMARD DANS LA PRESSE AMERICAINE
II.1 Texte original d’une partie de l’article du New York Times « Artists hark back to days at Julian’s » (Les artistes se remémorent leur séjour chez Julian)
« There was one lone guest of honor. He was Hector Guimard, the distinguished French architect, who among other things designed all the subway stations in Paris. He is in America on business, and in a brief speech made some happy comments about the ‘anciens’ and incidentally, American and Americans.
“It delights my heart”, said he, “to find you old fellows, all of whom are Julian’s « anciens », doing so well in this your great home city. It is refreshing to find you taking such an interest in the old student days in Paris. I have been charmed with this magnificent country, and I can make but one comment that could possibly be construed as not entirely complimentary, and that is that Americans as a rule are entirely too modest. »
II.2 Texte original du Calumet
« Our architecture would show off better if it had an American distinctiveness and was not copied. By HECTOR GUIMARD of Paris. Vice President of the Society des Artistes Décorateurs.
I have wondered if it is possible for the lofty buildings, you have here to be pleasing to the eye as well as useful in housing their many business tenants. I think that it is possible, but to my mind many of your examples of high buildings are DISAPPOINTING in that one HAS one HARMONIOUS idea in construction has not been followed by the architect.
American architects should exchange ideas so that there may be some continuity and harmony in the buildings which successively rise.
Your architects show MORE STRENGTH and understand their business more thoroughly, I think, than that of Germany or England, but my impression of New York is rather as a collection of buildings than as a city like Berlin or London, in which more harmonious groupings prevail.
Some American architects with whom I have talked say they have little latitude, that they must build as the owner directs.
WHY SHOULD AMERICA NOT HAVE A DISTINCTIVE ARCHITECTURE? THERE IS A GRAND OPPORTUNITY. LITTLE IS GAINED BY COPYING OLD METHODS AND MODELS. A DISTINCTIVE TYPE, THOROUGHLY UP TO DATE, SIMPLE, WITH NO HARD LINES AND YET STRONG, COULD BE EVOLVED WHICH WOULD BE RECOGNIZED AS AMERICAN.
Every European country is making this effort to EXPRESS ITSELF IN ITS OWN ARCHITECTURAL WAY. Germany has made a tremendous effort along this line, and that it has been largely successful is apparent to one who visits Berlin. »
II.3 Coupure de presse de The American Architect
Article publié dans The American Architect, mai 1912. Coll. part.
Au-delà des quatre occurrences présentées dans cet article, voici la liste (probablement non exhaustive) des autres journaux et magazines qui ont relaté le séjour de Guimard aux États-Unis :
III. EN RÉSUMÉ
Au cours de son séjour l’opinion de Guimard sur l’architecture new-yorkaise n’a guère évolué et en quittant New York l’architecte semble aussi partagé qu’il ne l’était à bord du Lusitania. Dans le Calumet puis l’American Architect, il souligne deux manques fondamentaux dans l’architecture des gratte-ciel : une absence d’harmonie et un manque d’originalité. Comme les architectes américains sont contraints par leurs commanditaires, leur art ne manifeste aucun trait distinctif. Il y manque vigueur, harmonie, spécificité et originalité.
Ce jugement sera corroboré encore plus nettement vingt ans plus tard : le 21 octobre 1932, lors d’un dîner avec Louis Bigaux et Frantz Jourdain organisé par Gaston Vuitton[17], Guimard reprend à son compte la comparaison suivante à propos d’un immeuble des Champs Élysées construit par l’ingénieur Desbois : « Qu’a-t-on dit de la Tour Eiffel ? C’est tout de même un monument de 300 mètres qui est moins laid que les premiers gratte-ciel américains »[18].
Marie-Claude PARIS et Olivier PONS
Notes :
[1] Le Cooper Hewitt Museum of decorative arts and design (Musée Cooper Hewitt des arts de la décoration) a été créé en 1896 et a ouvert au public en 1897 grâce aux petites filles de Peter Cooper, à savoir Eleanore Garnier Hewitt, Sarah Cooper Hewitt et Amy Cooper Green. Il a été fondé sur le modèle du musée des Arts décoratifs de Paris.
[2] Cette exposition se tient du 18 novembre 2022 au 21 mai 2023, puis du 22 juin 2023 au 7 janvier 2024 à Chicago au musée (Richard H.) Driehaus.
Cette exposition sur Guimard n’est pas la première aux États-Unis. Pour mémoire, la première grande exposition américaine a eu lieu à New York au Museum of Modern Art (MoMA) du 10 mars au 10 mai 1970. Elle s’est ensuite déplacée à San Francisco au Musée de la Légion d‘Honneur du 23 juillet au 30 août, puis à l’Art Gallery of Ontario à Toronto du 25 septembre au 9 novembre 1970 et, enfin, au Musée des arts décoratifs à Paris du 15 janvier au 11 avril 1971 où Guimard y partageait l’affiche avec Horta et Van de Velde.
Elle a été organisée par F. Lanier Graham (conservateur-adjoint au MoMA) qu’Adeline Guimard, alors veuve d’Hector, avait rencontré à New York et surtout grâce au soutien d’Alfred H. Barr Jr., le premier directeur du MoMA, qu’Adeline avait contacté en 1945, puis rencontré à Paris lors de son séjour en juin 1948.
En 1950, le musée Cooper-Hewitt des arts décoratifs a présenté quelques œuvres de Guimard, puis en 1951 le musée des Beaux-Arts de Lyon a remonté et présenté la chambre à coucher d’Adeline au 122 avenue Mozart à Paris.
[3] Edward Louis Oppenheim (né à Bruxelles le 12 avril 1841) est décédé d’une pneumonie à New York. Une annonce de ce décès est parue en France dans Le Matin du 24 novembre 1911. Il est mentionné qu’E. Oppenheim est le beau-père d’Hector Guimard. Au moment de son décès, Edward résidait avec sa fille Nellie à l’hôtel Netherland, 5ème Avenue et 59ème rue, New York. Devenu le Sherry Netherland en 1924, cet hôtel existe toujours à cette adresse.
[4] Guimard a été vice-président de la Société des artistes décorateurs en 1911, un rôle qu’il partageait avec Paul Mezzara (1866-1918).
[5] Selon le photographe américain Stan Ries, qui a notamment pris des clichés de l’hôtel Guimard à Paris.
[6] Voir l’article de Hervé Paul intitulé « Suzanne Richard, collaboratrice d’Hector Guimard de 1911 à 1919 » sur le site du Cercle Guimard (novembre 2021). Adeline Guimard a réalisé un portrait de Suzanne Richard-Loilier, qu’elle a exposé en 1922 à la galerie Lewis & Simmons, 22 place Vendôme à Paris (portrait n° 28).
[7] Le Lusitania a été lancé en juin 1906 et a effectué son voyage inaugural en septembre 1907. Il a détenu le ruban bleu de l’Atlantique pour sa vitesse pendant deux ans avant d’être détrôné par son sistership le Mauretania. Pendant la première guerre mondiale, ce navire a aussi servi pour le transport et comme navire-hôpital avant d’être torpillé en mai 1915 par un sous-marin allemand.
[8] Article paru dans Hearst’s Magazine, avril 1912.
[9] Cette orthographe est erronée. Le nom propre ‘Julian’ ne comporte qu’un seul ‘l’. L’académie Julian a été fondée en 1890 par le peintre français Rodolphe Julian (1839-1907). Elle a disposé de divers locaux dans Paris dont le plus connu est celui situé 31 rue du Dragon à Paris 6ème. Plus tard, elle a pris pour nom l’ESAG (Ecole Supérieure d’Art Graphique Penninghen), puis seulement de Penninghen. C’est aujourd’hui une école privée d’architecture d’intérieur, de communication et de direction artistique.
[10] L’hôtel Brevoort, situé entre les 8ème et 9ème rues à Manhattan, bien connu pendant un siècle pour son restaurant (1854-1954), a été détruit en 1955 et remplacé par un luxueux immeuble de 19 étages et 301 appartements (The New York Times, 10 juillet 1955).
[11] On se rappelle les trois principes qui caractérisent l’art de Guimard : la logique, l’harmonie et le sentiment.
[12] Après leur mariage, Hector et Adeline ont effectué un voyage de noces en Europe, en particulier en Angleterre et à Berlin en 1909. Ceci est attesté par des cartes postales qu’Hector a envoyées à son beau-père à New York (New York Public Library). Par ailleurs, Hector a participé à l’exposition franco-britannique qui s’est tenue à Londres en 1908.
[13] Ce qui figure ici en majuscules l’est aussi dans l’article du journal The Calumet.
[14] Il s’agit de l’Exposition internationale des arts décoratifs industriels et modernes, maintes fois reportées, qui ne se tiendra finalement qu’en 1925. Les États-Unis brilleront par leur absence.
[15] Le bâtiment de la chaîne de magasins Woolworth est situé sur la grande artère Broadway au n°233 au sud de Manhattan (quartier de Tribeca). Construit par l’architecte Cass Gilbert (1859-1934), il a été classé monument historique et transformé en appartements.
[16] Le bâtiment de la manufacture Singer a été érigé en 1908-1909, puis a été détruit en 1967-68. Haut d’environ 200 mètres, il était situé au n°149 sur Broadway.
[17] Gaston Vuitton (1883-1970) a beaucoup œuvré pour animer et illuminer les Champs Élysées, où était située sa boutique (70 Avenue des Champs Élysées). Il a exposé au salon de la Société des artistes décorateurs dont Guimard est l’un des fondateurs.
[18] Voir l’article d’Olivier Pons « Vuitton, fan de Guimard », Le Cercle Guimard, 05 décembre 2014.
À l’invitation de la Société des Amis de Sèvres et en étroite collaboration avec le musée national de la Céramique, le Cercle Guimard donnera une conférence ce 06 février à 18h00.
Les auteurs du livre « La Céramique et la Lave émaillée d’Hector Guimard » publié il y a quelques mois aux Éditions du Cercle Guimard, Olivier Pons et Frédéric Descouturelle, animeront la conférence intitulée « Hector Guimard, la céramique et la Manufacture de Sèvres » qui sera suivie d’une séance de dédicace et d’un cocktail.
Les trois formes dessinées par Guimard pour Sèvres. Le vase de Cerny, le cache-pot de Chalmont et la jardinière des Binelles.
Ce sera l’occasion pour eux d’évoquer la collaboration entre l’architecte et la Manufacture mais aussi, plus généralement, la place de la céramique et de la lave émaillée dans la carrière de Guimard.
Pour s’inscrire à la conférence (droit d’entrée de 11€, 16 € pour un couple) et obtenir tous les détails pratiques, nous vous remercions d’envoyer un mail à l’adresse suivante : infos@lecercleguimard.fr
Le 22 novembre prochain, Sotheby’s Paris mettra en vente une table remarquable dessinée et signée par Hector Guimard[1]. Le Cercle Guimard propose à toute la famille de l’Art nouveau de lui donner les moyens financiers de l’acquérir.
Table d’appoint Hector Guimard. Photo Sotheby’s / Art Digital Studio.
Ce meuble personnel est à l’image de la première période Art nouveau de l’architecte, la plus exubérante de son œuvre, et qui donna naissance au Castel Béranger (1896-1898), aux entrées du métropolitain (1900) ou à la salle Humbert de Romans (1897-1901). Il se caractérise par un piètement unique, aérien et dansant particulièrement mouvementé mais néanmoins déjà parfaitement maitrisé. Son géométral complexe, perturbant les lois de la statique supporte un plateau marqueté signé d’un monogramme nacré HG. Les nervures ciselées accompagnent et accentuent la fluidité de ses mouvements tandis que les sculptures soulignent les points singuliers de sa structure.
Plateau marqueté et sculpté. Photo Sotheby’s / Art Digital Studio.
Attaché à ce meuble, l’architecte le conserva à ses côtés tout au long de sa vie, ne s’en séparant que dans les années 1930 avant son départ pour les États-Unis.
Depuis plusieurs années, Le Cercle Guimard a constitué une importante collection d’œuvres : les premiers meubles de l’hôtel Jassedé, des céramiques de l’hôtel Roszé, un portrait dessiné par Adeline Oppenheim, les cours de perspectives donnés à l’École Nationale des Arts Décoratifs en 1897, des dessins originaux de l’architecte mais aussi un grand nombre d’objets et de vestiges d’édifices détruits. Motivée par l’idée de montrer cette table au public, de conserver cette pièce en France et d’enrichir ses collections, l’association prend l’initiative et lance cet appel à la générosité. De surcroît, Le Cercle Guimard est convaincu que cette table aurait toute sa place dans le projet qu’elle porte avec Hector Guimard Diffusion : faire de l’hôtel Mezzara une institution muséale dédiée à Hector Guimard.
Façade arrière de l’hôtel Mezzara. Photo Le Cercle Guimard.
La table est estimée entre 40 et 60.000 € hors frais de la maison de vente.
Le Cercle Guimard est reconnue d’intérêt général. Grâce à ce statut, les dons à l’association bénéficient d’une réduction d’impôt[2]. Les modalités de l’opération sont détaillées ici Modalités appel aux dons.
Nous comptons sur votre soutien.
Le Bureau du Cercle Guimard
Notes
[1] Lot n°38 de la vente aux enchères du 22 novembre 2022 (14h30) organisée par Sotheby’s Paris. Le catalogue est en ligne sur le site de la maison de vente.
[2] Pour les particuliers, la réduction d’impôt est de 66 % du montant du don versé. La réduction s’applique dans la limite de 20 % du revenu imposable. Lorsque les dons et versements effectués au cours d’une année excédent la limite de 20 %, il est possible d’étaler l’excédent sur les 5 années suivantes. Pour les personnes morales, la réduction d’impôt sur le revenu ou sur les sociétés est égale à 60 % du montant des dons dans la limite de 10 000 € ou de 0,5 % du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé. Dans le cas où ce seuil serait dépassé, la loi prévoit de pouvoir reporter l’excédent sur les cinq exercices fiscaux suivants.
Le dernier ouvrage des Éditions du Cercle Guimard est à présent disponible dans quelques excellentes librairies de Paris et d’ailleurs dont nous vous donnons la liste ci-dessous.
Librairie le Cabanon : 122 rue de Charenton, 75012 Paris
Librairie du musée d’Orsay : esplanade Valéry Giscard d’Estaing, 75007 Paris
Librairie du Camée : 70 rue Saint André des Arts, 75006 Paris
Librairie Galignani : 224 rue de Rivoli, 75001 Paris
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Le livre sur Georges Malo est aussi proposé dans les librairies suivantes :
Librairie Zenobi : 50 avenue Pierre Larousse, 92240 Malakoff
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Des détails et des extraits de ces ouvrages sont disponibles en page d’accueil du site internet.
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Le Bureau du Cercle Guimard
Vous pouvez recevoir les objets par colis ou vous déplacer au domicile de Frédéric Descouturelle, secrétaire de l'association.
Recevoir les objets par colis
Prix du transport en sus.
Actuellement, seul le règlement par chèque est possible. Les chèques seront à libeller au nom de : « Le Cercle Guimard ».
Merci d'envoyer un message pour passer commande.
Se déplacer au domicile de notre trésorier, à Montreuil (métro Robespierre).
Vous pouvez prendre rendez-vous par courriel pour venir un vendredi après-midi ou un samedi matin. Dans ce cas, le règlement en espèces est possible.
Vous pouvez réaliser un règlement unique comprenant l’achat et la cotisation.