Une des heureuses conséquences de la mise en place de la récente exposition Guimard, architectures parisiennes aux Archives de Paris[1] est la découverte au sein des collections de cette institution de nouveaux documents qui complètent nos connaissances sur plusieurs chapitres de l’œuvre de Guimard. L’une de ces pièces est un petit dossier du Service technique du métropolitain constitué en 1900 et concernant l’accès de la station Tuileries. Peu avant cette découverte, nous avions reçu en don plusieurs dessins de recherche de Guimard pour l’accès de cette même station. Dans le livre consacré au métro de Guimard[2], nous avions brièvement évoqué les circonstances qui ont conduit à la mise en place des deux actuels entourages d’accès de cette station sur l’étroit trottoir de la rue de Rivoli. Mais grâce à ces nouveaux documents, nous allons pouvoir en retracer plus sûrement l’historique.
Si la construction du métro de Paris a été une affaire municipale, il faut se rappeler que la Ville de Paris était alors placée sous la tutelle de l’État et administrée par une autorité bicéphale : la Préfecture de la Seine, émanation du pouvoir exécutif et le Conseil municipal, élu par les Parisiens. Après que l’État a cédé en 1895 sur le caractère d’intérêt local du projet de métro parisien, le Conseil municipal a formé en son sein une Commission du Métropolitain chargée de préparer les projets qui devaient ensuite lui être présentés pour approbation. C’est en particulier à cette commission, en collaboration avec le Service technique du métropolitain, qu’il revenait de définir les trajets des lignes et les emplacements des accès[3].
Plan du réseau arrêté en 1897. Droits réservés.
La Ville s’est chargée de la construction des infrastructures souterraines tandis que la fourniture des voies, du matériel roulant et l’équipement des stations ont été dévolus à la CMP (Compagnie du Métropolitain de Paris) formée en mai 1898 en vue de recevoir la concession de l’exploitation du métro.
Luigi Loir, La construction du métro sur la rue de Rivoli au niveau du Louvre,La Piscine, Roubaix. Photo F. D.
La construction des accès de surface était également à la charge de la CMP qui n’avait pas pour autant de pouvoir décisionnel quant à leur aspect. Contrastant avec l’austérité des équipements souterrains, ces accès devaient aussi constituer une sorte d’image publicitaire à laquelle l’audace des projets de Guimard allait pleinement contribuer, du moins pendant les premières années. Mais la première partie des épisodes que nous allons relater à propos de la station Tuileries s’est déroulée peu après la formation de la CMP et ne concernait pas l’entourage de l’accès ni son décor. Comme nous le verrons, les projets de Guimard, même s’ils ont été mûris pendant le second semestre de 1899, n’ont été connus des autorités que dans les derniers jours de l’année.
Cette station est située sur la ligne 1, de Porte Maillot à Porte de Vincennes, la première à avoir été ouverte avec deux tronçons supplémentaires au cours du premier chantier. Elle avait pour fonction de desservir l’Exposition universelle de 1900, mais elle était surtout construite sur un trajet Est-Ouest de la rive droite, identifié comme étant le plus susceptible de répondre aux besoins du public. Pour ce premier chantier, par économie, la plupart des stations ne bénéficiait que d’un seul accès sur la chaussée, conduisant à une salle souterraine de vente des billets. Il n’était alors pas encore question de sorties ou d’accès secondaires qui ne seront généralisés que plus tard.
Premier chantier du métro comprenant la ligne 1 sur un plan du réseau arrêté en 1897. Droits réservés.
Sur la rue de Rivoli, de la station Saint-Paul à la station Concorde, le trajet est pratiquement rectiligne.
Premier chantier du métro comprenant la ligne 1. Les stations de Saint-Paul à Concorde sont encadrées en rouge. D’après Le Chemin de fer métropolitain de Paris, Paris, Le Génie Civil, 1901. Coll. part.
Ligne 1 du métro. D’après Le Chemin de fer métropolitain de Paris, Paris, Le Génie Civil, 1901. Coll. part.
Les voies du métro y ont été prudemment établies à faible profondeur, sous un tablier métallique placé sous la chaussée.
Station des Tuileries, couverture des voies et des quais par un tablier métallique. La rue du 29 juillet est à gauche et l’entrée du jardin des Tuileries à droite. Photo Archives RATP, droits réservés.
Aux stations Saint-Paul, Hôtel de Ville, Châtelet, Louvre et Palais Royal, la largeur des trottoirs ou l’existence de terre-pleins ont permis de prévoir des trémies d’escalier d’une largeur standard de 3 m, ou un peu plus dans le cas de Palais Royal (3 m 50), là où une correspondance (et donc un afflux plus important de voyageurs) était attendue. À l’exception de cette dernière station, les accès ont été établis du côté des numéros impairs (côté vers la Seine). Cependant, pour les deux dernières stations de la rue de Rivoli, Tuileries et Concorde, l’étroitesse des trottoirs ne permettait plus d’ouvrir une trémie de trois mètres de large, ni d’un côté de la rue, ni de l’autre. Pour la station Tuileries, dont les quais sont situés entre la rue du 29 juillet et la rue d’Alger, l’emplacement de son accès a été prévu en face de la rue du 29 juillet et au niveau de l’entrée du jardin des Tuileries. L’idée initiale du Service technique du métropolitain était de créer un accès sur la terrasse des Feuillants qui longe la rue de Rivoli et qui en est séparée par un muret et une grille. À cet endroit, la terrasse est au même niveau que le trottoir. En revanche, le jardin des Tuileries proprement dit se trouve en contrebas et pour y descendre les promeneurs empruntaient un petit escalier parallèle à la rue[4].
État de la station Tuileries avant la création de l’accès. Dessin F. D.
Le dossier[5] retrouvé aux Archives de Paris concernant la station Tuileries contient tout d’abord un rapport de Fulgence Bienvenüe, chef du Service technique du métropolitain, daté du 3 mars 1900 et faisant l’historique des démêlés mettant aux prises au sein même de l’État, d’une part le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, et d’autre part la préfecture de la Seine et son Service technique du métropolitain.
Rapport du Service technique du métropolitain, daté du 3 mars 1900 et signé par Fulgence Bienvenüe. Archives de Paris, V2O8 7.
Le premier projet de l’équipe de Bienvenüe consistait à gagner du terrain sur la terrasse des Feuillants en reculant la grille pour établir un escalier de descente vers la salle souterraine. Nous ne possédons pas le plan de ce projet mais nous pouvons formuler l’hypothèse selon laquelle, pour permettre de placer un tel escalier, il aurait été nécessaire d’ouvrir la grille du jardin de part et d’autre.
Hypothèse pour le premier projet d’accès de la station Tuileries par le Service technique du métropolitain en 1898. Le parcours d’un voyageur descendant sur les quais est tracé en bleu. Dessin F. D.
Si la voirie de la rue de Rivoli appartient bien à la Ville de Paris, le jardin des Tuileries est une propriété de l’État relevant du ministère de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts. C’est donc à ce dernier que ce projet a été adressé le 31 octobre 1898. Trois mois plus tard, le ministère, refusant que l’accès du métro n’empiète sur la terrasse, l’a rejeté par décision du 8 février 1899. Mais conscient qu’il faudrait trouver une solution, il a réfléchi à un contre-projet qu’il a présenté sous forme d’un croquis lors d’une réunion qui a eu lieu sur place le 11 juillet 1899. Sur ce dessin sommaire que nous reproduisons ci-dessous, deux escaliers placés sur le trottoir de la rue de Rivoli (et non sur la terrasse) convergeaient devant une petite salle de vente des billets en cul-de-sac, placée sous la terrasse.
Croquis émanant du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, non daté, établi à la suite d’une réunion sur place le 11 juillet 1899. Archives de Paris, V2O8 7.
Jugeant cette solution techniquement inadaptée (salle trop petite, escaliers se recoupant, mauvaise gestion des flux), le Service technique du métropolitain a alors opté pour une solution de rechange : ouvrir un escalier de descente vers la salle des billets, non plus sur la terrasse des Feuillants, mais dans son mur, en contrebas, du côté du jardin. La CMP, à laquelle incombait l’équipement des accès de surface aurait alors été chargée d’établir « tel système de grille qui eût convenu au service des Beaux-Arts, pour isoler cette entrée, occasionnellement, du reste du jardin ». Cette solution était astucieuse, mais avait le défaut de rendre l’accès peu visible depuis la rue et probablement aussi d’imposer la fermeture de la station pendant les heures de clôture du jardin. Nous ne possédons pas le plan de ce projet, mais nous pouvons également en donner une approximation.
Hypothèse pour le second projet d’accès de la station Tuileries par le Service technique du métropolitain en 1899. Le parcours d’un voyageur descendant sur les quais est tracé en bleu. Dessin F. D.
Cette disposition d’un accès pratiqué dans un mur était proche de celle qui a été adoptée pour la station Concorde, où l’accès (faisant fonction d’entrée et de sortie) a été percé dans le mur de la terrasse du Jeu de Paume, mais cette fois du côté de la rue de Rivoli qui, à cet endroit, se trouve en contrebas de cette terrasse.
Accès de la station Concorde, avec une enseigne provisoire. Cliché pris le 13 février 1901. Dumas, Albin, Le Chemin de fer métropolitain de Paris, Paris, Le Génie Civil, 1901. Coll. part.
Ce type d’accès pratiqué à la station Concorde n’a posé aucun problème dans la mesure où il débouchait sur la voirie municipale. En revanche, ce second projet pour la station Tuileries, de même nature que pour la station Concorde mais débouchant dans le jardin, a été refusé comme le relate Bienvenüe : « Après bien des pourparlers et malgré l’insistance mise par le Conseil Municipal de Paris dans une délibération spéciale (1er décembre 1899), cette étude eut finalement le même sort que la première proposition, annoncé par une dépêche ministérielle du 22 décembre 1899). »
Cette dépêche (dont nous n’avons pas copie) comportait pourtant l’acceptation d’« une sorte de petite gare dans le tréfonds du Domaine », notion vague qui pouvait peut-être signifier que le ministère accepterait la possibilité de construire un édicule en bordure du jardin. Il aurait été en ce cas assez éloigné de la salle souterraine de vente des billets, ce qui ne pouvait pas convenir au Service technique du Métropolitain. Ce dernier s’est donc rabattu sur la solution moins favorable préconisée depuis juillet 1899 par le ministère et que, par prudence, le Conseil municipal avait validée à l’avance : celle d’escaliers implantés sur le trottoir de la rue de Rivoli. Celui-ci n’ayant qu’une largeur de 3 m 50, l’escalier serait réduit à 1 m 50, « mais on ferait deux volées au lieu d’une, l’une pour l’entrée, l’autre pour la sortie. » Le plan annexé au rapport de Bienvenüe, que nous reproduisons ci-dessous, montre que, contrairement au croquis du ministère, les marches supérieures des deux escaliers se trouvaient cette fois logiquement placées de part et d’autre de l’entrée du jardin qu’ils desservaient (entrée à gauche et sortie à droite). À leur partie inférieure, de chaque côté, un corridor permettant de canaliser les flux d’entrée ou de sortie, tout en contournant le système racinaire des arbres de la terrasse proches de la grille, se retournait pour déboucher dans la salle de vente des billets.
Plan du troisième projet du Service technique du métropolitain, non daté, établi à la fin de l’année 1899. Archives de Paris, V2O8 7. L’escalier d’entrée est à gauche et celui de sortie est à droite. Le parcours d’un voyageur descendant sur les quais est tracé en bleu.
C’est sans doute à cette époque — dans les derniers mois de 1899 — que Guimard a esquissé des projets pour l’accès de la station Tuileries qui constituait l’un des cas à part à traiter indépendamment des accès standards (édicules et entourages découverts). Comme on le sait, il s’était prudemment abstenu de participer au concours institué par la CMP de juin à août 1899 puisque ce concours destiné à donner des idées à l’architecte maison de la CMP, Paul Friesé, ne débouchait pas sur la commande des accès. Cependant, quelques esquisses crayonnées sur des calques appartenant au fonds Guimard du musée d’Orsay[6] montrent qu’il préparait des projets alors que, parallèlement, ses « supporters » au sein de l’administration préfectorale et de la Commission du métropolitain s’employaient à saper les projets « officiels » présentés à la Préfecture par la CMP[7]. Arrivés à maturité à la fin de l’année 1899, les projets de Guimard ont pu être approuvés par le conseil d’administration de la CMP le 12 janvier 1900, puis par la Commission du métropolitain[8] le 7 février, ainsi que par la Préfecture le 16 février.
Par leur finition sommaire et par leur style visiblement antérieur à celui des projets définitifs de janvier 1900, les dessins de Guimard non titrés, non datés et non signés que nous reproduisons ci-dessous font partie de sa période de recherche. Cependant, ils montrent qu’il avait déjà accès à des informations inconnues du public. Sans doute bien renseigné par un informateur — peut-être Defrance, le directeur administratif des travaux de Paris de la préfecture de la Seine ? — il a en effet travaillé sur la solution à deux escaliers convergents vers la surface, implantés sur le trottoir de la rue de Rivoli. Comme on peut le voir, il s’est servi de la montée des deux escaliers pour adopter de part et d’autre deux formes rampantes[9] venant se rejoindre au centre en enserrant l’enseigne, devant la grille du jardin des Tuileries.
Guimard, esquisse au crayon sur calque pour l’accès de la station Tuileries, non titré, non signé, non daté, c. fin 1899. L’escalier d’entrée est à gauche et celui de sortie est à droite. Centre d’archives et de documentation du Cercle Guimard.
D’autres dessins, fragmentaires, donnent tout de même une idée plus précise du décor particulièrement original qu’il envisageait pour cet accès. Nous nous en sommes servi pour donner par infographie une restitution de l’édicule de sortie puis des deux édicules affrontés, comme sur le dessin ci-dessus. Ces deux édicules adoptaient déjà le schéma constructif qui sera celui des édicules A et B, c’est-à-dire des parois constituées de plaques de lave surmontées de vitrages puis d’un espace d’aération. Il est fort probable qu’à ce niveau, ces dessins n’étaient connus que de sa seule sphère amicale et qu’ils n’ont pas été communiqués à l’ensemble des conseillers municipaux, ni officiellement au Service technique du Métropolitain, ni à la CMP.
Restitution par infographie de l’édicule de sortie de la station Tuileries à partir de plusieurs fragments d’esquisses par Guimard, crayon sur calque, non signé, non daté, c. fin 1899. Centre d’archives et de documentation du Cercle Guimard.
Restitution par infographie des édicules d’entrée (à gauche) et de sortie (à droite) de la station Tuileries à partir de plusieurs fragments d’esquisses par Guimard, crayon sur calque, non titrés, non signés, non datés, c. fin 1899. Les panneaux d’entrée et de sortie ont été complétés et l’enseigne centrale a été ajoutée. Centre d’archives et de documentation du Cercle Guimard.
Une fois ses projets d’accès pour le métro (entourages découverts, édicules et pavillons) globalement adoptés par les autorités[10], du 12 janvier au 16 février 1900, Guimard aurait pu s’atteler à concevoir un projet plus définitif pour l’accès particulier de la station Tuileries à partir de ses esquisses. Mais à peine quelques jours plus tard, le projet du Service technique du métropolitain avec deux escaliers convergents vers la surface a essuyé un nouveau refus du ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, signifié le 28 février 1900 et compromettant donc le principe du projet de Guimard. Nous n’avons pas le texte de ce refus, mais à la lecture du rapport de Bienvenüe, nous pouvons comprendre que le ministère, s’arc-boutant sur sa propre solution, reprochait à celle du Service technique du métropolitain de « compromettre l’existence des arbres dont les racines ne trouveraient plus une couche de terre suffisante », de prévoir une salle de vente des billets trop vaste, nécessitant de supprimer un arbre placé au-dessus d’elle et enfin, trouvait que les escaliers étaient trop proches de l’entrée du jardin. Dans son rapport, Bienvuenüe arguait qu’on ne saurait réduire significativement la salle et que l’arbre en question était déjà « fort misérable ».
Dans un second rapport, daté du 19 avril 1900, Bienvenüe relate la suite de l’affaire.
Second rapport du Service technique du métropolitain, daté du 19 avril 1900 et signé par Fulgence Bienvenüe. Archives de Paris, V2O8 7.
Sûr du bien-fondé du projet du Service technique du métropolitain et estimant sans doute que son blocage se faisait à un échelon inférieur au sein du ministère, il avait entre-temps fait appel au préfet de la Seine (Justin de Selves) afin que ce dernier intercède directement auprès du ministre. Mais cette intervention n’avait pas donné le résultat escompté puisque par une nouvelle dépêche du 28 mars 1900, le ministre avait fait savoir « qu’il ne saurait adopter d’autre combinaison que celle qui fut examinée sur place le 11 juillet 1899. » Ce nouveau refus péremptoire a donc finalement contraint le Service technique du métropolitain à adopter le système du ministère, tout en l’aménageant. Il a en effet fallu reculer un peu les escaliers, à présent divergents vers la surface et convergents vers la salle de vente des billets. Celle-ci, conformément aux exigences du ministère a eu des dimensions plus réduites, épargnant au passage l’arbre faisant face à l’entrée du jardin. L’accès de sortie était à présent situé à gauche et celui d’entrée à droite. Nous donnons ci-dessous le plan général qui était joint à ce dernier projet. On y remarque, dessinés à l’encre rouge, le pourtour et les ceintures des marquises destinées à surmonter les escaliers et qui marquent l’entrée officielle de Guimard dans le projet, vers avril 1900.
Plan du quatrième projet du Service technique du métropolitain, non daté, établi vers avril 1900. Archives de Paris, V2O8 7. L’escalier d’entrée est maintenant à droite et celui de sortie est à gauche. Le parcours d’un voyageur descendant sur les quais est tracé en bleu.
Pendant ce temps, en raison de ces tergiversation, l’accès de la station n’avait pas pu être construit et lors de l’inauguration de la première ligne du métro (elle-même en retard), le 19 juillet 1900[11], la station n’était pas ouverte. Elle ne le sera que le 27 août, avec une balustrade et un portique en bois qui vont sans doute perdurer jusqu’au début de 1902.
Accès d’entrée de la station Tuileries, entourage provisoire avec une balustrade et un portique en bois. Cliché pris le 13 février 1901. Dumas, Albin, Le Chemin de fer métropolitain de Paris, Paris, Le Génie Civil, 1901. Coll. part.
Un dossier constitué par la CMP[12] et déposé aux Archives de Paris révèle l’étape suivante. Il ne contient pas de rapport explicatif mais des plans correspondant à l’état du projet d’édicules présenté en septembre 1900. Les esquisses antérieures de Guimard ne pouvant convenir à ce nouveau projet, il a travaillé, cette fois officiellement, sur la nouvelle disposition adoptée par le Service technique du métropolitain.
Guimard, plan du demi-édicule d’entrée de la station Tuileries, signé, daté 30 août 1900, encre sur papier. Archives de Paris, 2Fi 324. Photo F. D.
À cette époque, une partie des conseillers municipaux, très déterminés, ont obtenu la suppression d’une majorité des édicules prévus pour le premier chantier[13] du métro pour les remplacer par des entourages découverts. Ces derniers qui devaient au départ être l’exception sont devenus majoritaires. Pour tenter de sauver son programme d’édicules (dont la construction était pourtant plus onéreuse que celle des entourages), la CMP et Guimard ont proposé des édicules à claire-voie sur lesquels les plaques de lave des parois étaient remplacées par des balustrades à écussons, créant ainsi un effet de transparence des plus heureux. L’accès de la station Hôtel de Ville[14] a ainsi reçu un édicule A à claire-voie (plan daté juillet 1900) tandis que celui de la station Gare de Lyon a reçu un édicule B à claire-voie (plan non daté, avant novembre 1900).
Accès de la station Gare de Lyon par un édicule B à claire-voie accoté à la balustrade d’une rampe d’accès au parvis de la gare, construit avant février 1901. Porfolio Architektonische Charakterbilder, par Bruno Möhring, tome II, 1901. Coll. part.
Ces deux édicules expérimentaux ont effectivement été agréés par la Commission du métropolitain et par la préfecture, puis construits. Mais ils sont cependant restés uniques dans leur genre et, dès la conception des accès aux stations souterraines de la ligne 2 au début de l’année 1902, le principe des édicules a été définitivement abandonné au profit d’entourages découverts à fond arrondi.
En ce qui concerne l’accès de la station Tuileries, les plans de Guimard datés du 30 août 1900 — donc dans la même période que ceux de Gare de Lyon et d’Hôtel de Ville — présentent également une balustrade avec des écussons. Guimard n’a représenté qu’un seul des deux demi-édicules qui étaient symétriques, celui côté entrée.
Guimard, élévation de face pour le demi-édicule d’entrée de la station Tuileries, signé, daté 30 août 1900, encre sur papier, haut. 0,36 m, larg. 0,551 m. Archives de Paris, 2Fi325. Photo F. D.
Guimard, coupe pour le demi-édicule d’entrée de la station Tuileries, signé, daté 30 août 1900, encre sur papier. Archives de Paris, 2Fi 327. Photo F. D.
Du côté de la rue, deux piliers en fonte de forme arborescente, à gauche et à droite, soutiennent la ceinture de la marquise relevée. Celle-ci est constituée de deux séries de panneaux de verre se recouvrant partiellement comme des tuiles.
Guimard, élévation de la façade du côté de l’escalier pour le demi-édicule d’entrée de la station Tuileries, signé, daté 30 août 1900, encre sur papier, haut. 0,361 m, larg. 0,309 m. Archives de Paris, 2Fi0326. Photo F. D.
L’eau de pluie est conduite vers l’arrière, dans un chéneau maintenu par des poteaux métalliques prenant appui sur le muret de la grille avec laquelle il n’y a pas de contact. Au contraire — et c’est ce qui confère une grande séduction à ces accès — Guimard a donné à l’extrémité latérale des marquises un mouvement enveloppant autour des piliers de la grille, mouvement qui évoque irrésistiblement le spathe de l’arum.
Fleur et spathe d’arum. Photo F. D.
Une enseigne « METROPOLITAIN » en lave émaillée était placée parallèlement à la rue sur chacun des demi-édicules et complétée par une enseigne « ENTRÉE » ou « SORTIE »[15] placée en oblique. Guimard avait prévu de maintenir ces derniers panneaux par de fines lignes de fontes étirées entre le pilier avant et la ceinture de la marquise. Visuellement l’effet était superbe, mais Guimard présumait sans doute de la solidité d’un tel montage[16] en sous-estimant le caractère cassant de la fonte.
Guimard, élévation de face pour le demi-édicule d’entrée de la station Tuileries, détail du panneau d’entrée, signé, daté 30 août 1900, encre sur papier. Archives de Paris, 2Fi325. Photo F. D.
Enfin, en examinant de près les dessins, on peut soupçonner que deux verrines d’éclairage ayant la forme d’un globe étaient insérées au sommet des piliers. Elles assuraient la même fonction de signalisation de l’accès que les verrines des entourages découverts.
Guimard, élévations de face pour le demi-édicule d’entrée de la station Tuileries, détails des piliers gauche et droit, signé, daté 30 août 1900, encre sur papier. Les verrines ont été colorisées en blanc par infographie. Archives de Paris, 2Fi325. Photo F. D.
Ce projet qui aurait pu devenir l’une des plus belles réussites de l’architecte pour les accès du métro de Paris n’a pourtant pas vu le jour. Cette fois, nous ne bénéficions plus des explications du rapport de Bienvenüe, mais il est fort probable que ce nouveau refus a été imputable aux conseillers municipaux anti-édicules.
Dans un prochain article, nous verrons comment Guimard et la CMP ont pu trouver une solution satisfaisant toutes les parties et comment cette solution a finalement été « détournée » de son usage initial.
Frédéric Descouturelle
Notes
[1] Du 20 septembre au 21 décembre 2024, au 18 boulevard Sérurier 75019 Paris (métro et tramway Porte des Lilas).
[2] DESCOUTURELLE, Frédéric ; MIGNARD, André ; RODRIGUEZ, Michel, Guimard l’Art nouveau du métro, Éditions La Vie du Rail, 2012.
[3] Les emplacements et les dimensions de ces accès ont été officiellement soumis aux votes du Conseil municipal des 17 et 20 mars 1899 sur proposition de la Commission du Métropolitain et finalement approuvés le 20 mai 1899. Cependant, l’essentiel de ces caractéristiques avait été défini auparavant par le Service technique du métropolitain, ce qui, pour l’accès de la station Tuileries, avait permis d’engager des pourparlers avec le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts dès 1898.
[4] Ce dispositif d’accès au jardin en contrebas a été ultérieurement modifié pour établir un large escalier perpendiculaire à la rue et deux rampes qui lui sont parallèles.
[5] Archives de Paris, V2O8 7.
[6] Voir notre article Une visite à l’exposition-accrochage au musée d’Orsay « Hector Guimard et la genèse du Métropolitain ».
[7] Cette manœuvre est une supposition mais que nous croyons être suffisamment étayée pour être crédible. On se reportera au livre Guimard l’Art nouveau du métro, p. 31.
[8] Dans les derniers jours de 1899, en raison du blocage des projets « officiels », aucune solution concrète ne se présentait pour la CMP. Or l’intersession du conseil municipal avait été fixée du 31 décembre 1899 au 5 mars 1900. Si une décision ne pouvait intervenir qu’après cette date, la CMP ne pourrait alors pas mettre à temps les accès en fabrication pour une mise en exploitation prévue lors de l’Exposition universelle de 1900. Par une délibération du 30 décembre 1900, le conseil municipal a donc délégué à la Commission du métropolitain la possibilité d’accepter les projets d’accès pendant l’intersession.
[9] Il faut signaler que lors du concours organisé par la CMP en 1899, l’architecte Bonifassé avait également utilisé une forme rampante, de surcroit dans un style Art nouveau. Il avait obtenu un troisième prix ex-æquo pour l’édicule C (place de l’Étoile) et le journaliste Rivoalen (La Construction Moderne du 18 novembre 1899) reconnaissant qu’il s’agissait là d’une solution rationnelle pour abriter une descente d’escalier l’avait surnommé « l’audacieux rampiste de l’art nouveau ». Signalons aussi que certains accès du métro de New York, placés sur des trottoirs, ont utilisé une forme rampante à partir de 1904.
[10] À part l’édicule B (celui à toiture en V) qui a été adopté d’emblée, les plans des autres types d’accès ont ensuite reçu des modifications, notamment l’édicule A, et l’entourage découvert pour son portique. Comme pour l’accès de la station Tuileries, les deux cas particuliers de l’accès de la station Bastille du côté du chemin de fer de Vincennes et de celui de la gare de Lyon ont été traités plus tardivement.
[11] Le 19 juillet 1900, seules huit stations ont été ouvertes. Beaucoup d’accès, en particulier ceux devant recevoir un édicule ou un pavillon étaient encore provisoires avec une balustrade en bois. Les entourages découverts comportaient alors un portique provisoire en bois.
[12] Archives de Paris, 2Fi 324-327.
[13] Ces manœuvres ont commencé dès le printemps 1899, donc à un moment où l’on ne connaissait pas encore l’aspect qu’allaient prendre les édicules. Ces conseillers municipaux, issus des « beaux quartiers », craignaient en fait que ces édicules ne compromettent la beauté et la régularité des avenues. La délibération du Conseil municipal du 19 mai 1899 a supprimé les édicules sur la rue de Rivoli (stations Châtelet, Louvre, Palais Royal) remplacés par des entourages découverts à fond orthogonal et sur les Champs-Élysées (stations Champs-Élysées, Rue Marbeuf, Avenue de l’Alma) remplacés par des entourages découverts à fond arrondi. Mais le combat contre les édicules a continué et la délibération du Conseil municipal du 16 novembre 1900 a supprimé les édicules de l’Avenue Kléber, de la place Victor Hugo et de la place du Trocadéro (stations Kléber, Boissière, Victor Hugo et Trocadéro) au profit d’entourages découverts à fond orthogonal.
[14] Cet édicule a été transféré à la station Abbesses en 1974.
[15] Voir notre article Les signalisations d’entrée et de sortie des accès de métro de Guimard.
[16] Ainsi, Guimard avait dû modifier le montage initial trop fragile des porte-enseignes des entourages découverts. Cf. notre article à ce sujet.
La journée d’étude Hector Guimard à l’Hôtel de Ville de Paris a été un grand succès. Des spécialistes de Guimard s’y sont relayés toute la journée dans une ambiance conviviale pour donner des synthèses des connaissances dans certains domaines, exposer des parallèles avec d’autres architectes contemporains ou encore pour présenter des nouveautés tout à fait passionnantes. Nous avons également bénéficié de communications de nos amies américaines car ce sujet d’étude a toujours été vivant de part et d’autre de l’Atlantique.
Journée d’étude Guimard dans la salle du Conseil de Paris le 3 décembre 2024. Photo Peggy Laden – Le Cercle Guimard
Le Cercle Guimard ne relâche pourtant pas ses efforts et propose pour clore l’année Guimard une conférence qui sera consacrée à l’histoire de la station de métro Tuileries. La conférence — gratuite — aura lieu le 17 décembre 2024 à 18 h, aux Archives de Paris, 18 boulevard Serurier, 75019 Paris, salle Paul Verlaine, sans inscription préalable, dans la limite des 100 places disponibles.
Qui imaginerait en descendant les escaliers de cette station de la ligne 1 que la mise en place de ses accès a été l’occasion d’une lutte sourde entre, d’une part le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, et d’autre part le Service du Métropolitain de la Préfecture de la Seine ? De nouveaux documents découverts par l’équipe des Archives de Paris — à l’occasion de la mise en place de l’exposition Guimard qui s’y déroule jusqu’au 21 décembre — nous permettent d’en retracer les péripéties d’une façon plus précise que ce que nous avions pu écrire dans le livre consacré au métro de Guimard[1]
Rapport du Service technique du métropolitain, daté du 3 mars 1900 et signé par Fulgence Bienvenüe. Archives de Paris, V2O8 7.
De plus, Le Cercle Guimard a eu la chance de bénéficier du don de plusieurs fragments de dessins originaux de Guimard qui nous renseignent sur son immiscion dans cette affaire, nous convainquant que les accès de la station Tuileries, si modestes aujourd’hui, auraient pu être des créations exceptionnelles et originales de notre architecte. Nous en dévoilons ci-dessous un détail, mais nous serons aptes à en montrer une vue plus complète au cours de la conférence du 17 décembre.
Hector Guimard, détail d’une esquisse au crayon sur calque pour le demi-édicule de sortie de la station Tuileries, c. fin 1899. Centre d’archives et de documentation du Cercle Guimard.
Après cette conférence, deux articles à paraître sur notre site ne seront pas de trop pour présenter ces nouveautés et pour compléter l’histoire des accès de cette station ainsi que de leurs avatars… et de leurs avanies.
Enseigne de la station Tuileries au-dessus-de l’accès servant originellement à l’entrée, état actuel. Photo F. D.
Frédéric Descouturelle
Notes
[1] DESCOUTURELLE, Frédéric ; MIGNARD, André ; RODRIGUEZ, Michel, Guimard l’Art nouveau du métro, La Vie du Rail, 2012.
La journée d’étude consacrée à Hector Guimard se tiendra mardi 03 décembre de 9 h à 17 h dans la salle du Conseil de Paris. Malheureusement, les places disponibles ont déjà toutes été réservées… Un enregistrement vidéo des communications sera assuré (à l’exception de celle sur la maison Coilliot). Nous présentons brièvement ci-dessous la plupart d’entre elles.
Frédéric Descouturelle, Cercle Guimard. L’image d’Hector Guimard, entre fantasmes et réalités. Frédéric Descouturelle est titulaire d’un Master II en histoire de l’art sur les fontes de Guimard produites à Saint-Dizier. Il est l’auteur ou co-auteur d’une dizaine de livres consacrés à l’École de Nancy (et plus particulièrement au menuisier Eugène Vallin) ainsi qu’à Guimard. Il est aussi l’auteur de nombreux articles et dossiers publiés sur le site du Cercle Guimard.
Cette première communication s’attache à l’image de Guimard, son image physique bien sûr, mais aussi son image psychologique et celle que s’en sont faite les historiens et les exégètes de son œuvre. Était-il un révolté isolé ? Un martyr de la modernité sacrifié sur l’autel de la réaction ? Un mystique dont les préoccupations ésotériques peuvent se décrypter ? L’histoire de l’art a toujours reflété et raconté en creux les idées et les préoccupations des époques où elle a été écrite, ainsi que celles des historiens. Ne doutons donc pas que nos propres spéculations seront révisées par de futures générations d’historiens. Mais en démontant la manipulation de certaines sources bibliographiques, nous montrerons jusqu’où peut aller l’aveuglement de ceux qui veulent voir.
Un dessin attribué à Guimard et donné comme indication de ses supposés penchants ésotériques.
Olivier Barancy, Cercle Guimard. Guimard et Lavirotte : deux destins parallèles. Spécialiste des immeubles anciens, Olivier Barancy est architecte. Initié à l’Art Nouveau par l’historien Roger-Henri Guerrand lors de son cursus universitaire, il a publié plusieurs ouvrages d’histoire de l’art dont une monographie consacrée à Jules Lavirotte en 2017.
Bien qu’Hector Guimard ait refusé d’être comparé à ses confrères, son contemporain Jules Lavirotte présente un profil parallèle, dans sa vie privée ou publique. Les rencontres des deux architectes lyonnais ont été rares mais leurs carrières ne sont pas antagonistes. La mise en miroir de leurs œuvres respectives montre plus de différences que de similitudes : Hector Guimard étant très moderne, dans sa communication et sa créativité foisonnante, tandis que Lavirotte prouve son audace dans l’emploi de la céramique architecturale et l’usage récurrent du ciment armé.
Diapositive de la présentation.
Léna Lefranc-Cervo. Hector Guimard et le Groupe des architectes modernes : réseaux et stratégies de mobilisation d’un architecte moderne. Léna Lefranc-Cervo est diplômée de l’École du Louvre et docteure en histoire des arts (Université Rennes 2). Elle est actuellement enseignante à l’École nationale supérieure d’architecture de Bretagne.
La communication s’attachera à présenter le rôle central de l’architecte dans le processus de fédération des novateurs et pour l’accès à la commande. Elle analysera ainsi les démarches entreprises dans ce sens par Guimard depuis les années 1890 jusqu’à la création du Groupe des Architectes Modernes en 1922, et reviendra sur les stratégies de mobilisation de ce groupe notamment dans le cadre de l’Exposition des arts décoratifs et industriels modernes de 1925.
Banquet du Groupe des Architectes Modernes en 1929 en l’honneur d’Hector Guimard à l’hôtel Lutecia. Coll. Centre d’archives d’architecture contemporaine (Cité de l’architecture).
Dominique Magdelaine, Cercle Guimard. Un décor inédit réalisé par Hector Guimard à l’époque du Castel Béranger. Dominique Magdelaine est hectorologue et cartophile depuis plus de quarante ans.
La diffusion du Style Guimard dans les arts décoratifs a t-il été un succès ou échec commercial ? En créant l’album L’Art dans l’Habitation Moderne, le Castel Béranger — ouvrage démonstratif d’une construction synthétisant ses principes : logique harmonie et sentiment — l’architecte pensait-il également que cet album pourrait être utilisé comme catalogue par ses voisins du XVIe ? C’est en tous cas ce que révèle l’aménagement de l’Institution des Marronniers, rue de l’Yvette.
Meuble et vitrine murale de l’aménagement du salon des élèves des Marronniers, rue de l’Yvette, Paris, XVIe arrondissement. Détail d’une carte postale ancienne. Coll. part.
Jérémie Cerman. Hector Guimard et les papiers peints. Jérémie Cerman est professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université d’Artois. Il a notamment publié les ouvrages Le papier peint Art nouveau. Création, production, diffusion (Mare & Martin, 2012), et, sous sa direction, Les années 1910. Arts décoratifs, mode, design (Peter Lang, 2021). En 2024, il a assuré le co-commissariat scientifique de l’exposition « Colosses. Lutteurs, culturistes et costauds dans les arts » (Musée Courbet, Ornans, 1er juin-13 octobre 2024), dont il a également codirigé le catalogue.
Les papiers peints conçus par Hector Guimard pour le Castel Béranger suscitèrent maints commentaires qui témoignent de leur place importante dans la décoration intérieure de l’édifice. Cette intervention reviendra sur les témoignages qui nous sont parvenus de ces réalisations, sur leur réception critique ainsi que sur les quelques autres contextes dans lesquels des papiers peints de Guimard furent employés, ou exposés, autour de 1900.
Hector Guimard, décor en Lincrustra, vers 1900, in Lincrusta-Walton française, catalogue commercial non daté.
Maréva Briaud, Cercle Guimard. Le bestiaire fantastique et coloré du Castel Béranger. Maréva Briaud est architecte de formation. Elle est doctorante à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine, sous la tutelle de l’École doctorale d’histoire de Paris 1 Panthéon-Sorbonne et prépare actuellement une thèse intitulée une thèse sous la direction de Valérie Nègre intitulée « Architecture, artisanat et commerce. La fabrique des façades céramiques polychromes à Paris (1827-1914) ».
Le Castel Béranger d’Hector Guimard, primé au concours des façades de 1898 organisé par la ville de Paris, n’est pas seulement singulier par la pluralité des matériaux employés en maçonnerie ; il l’est aussi par la profusion des chimères qui ornent ses façades. Cette communication tente de dresser un inventaire raisonné du bestiaire du Castel Béranger, oscillant entre figuration et abstraction, inspiré tant de la Nature que de la fantasmagorie du Moyen-Âge.
Détail de la pl. 2 du portfolio du Castel Béranger paru en 1898. Coll. Bibliothèque du Musée des arts décoratifs.
Isabelle Gournay. Les immeubles de rapport de Guimard vus du dedans : approches comparatives et pistes de recherche. Professeure honoraire à l’École d’architecture de l’ Université du Maryland, Isabelle Gournay a présenté l’an dernier à Chicago une communication sur les logements de Guimard dans leur contexte parisien. Auparavant, en septembre 2021, elle a publié sur notre site un article consacré aux Multiples Auteuils de Guimard.
Nouvelle piste de recherche encore peu explorée, la typologie des surfaces habitables imaginées par Guimard fait l’objet avec cette communication d’un premier bilan incluant la plupart de ses immeubles de rapport. Grâce aux plans des permis de construire (rarement réalisés tels quels) mais aussi grâce à des visites sur place et à des échanges avec des occupants des appartement, cette communication situe la pratique de Guimard dans l’évolution de l’habitat parisien contemporain, mais la compare aussi à des exemples américains qu’il avait pu connaitre lors de voyages aux USA. Des deux-pièces d’immeubles économiques aux appartement de grand luxe de certains programmes, parfois revêtus de façades indifférenciées, elle s’attache à montrer son originalité mais aussi les sacrifices consentis au confort moderne.
Diapositive de la présentation consacrée à l’immeuble Jassedé, 142 avenue de Versailles et à son pendant plus économique, 1 rue de Lancret (1903-1905).
Olivier Pons, Cercle Guimard. La maison Coilliot par Hector Guimard, quand un négociant en céramique convoque l’Art nouveau parisien à Lille. Co-auteur de deux livres consacrés à Guimard, Olivier Pons a également publié plusieurs dossiers thématiques consacrés à l’architecte sur le site du Cercle Guimard. Parallèlement à ce travail d’écriture, il poursuit son effort de recherche et de compilation engagé depuis plus d’une décennie sur les productions mobilières et décoratives de Guimard.
La maison Coilliot est le fruit d’une rencontre entre Louis Coilliot, un des principaux négociants en céramique lillois, amateur d’art et de nouveautés et Hector Guimard, l’un des architectes les plus en vue de l’époque, propulsé au devant de la scène artistique et médiatique grâce au chantier parisien du Castel Béranger. En 1897, Louis Coilliot commande à Guimard une construction démonstrative à la fois vitrine publicitaire en rapport avec son commerce mais aussi point d’orgue du projet architectural voulu pour son terrain et débuté quatre ans plus tôt avec la construction de son entrepôt en béton armé Hennebique. Signe que son travail a séduit Louis Coilliot, Guimard poursuit son intervention à l’intérieur du bâtiment en réalisant une partie du décor fixe et en dessinant un des plus beaux mobiliers de sa carrière.
Façade de la maison Coilliot, 14 rue de Fleurus à Lille. Photo F. D.
Nicolas Horiot, Cercle Guimard. La toiture de l’hôtel Mezzara : enquête patrimoniale. Nicolas Horiot, architecte DPLG, est président du Cercle Guimard dont il anime infatigablement les activités, en particulier le projet de création d’une entité muséale à l’hôtel Mezzara.
Cet hôtel particulier, œuvre d’Hector Guimard, vice-président de la Société des Artistes Décorateurs et conçu pour l’autre vice-président, a été profondément modifié au fil du temps, s’éloignant de sa configuration d’origine. Cette étude, fruit des recherches du Cercle Guimard, synthétise nos travaux et met en lumière de récentes découvertes décisives pour sa compréhension. Elle s’inscrit dans une démarche de valorisation du patrimoine Art nouveau et propose des pistes de recherches complémentaires.
Toiture sur rue de l’hôtel Mezzara.
Elizabeth Cummings et Aimée Laberge. Un métro plus beau à Chicago. Elizabeth Cummings, historienne du design et médiatrice culturelle, était directrice de la médiation au Driehaus Museum, Chicago, jusqu’à tout récemment. Elle est membre du Chicago Sister Cities, Comité Paris-Chicago, qui a été créé à la de suite du pacte d’amitié et de coopération qui unit la Mairie de Paris et la Mairie de Chicago.
Originaire du Québec, Aimée Laberge a été directrice des programmes culturels à l’Alliance Française de Chicago pendant 15 ans. Ce mandat lui a permis de contribuer au rayonnement des cultures francophones et de la langue française au Midwest, et aussi de mettre en place des programmes en partenariat avec la Chicago Architecture Biennale à plusieurs reprises.
Un cadeau de la Ville de Paris à Chicago, l’entrée de métro Art nouveau d’Hector Guimard accueille les passagers du réseau de transport METRA à Grant Park, au cœur de la ville, depuis 20 ans. Des travaux de rénovation de cette station nécessitent la relocalisation de l’entourage Guimard. Cette présentation explore la possibilité d’en faire l’ancre d’un quartier culturel et le portail vers un espace urbain, affecté par la pandémie, à revitaliser. La question se pose alors: Et si Hector Guimard venait flâner à Chicago aujourd’hui… Quelle impression aurait-il de notre quartier ? Quelles suggestions pour en faire un lieu où il fait mieux vivre ensemble ?
Invitation au déjeuner de célébration après la dédicace du Métro, Union League Club, 14 juillet 2005.
Simon Texier. L’édicule A à claire-voie de l’Hôtel de Ville : histoire administrative d’un déplacement étonnamment heureux. Simon Texier est professeur d’histoire de l’art contemporain à l’Université de Picardie Jules-Verne et secrétaire général de la Commission du Vieux Paris. Il a publié de nombreux ouvrages sur l’architecture et l’urbanisme parisiens contemporains, notamment Paris contemporain : une capitale à l’ère des métropoles (2010).
L’installation place des Abbesses, en 1974, de l’édicule A anciennement implanté rue Lobau, à l’arrière de l’Hôtel de Ville, pose une multitude de questions. Le déplacement d’une œuvre n’est jamais innocente, son insertion dans un nouveau contexte lui conférant une autre dimension, quasi muséale. Globalement perçu comme une réussite, cet épisode trahit toutefois les incertitudes et les approximations de la patrimonialisation d’Hector Guimard. Il faut par conséquent revenir en amont, soit à la création du Casier archéologique de la Ville de Paris en 1916, pour tirer les fils d’une histoire administrative aux multiples facettes.
L’accès de métro place des Abbesses avant l’implantation de l’édicule A à claire-voie de Guimard provenant de la station Hôtel de Ville.
Si vous n’êtes pas parmi les chanceux qui ont pu s’inscrire à temps à cette journée d’étude, vous pourrez profiter de la republication sur notre site de la plupart des articles. Le sujet sur la maison Coilliot à Lille fera même l’objet d’un livre en 2025.
Dans le cadre de l’Année Guimard instituée par la Mairie de Paris, la Commission du Vieux Paris et le Cercle Guimard ont mis sur pied une journée d’étude consacrée à l’architecte. Elle aura lieu le 3 décembre 2024 et se tiendra dans la salle du Conseil de Paris, à l’Hôtel de Ville, 5 rue de Lobau, Paris 4e, de 9 h à 17 h.
Tout au long de la journée, treize spécialistes de Guimard, universitaires ou non, se succéderont pour présenter des actualités sur leurs recherches, mais aussi des analyses. Nous avons veillé à ce que les sujets abordés, d’une durée d’une vingtaine de minutes et entrecoupés de discussions, soient variés et attrayants, savants mais aussi accessibles à tous. Signe de l’intérêt qu’ont toujours porté nos amis nord-américains à l’œuvre de Guimard, deux conférences (dont une transmises par vidéo depuis les USA) seront données par des américaines francophones. D’intéressants parallèles avec les œuvres des architectes contemporains Lavirotte et Sauvage enrichiront également cette journée d’étude.
Portrait photographique d’Hector Guimard, tirage sur papier argentique. Coll. Centre d’archives et de documentation du Cercle Guimard.
9h00 INTRODUCTION
9h15 LES ARCHITECTES – 1re partie
L’image d’Hector Guimard : entre fantasmes et réalités par Frédéric Descouturelle, Cercle Guimard.
Guimard et Lavirotte : deux destins parallèles par Olivier Barancy, architecte, Cercle Guimard.
Hector Guimard et le Groupe des architectes modernes : réseaux et stratégies de mobilisation d’un architecte moderne par Léna Lefranc-Cervo, docteure en histoire de l’architecture, université Rennes 2.
10h20 DISCUSSION
10h40 LES ARTS DÉCORATIFS
– Un décor inédit réalisé par Hector Guimard à l’époque du Castel Béranger par Dominique Magdelaine, Cercle Guimard.
– Hector Guimard et les papiers peints par Jérémie Cerman, professeur d’histoire de l’art contemporain, université d’Artois.
– Le bestiaire fantastique et coloré du Castel Béranger par Maréva Briaud, architecte, doctorante en histoire de l’art, université Paris I Panthéon-Sorbonne, Cercle Guimard
11h45 DISCUSSION
Édicule A à claire-voie de la station Hôtel-de-Ville, portfolio Moderne Kunstschmiede Arbeiten, 1902, pl. 100. Coll. part.
14h00 LES ARCHITECTES – 2e partie
– Un métro plus beau à Chicago par Elizabeth Cummings, consultante indépendante et Aimée Laberge, Alliance française de Chicago.
– Hector Guimard et Henri Sauvage : approche comparée par Jean-Baptiste Minnaert, professeur d’histoire de l’art contemporain, Sorbonne-Université.
– Les immeubles de rapport de Guimard vus du dedans : approches comparatives et pistes de recherche par Isabelle Gournay, professeure honoraire, École d’architecture, université du Maryland.
– La maison Coilliot par Hector Guimard, quand un négociant en céramique convoque l’Art nouveau parisien à Lille par Olivier Pons, Cercle Guimard.
15H 20 DISCUSSION
15h 40 PATRIMOINE
– L’édicule A à claire-voie de l’Hôtel de Ville : histoire administrative d’un déplacement par Simon Texier, professeur d’histoire de l’art contemporain, université de Picardie Jule-Verne.
– La toiture de l’hôtel Mezzara : enquête patrimoniale par Nicolas Horiot, architecte, Cercle Guimard.
– Guimard au musée : valoriser l’Art nouveau par Élise Dubreuil, conservatrice du patrimoine, musée d’Orsay.
16h 40 DISCUSSION ET CONCLUSION DE LA JOURNÉE
Vous pourrez retrouver toutes les informations pratiques sur cette page internet.
L’entrée, gratuite, se fait sur réservation, dans la limite des places disponibles. Nous vous conseillons donc de réserver votre place au plus vite.
« L’ornementation de Guimard n’est rien d’autre que l’anamorphose cylindrique des symétries héréditaires. » Salvador Dali.
Il y a peu de chance que cette citation du célèbre peintre catalan nous aide à mieux comprendre le style de Guimard, mais elle montre à quel point son œuvre peut être sujette à diverses interprétations ou révéler de multiples influences. Comme le souligne Philippe Thiébaut, l’ornement chez Guimard combine de façon originale naturalisme et abstraction. Il est bien connu que cette alliance lui a été partiellement inspirée par le style développé par Horta à Bruxelles à partir de 1893, mais nous aimerions avancer une hypothèse supplémentaire à son origine, hypothèse qui nous a été suggérée par certains des éléments du décor du Castel Béranger (1895-1898).
L’immeuble présente sur ses façades un certain nombre de décors, sculptures, bas-reliefs, fontes, qui ont participé à l’effet de surprise suscité lors de la découverte du bâtiment par ses contemporains (et au-delà).
Vue depuis le hameau Béranger du bâtiment sur cour du Castel Béranger. Photo F. D.
Considérons tout d’abord un panneau de couleur bleu turquoise, composé de sept éléments et qui forme le tympan d’une fenêtre du premier étage située dans la travée de droite de la façade du bâtiment sur cour donnant sur le hameau Béranger.
Tympan en céramique émaillée au premier étage de la façade du Castel Béranger sur le hameau Béranger. Photo Nicholas Christodoulidis.
Les motifs mis en œuvre sur ce panneau pourraient en effet ouvrir de nouvelles perspectives quant à l’interprétation de l’art de Guimard. Comment en effet ne pas être troublé par le rapprochement entre la frise de « godrons » très chantournés, agrémentés de volutes aux contours ourlés, qui en soulignent le bord supérieur, et un motif que l’on trouve aux quatre coins du marli d’un plat en argent repoussé réalisé par Paul van Viannen (1570/72-1613) en 1613, le Plateau de Diane et Actéon conservé au Rijksmuseum à Amsterdam ?
Au-dessus : détail de la frise supérieure du tympan en céramique émaillée au premier étage de la façade du Castel Béranger sur le hameau Béranger. Photo Nicholas Christodoulidis.
En dessous : détail du marli du Plateau de Diane et Actéon de Paul van Vianen (cf. ci-dessous).
Paul van Vianen, Plateau de Diane et Actéon, 1613, argent, long.0,50 m, larg. 0,40 m haut. 0,06 m. Coll. Rijksmuseum, BK-16089-A. Photo Wikimedia.
Cette œuvre appartient à un style bien antérieur à l’Art nouveau, puisqu’il remonte à la première moitié du XVIIe siècle : le style auriculaire ou style lobé. Né à Prague, aux alentours de 1600, dans un groupe d’artistes proches de la cour de Rodolphe II (1576-1612), roi de Hongrie et de Bohème, empereur germanique, il s’est développé essentiellement dans les Pays-Bas du Nord, et l’Europe de l’Est, dans le sillage du maniérisme. Concernant essentiellement les arts décoratifs, il tire son nom de la ressemblance de ses formes abstraites et fluides, modelées en relief, avec le pavillon d’une oreille humaine. Il se distingue par des formes qui donnent l’impression d’être malléables, mouvantes, prêtes à la métamorphose. Elles évoquent la viscosité du métal en train de fondre et d’une matière souple et capricieuse qui se déploie par vagues et enroulements. C’est un style tridimensionnel privilégiant les bourrelets et ourlant ses méandres de nervures. Le développement de la dissection que l’on observe à l’époque, constitue une source d’inspiration pour les artistes adeptes de ce style et explique certains motifs organiques et fragments anatomiques que l’on trouve dans leurs œuvres : circonvolutions du cerveau, arabesques d’intestins, etc. De ce graphisme aux lignes tourmentées émergent souvent des créatures étranges, voire effrayantes, humaines, animales ou hybrides, dans lequel le monde mystérieux de la mer occupe une place de choix. Peu représenté en France, le style auriculaire s’est essentiellement développé dans le nord de l’Europe, notamment dans l’orfèvrerie néerlandaise. La ductilité du métal se prêtait admirablement à la réalisation de ces formes en déliquescence façonnées au repoussé. La pièce archétypale de ce style est une aiguière en argent doré d’Adam van Viannen (1568-1627), datée de 1614 et conservée au Rijksmuseum.
Aiguière en argent doré d’Adam van Viannen, 1614, haut. 0,25m, larg. 0,14 m, prof. 0,09 m. Coll. Rijksmuseum, BK-1976-75. Photo Wikimédia.
Le style auriculaire a également été beaucoup utilisé pour réaliser des cadres[1], en métal ou en bois. Le musée du Louvre en conserve un unique exemplaire entourant la toile de Nicolaes Roosendael, Ferdinand von Fürstenberg, évêque de Paderborn, recevant la thèse de théologie du jeune Hendrick Damien d’Amsterdam.
Nicolaes Roosendael, Ferdinand von Fürstenberg, évêque de Paderborn, recevant la thèse de théologie du jeune Hendrick Damien d’Amsterdam, 1669, haut. 1,81 m, larg. 1,43 m., Musée du Louvre, RF 3717. Droits réservés.
Une fois constatée cette parenté stylistique entre certains ornements de Guimard et le style auriculaire, la question est de savoir si celle-ci résulte d’une filiation assumée ou d’une simple coïncidence. Guimard s’étant très peu exprimé sur les influences qu’il a subies, hormis sa filiation revendiquée avec Eugène Viollet-le-Duc[2], iI est impossible de dire s’il connaissait ce style cultivé dans les arts décoratifs du Nord de l’Europe, deux siècles auparavant.
Le style auriculaire au Castel Béranger
Les ornements de type auriculaire, que l’on rencontre dans l’œuvre de Guimard sont majoritairement apparus pendant la période transitionnelle qui a vu son basculement dans le style Art nouveau lors de la construction du Castel Béranger de 1895 à 1898. Ce bâtiment, débuté dans un style néo-gothique, a vu son décor hétérogène naître de l’addition de plusieurs sources : celle du style art nouveau linéaire de Victor Horta, celle d’un style fantastique qui sera exploré dans un prochain article et qui était partiellement hérité à la fois du médiévalisme de Viollet-le-Duc et du symbolisme propre à la fin du XIXe siècle, celle — très minoritaire — de l’Extrême-Orient. Dans le même temps, le naturalisme végétal présent sur les villas qui ont précédé le Castel Béranger était en net recul et ne devait ressurgir d’une autre manière qu’à partir de 1898 quand la plupart de ses compositions adopteraient une structure arborescente. Le style auriculaire est donc venu côtoyer toutes ces influences et contribuer à la formation rapide et évolutive du style propre de Guimard où une virtuosité tridimensionnelle agressive était aussi importante que l’harmonie des lignes déployée sur les surfaces planes.
Revenons tout d’abord au panneau en céramique émaillée du Castel Béranger dont il a été question plus haut. Bien qu’aucune source historique ne l’établisse, on peut raisonnablement penser qu’il a été réalisé en terre cuite émaillée par la maison Gilardoni & Brault vers 1896. Par souci de clarté, nous le désignerons sous le nom de panneau « au poisson ». Son décor se déploie en effet en éventail autour d’une tête, que l’on peut rapprocher de celle d’un poisson, entourée de nageoires et d’une queue. Elle se détache sur un fond de circonvolutions graphiques aux lignes extrêmement chantournées, apparemment abstraites, dont elle semble émerger, mais dans lesquelles on peut distinguer si on les examine de près, des corps de crevettes dotés de longues antennes. L’agrandissement de ce détail met en évidence la sinuosité du trait et l’effet de cartilage provoqué par le relief de la céramique.
Détail du tympan en céramique émaillée « au poisson » au premier étage de la façade du Castel Béranger sur le hameau Béranger. Photo Nicholas Christodoulidis.
Une frise régulière de motifs ronds, estampés en creux, borde la partie inférieure de la plaque tandis qu’une frise de « godrons » enrichis de moulures aux enroulements complexes, suit la ligne cintrée de son bord supérieur (cf. plus haut).
Frise inférieure du tympan en céramique émaillée « au poisson » au premier étage de la façade du Castel Béranger sur le hameau Béranger. Photo Nicholas Christodoulidis.
Un autre panneau est à mettre en rapport avec celui-ci. De forme identique, vraisemblablement en terre cuite, il est situé sur la façade sur cour, en tympan de la fenêtre du quatrième étage de la travée de gauche.
Tympan en terre cuite sur la façade sur cour du Castel Béranger. Photo F. D.
Il présente un aspect plus abstrait hormis le fait que l’on puisse voir dans son motif central une tête de dauphin ou autre cétacé. Un fouillis de lignes sinueuses se déploie en éventail autour de cette dernière. Nous l’appellerons, panneau « au dauphin ». Il n’est que de comparer les deux panneaux de Guimard et l’aiguière de van Vianen pour se rendre compte de la parenté qui existe entre les trois objets : les excroissances sinueuses qui bordent le haut cintré du panneau « au dauphin » et semblent soulever la matière, dessinant comme des bouquets d’algues ou des figures de pieuvres, sont très proches des méandres dans lesquels se dessine un corps de femme formant l’anse de l’aiguière et la prise de son couvercle. Les vrilles qui rayonnent autour de la tête de dauphin évoquent celles qui, sur la panse de l’aiguière, semblent se déverser du mufle d’une sorte de fauve menaçant. Cette panse, en forme de coquille, est soutenue par une autre créature inquiétante, généralement identifiée à un singe. La tête de dauphin du panneau de Guimard évoque un motif fréquent dans l’art auriculaire du XVIIe siècle, une tête fantomatique mi-humaine, mi-animale.
Détail du tympan en terre cuite « au dauphin » sur la façade sur cour du Castel Béranger. Photo F. D.
Un semblable exemple figure au sommet d’un modèle de cartouche de Johannes Lutma (1584-1669. Là encore, la parenté entre les deux motifs est troublante.
Johannes Luma, modèle de cartouche, eau-forte d’une série publiée en 1653, Rijksprentenkabinet, Amsterdam. Droits réservés.
Un troisième panneau en céramique émaillée placé en extérieur du Castel Béranger retient encore notre attention. D’une seule pièce, il est situé sur la même travée que le panneau « au dauphin », mais cette fois placé entre les corbeaux soutenant le balcon du second étage.
Tympan en céramique émaillée sur la façade sur cour du Castel Béranger. Photo Photo F. D.
Il ne présente pas comme les deux autres des analogies facilement identifiables avec le monde animal, mais la plupart des observateurs assimilent tout de même le modelage au milieu de la partie basse à une tête avec deux yeux. Si, sur le plan du graphisme, ces trois panneaux reprennent les formes tourmentées, foisonnantes et agitées du style auriculaire, sur le plan thématique ils en reprennent aussi les obsessions : créatures bizarres et inquiétantes souvent tirées des profondeurs du monde marin. Celui-ci constitue d’ailleurs une référence fréquente au Castel Béranger : on la retrouve dans les hippocampes qui constituent les ancres de chaînage et l’atmosphère de grotte dans laquelle baigne le vestibule du bâtiment sur rue. Son décor mural de grès émaillé reprend d’ailleurs partiellement le graphisme et les reliefs caractéristiques du style auriculaire mais avec une caractéristique nouvelle : l’utilisation de l’empreinte des doigts enfoncés dans la matière au cours du modelage[3].
Élément du décor en grès émaillé par Bigot du vestibule du Castel Béranger. Photo F. D.
Au sein des appartements du Castel Béranger, on retrouve également la présence du style auriculaire. C’est le cas sur certaines cheminées des salles à manger, éditées en fonte par Durenne.
Cheminée de salon du Castel Béranger en fonte par Durenne. Coll. Musée du Petit Palais. Photo F. D.
Et également sur certaines cheminées des salons qui ont un rétrécis en fonte bronzée, édité par Durenne.
Cheminée de salon du Castel Béranger (photomontage) avec manteau en marbre, haut. 1 m, larg. 1,27 m, prof. 0,40 m et rétrécis en fonte bronzée par Durenne, haut. 0,85 m, larg. 0,97 m. Coll. Musée de Saint-Dizier. Photo Art Auction France.
Même sur un objet aussi simple que le couvercle des porte-rasoirs des lavabos, on retrouve encore l’influence de ce style.
Couvercle d’un porte-rasoir d’un lavabo du Castel Béranger, faïence fine, fabricant inconnu, long. 0,215 m. Coll. part. Photo F. D.
Après le Castel Béranger
Au cours des années suivantes, le style moderne de Guimard allait continuer à évoluer, perdant l’agressivité de ses débuts pour gagner en élégance et même en raffinement pouvant aller jusqu’à un certain maniérisme. De ce fait, les touches de style auriculaire se sont raréfiées, à mesure que les ornements s’atténuaient en se fondant dans des surfaces toujours plus lisses. Elles n’ont toutefois pas entièrement disparu et on peut les identifier dans plusieurs de ses créations comme sur le col du vase de Cerny édité à Sèvres en 1900.
Détail du col du vase de Cerny, émaillage avec cristallisation, édité par la Manufacture de Sèvres vers 1900. Coll. part. Photo Jason Jacques Gallery, New York.
C’est dans l’orfèvrerie que l’art auriculaire avait trouvé son matériau d’élection au XVIIe siècle ; il n’est donc pas étonnant que les bronzes de Guimard, ainsi que ses fontes d’ornement réalisées avec la fonderie de Saint-Dizier à partir de 1901, présentent un certain nombre de modèles agrémentés de circonvolutions complexes comme cette coupe.
Coupe GD, fonderie de Saint-Dizier, éditée sur catalogue, haut, 0,52 m, larg. 0,70 m. Coll. part. Photo maison de ventes Millon, Paris.
Le souvenir du style auriculaire se rencontre également dans d’autres matériaux qui ne se modèlent ni ne se coulent, notamment le bois. Sur certains meubles, des volutes bourgeonnantes viennent se lover dans leurs courbes ou en souligner les angles, marquant leurs points de départ, d’inflexion et d’aboutissement.
Détail de la partie haute d’une sellette tripode, poirier, vers 1905. Coll. part. Photo F. D.
Depuis plusieurs années, la compréhension des démarches créatives de Guimard progresse grâce à la connaissance plus fine que nous avons des techniques et des matériaux qu’il a employés. Mais cette fois, c’est par un rapprochement inédit avec un style décoratif qui s’est développé au XVIIe siècle que nous apportons peut-être un éclairage complémentaire permettant de mieux appréhender le basculement de Guimard dans la modernité de son temps. À ses débuts, son style rapidement évolutif a en effet laissé brièvement se côtoyer plusieurs influences encore reconnaissables avant de les synthétiser dans une recherche d’élégance toute personnelle.
Michèle Mariez
Doctorante à l’École du Louvre
Notes
[1] Voir le website du Auricular Style : Frames Projet : https://auricularstyleframes.wordpress.com/about
[2] Voir p. 1470, Moniteur des Arts n° 2399 du 7 juillet 1899.
[3] Voir l’article consacré au décor de linteaux dans l’architecture de Guimard sur notre notre site internet.
Bibliographie
THIÉBAUT, Philippe sous la direction de, Guimard, catalogue de l’exposition, Paris, musée d’Orsay, 13 avril – 26 juillet 1992 ; Lyon, musée des Arts décoratifs et des tissus, 25 septembre 1992 – 3 janvier 1993, Paris, 1992.
DESCOUTURELLE, Frédéric ; PONS, Olivier, La Céramique et la Lave émaillée de Guimard, Éditions du Cercle Guimard, 2022.
GRUBER Alain dir, PONS Bruno, ter MOLEN Johann R, RHEINHARDT Ursula, FOHR Robert, L’Art décoratif en Europe, Citadelles & Mazenod , 1992, p. 25 à 91, « Auriculaire » Johann R. ter Molen.
GAILLEMIN Jean- Louis, « L’Ornement sans nom », Connaissance des Arts, n° 537, mars 1997, p. 96 à 105.
Dans le cadre de l’Année Guimard institué par la Ville de Paris, le Cercle Guimard présentera une conférence sur la céramique de Guimard dans la salle des fêtes de la mairie du XVIe arrondissement le 5 novembre de 18 h 30 à 20 h.
Frédéric Descouturelle et Olivier Pons, co-auteurs du livre consacré à ce sujet, donnerons une vue élargie du sujet tout en faisant part des dernières découvertes qui sont intervenues cette année. Comme à chaque fois que nous le pouvons, nous apporterons des pièces à toucher (avec les yeux).
Vous pouvez vous inscrire avec ce lien.
Nous espérons vous revoir à cette occasion !
Petit vase Guimard/Gilardoni, vers 1899-1900. Coll. Le Cercle Guimard. Photo F. Descouturelle.
Avant de vous rendre à la conférence (ou les jours suivants) vous pourrez aussi voir de multiples photographies de l’œuvre de Guimard dans le XVIe arrondissment accrochées sur les grilles de la mairie.
Après un aperçu sur les maisons d’ameublement du Faubourg Saint-Antoine qu’ont été Soubrier et Épeaux, nous nous intéressons à Louis Brouhot (1869-1926), un fabricant d’une envergure modeste et sur lequel les informations sont encore restreintes. Son implication dans le style moderne a été immédiate et sincère avec un style reconnaissable entre tous et qui tranchait sur la production plus composite du Faubourg en matière d’Art nouveau. Sa fantaisie a hérissé certains chroniqueurs mais n’a pas empêché ses meubles de bien se vendre. De fait, ils se retrouvent à présent assez régulièrement sur le marché de l’art. Mais, par une étonnante pirouette de l’histoire, ils ont très majoritairement été dépossédés de leur attribution au profit d’un autre acteur du mouvement moderne que nous avons déjà rencontré dans nos articles précédents.
Louis Brouhot a probablement été formé dans l’atelier de son père Claude, Joseph Brouhot, originaire de la Haute-Saône et marié à Paris, qui était menuisier en fauteuils, installé dans le XIIe arrondissement[1]. Ses adresses de domiciliation et d’installation ont varié à de multiples reprises. En 1891, Louis Brouhot était domicilié 76 rue du Faubourg Saint-Antoine[2], en 1895, au 38 rue Faidherbe[3] ; en 1899 lors de son mariage, il habitait au 30 rue de Reuilly[4] alors que son atelier était au 31 rue de Reuilly[5]. Un an plus tard, lors de la naissance de son fils, il habitait au 14 rue de Picpus, alors que son atelier était au 15 rue de Picpus[6]. Il a conservé cette adresse professionnelle au moins jusqu’en 1905[7], avant de transférer son atelier avant 1910 à peu de distance au 161 rue du Faubourg Saint-Antoine[8].
La première mention connue de Louis Brouhot figure dans les annales du Patronage industriel des Enfants de l’Ébénisterie[9], une fondation créée sous le Second Empire au sein du Faubourg. En 1897[10], il a concouru et remporté le premier prix du premier concours de dessinateurs[11] organisé par le Patronage. À une époque où probablement très peu de meubles de style Art nouveau étaient mis en fabrication, il a su capter les codes visuels de ce style qui commençait à se répandre dans les revues spécialisées. Le fait que son dessin ait remporté le concours prouve qu’il a été présenté à un moment et au sein d’un environnement plus propice à la nouveauté que ce que l’on pensait jusqu’ ici. Le président du jury était d’ailleurs Alexandre Sandier, nommé directeur artistique de la Manufacture Nationale de Sèvres en 1897 et acquis au nouveau style[12]. Certes, sur le dessin de Brouhot, le décor mural particulièrement exubérant dissimule un peu certaines habitudes de composition héritées des styles passés, notamment sur le fauteuil et le corps bas du buffet, mais nombre des motifs décoratifs qu’il a ensuite exploités pendant quelques années sont déjà là. Le fait que Brouhot se revendique comme « dessinateur » implique qu’il a mis au premier plan son activité de créateur de modèles, contrairement à une partie des fabricants du Faubourg qui se contentaient de réaliser des copies ou d’exécuter des modèles qui leur étaient fournis
Louis Brouhot, salle à manger, dessin, premier prix du premier concours de dessinateurs du Patronage industriel des Enfants de l’Ébénisterie de 1897 (résultat en 1898). Coll. La Bonne Graine.
Après ce dessin, Brouhot semble ne plus avoir fait parler de lui pendant quelques temps. À notre connaissance et contrairement à ce que publient les notices du marché de l’art, il ne semble pas avoir participé à l’Exposition universelle de Paris en 1900, peut-être par manque de moyens. De ce fait, son nom n’a pas été associé à ceux du Faubourg qui depuis 1899 préparaient leur participation à l’Exposition avec l’ambition de rejoindre la petite cohorte des novateurs français.
La première publication d’un de ses meubles n’est intervenue qu’en 1901 où un important cabinet en érable sycomore a été exposé au salon de la Société des artistes français[13]. Il possède de nettes accointances avec le dessin du buffet de 1898, reprenant notamment les parois latérales ajourées de son corps haut et les motifs sculptés en serpentins. Au sein d’une structure encore raide posée sur six pieds, le grand panneau du volet central est traité en marqueterie avec une figure dans le style d’Alfons Mucha représentant une artiste peintre dont la tête semble émettre des rayons lumineux ou éclipser le soleil. Des motifs naturalistes, ombelles, chardons, tulipes, iris, sculptés ou marquetés complètent le reste du décor.
Louis Brouhot, cabinet exposé au salon de la SNBA en 1901, puis au Salon du mobilier en 1902. Dessin exécuté par Krieger, daté 12 sept. 1902, Revue de l’Art ancien et moderne, octobre 1902.
Ce cabinet a été à nouveau exposé l’année suivante au Salon du mobilier qui s’est tenu au Grand Palais en 1902.
Louis Brouhot, cabinet en érable sycomore exposé au premier Salon du mobilier en 1902. À gauche : portfolio Meubles d’Art Nouveau au Salon du Mobilier de 1902, pl. XXIV, Librairie spéciale d’Ameublement, Émile Thézard éditeur à Dourdan. Coll. part. À droite : état actuel avec le motif apical manquant, revue Antiquités brocante, n° 84, novembre 1996. Coll. part.
Pour ce premier Salon du mobilier auquel avait massivement participé les fabricants du Faubourg Saint-Antoine, Brouhot qui était alors installé à son compte au 15 rue de Picpus, était en compétition avec des confrères aux capacités financières supérieures à la sienne et qui pour certains, comme Mercier ou Dumas, avaient déployé des efforts très importants pour présenter des ensembles complets luxueux. Deux planches, parmi les dernières du portfolio[14] consacré aux créations de style Art nouveau présentées lors de ce salon, permettent de se faire une idée de son stand. Celui-ci, sans doute articulé en deux espaces, avait à la fois un caractère audacieux avec la menuiserie de son plafond vitré peint à l’émail et un aspect sommaire avec ses plinthes à peine dégrossies et sa décoration murale peinte d’une scène champêtre à peine esquissée.
Louis Brouhot, buffet de salle à manger et chaise en érable sycomore teinté vert et patiné, portfolio Meubles d’Art Nouveau au Salon du Mobilier de 1902, pl. XXIII, Librairie spéciale d’Ameublement, Émile Thézard éditeur à Dourdan. Coll. part.
Outre le cabinet cité plus haut, l’ensemble mobilier en sycomore teinté vert présenté était une salle à manger sur le thème de « la cuisine aux champs ». La forme générale de ces meubles était pourtant éloignée du caractère rustique et traditionnel que l’on pouvait attendre de ce thème champêtre. Au contraire, en utilisant des membrures arquées détachées des compartiments des meubles, qui jaillissent du sol puis se subdivisent en renouvelant leur force ascensionnelle pour venir soutenir des étagères, Brouhot s’insérait dans la lignée des créateurs de meubles de style art nouveau qui ont utilisé l’idée de la force de croissance des plantes pour composer leurs œuvres, idée développée parallèlement à Nancy dans le mobilier d’Eugène Vallin et dans le meilleur de celui de Louis Majorelle. Il l’a fait avec une originalité et une sincérité qui le démarquaient nettement des approximations stylistiques de la plupart de ses confrères du Faubourg et le rapprocheraient même des productions nancéiennes.
Louis Brouhot, desserte de salle à manger en érable sycomore teinté vert et patiné, portfolio Meubles d’Art Nouveau au Salon du Mobilier de 1902, pl. XXIV, Librairie spéciale d’Ameublement, Émile Thézard éditeur à Dourdan. Coll. part.
Le décor des meubles est, lui, bien en rapport avec le thème annoncé puisqu’on retrouve effectivement un chaudron fumant, des fleurs de solanée (la pomme de terre) et une grappe de raisin sur les marqueteries des panneaux centraux de la desserte et du buffet. Sur ce dernier, une touffe de chardons participe aussi à cette évocation de la campagne. Ces marqueteries, souvent cernées pour mieux faire ressortir les motifs, sont d’un dessin simple. Mais ni leur sujet, ni leur coloration n’ont emporté l’adhésion du critique d’art Henry Harvard[15] qui, dans le compte rendu de l’exposition publié dans la Revue de l’Art ancien et moderne, après avoir condamné la tendance aux meubles multifonctionnels, s’est attaqué au mobilier de Brouhot, lui reprochant son caractère illustratif et symboliste, une mode qu’on avait bien voulu tolérer chez les nancéiens quelques années plus tôt, mais qui commençait à lasser.
Louis Brouhot, détail du panneau central du buffet de salle à manger, portfolio Meubles d’Art Nouveau au Salon du Mobilier de 1902, pl. XXIII, Librairie spéciale d’Ameublement, Émile Thézard éditeur à Dourdan. Coll. part.
C’est à nouveau la fleur de pomme de terre qui est sculptée au niveau du pied central de ces deux meubles et qui est probablement également présente sous forme de boutons floraux en partie supérieure.
Louis Brouhot, desserte en érable sycomore teinté vert et patiné (détail), portfolio Meubles d’Art Nouveau au Salon du Mobilier de 1902, pl. XXIV, Librairie spéciale d’Ameublement, Émile Thézard éditeur à Dourdan. Coll. part.
D’autres éléments décoratifs méritent d’être signalés comme les montants qui semblent être ligaturés par des lianes.
Louis Brouhot, table de salle à manger en érable sycomore, teinté vert et patiné (détail), portfolio Meubles d’Art Nouveau au Salon du Mobilier de 1902, pl. XXIV, Librairie spéciale d’Ameublement, Émile Thézard éditeur à Dourdan. Coll. part.
Pour les sièges accompagnant cette salle à manger, Brouhot a repris une disposition des pieds qui était fréquente au XVIIIe siècle pour les sièges de bureau et qui permet de disposer commodément ses jambes de part et d’autre du pied central. Comme on peut le voir sur les pieds du fauteuil ci-dessous, la teinture verte appliquée sur le sycomore prend l’aspect de coulures.
Louis Brouhot, fauteuil en érable sycomore, teinté vert et patiné, portfolio Meubles d’Art Nouveau au Salon du Mobilier de 1902, pl. XXIII, Librairie spéciale d’Ameublement, Émile Thézard éditeur à Dourdan. Coll. part.
Louis Brouhot, fauteuil et chaises, modèles présentés au premier Salon du Mobilier en 1902. Vente Ader, 03 décembre 2012, lot 101. Phot Ader, droits réservés.
Des lignes aux directions changeantes, comme capricieuses, accompagnent la structure des meubles. Certaines sont en bois sculpté, d’autres sont des fils de laiton torsadés annexés à des plaques de laiton découpées et mises en forme.
Louis Brouhot, table à thé en érable sycomore, modèle présenté au Salon du Mobilier de 1902. Coll. Robert Zéhil. Photo Robert Zéhil gallery.
Louis Brouhot, détail d’un buffet, vente Denis Herbette à Doullens 17 juillet 2014. Photo maison de vente Denis Herbette, droits réservés.
Ces parties métalliques, peu communes dans le mobilier moderne, ont peut-être été inspirées par le mobilier du hongrois Sandor Buchwald présenté à l’Exposition Universelle de Paris en 1900, entièrement composé de panneaux de cuivre et de fils de laiton aux enroulements et inflexions semblables à ceux de Brouhot.
Meubles de Sandor Buchwald présentés à l’Exposition universelle de Paris 1900, cuivre jaune poli et panneaux décoratifs en cuivre rouge, portfolio Meubles de style moderne Exposition Universelle de 1900, pl. 32, Théodore Lambert architecte, Charles Schmid éditeur, s.d. Coll. part.
Elles sont devenues pendant quelques années l’une des caractéristiques de son mobilier, permettant de l’identifier à coup sûr, comme c’est le cas avec cette sellette-vitrine.
Louis Brouhot, sellette-vitrine en érable sycomore, haut. 1,45 m, larg. 0,45 m, prof. 0,45 m, Antiquités Art Nouveau à Nancy. Photo Antiquités Art Nouveau, droits réservés.
On la retrouve sur une publicité de Brouhot, visible sur le dessin que tient une figure féminine peignant, proche de celle du cabinet de 1901. On remarque à cette occasion que la qualification d’Art nouveau de cette production est clairement revendiquée.
Publicité parue dans le catalogue officiel du Salon des Industries du Mobilier 1902. Coll. part.
D’autres détails décoratifs itératifs peuvent encore être relevés, comme le motif apical du cabinet de 1901 — probablement une fleur de chardon — qui a été repris et transformé sur de nombreux meubles,
Louis Brouhot, motif apical du lit d’une chambre à coucher en érable sycomore, vente Chenu-Scrive-Bérard à Lyon 4 novembre 2003, lots n° 103. Photos Chenu-Scrive-Bérard, droits réservés.
ou la fine planche cintrée et plaquée, présente sur de nombreux bureaux de dames, chevets de lit, tables à thé et armoires. Elle est le plus souvent en rouleau, parfois en ogive.
Louis Brouhot, bureau de dame, vente de Baecque, 9 avril 2011, lot 78. Photo de Baecque, droits réservés.
Pendant plusieurs années, Brouhot a développé cette ligne de mobilier et ce type de décor sculpté ou marqueté. Comme la plupart des fabricants, il a produit des meubles luxueux, comme ceux présentés au second Salon du Mobilier de 1905,
Louis Brouhot, armoire et lit de chambre à coucher, portfolio du Salon du Mobilier de 1905. Coll. part.
et parallèlement, de nombreuses déclinaisons à bon marché où les décors sont très simplifiés mais —signe de l’existence d’un style bien personnel — où les lignes restent reconnaissables.
Louis Brouhot, détail d’un dossier de lit, d’un mobilier de chambre à coucher en érable sycomore, vente Layon & associés, Bordeaux, 110 décembre 2021, lot n° 176. Photo Layon & associés, droits réservés.
Parallèlement à cette simplification des structures et des décors que nécessitait l’édition de mobilier à bon marché, la tendance générale qui s’exprimait à partir de 1905 était celle d’un « retour à l’ordre ». Il s’est traduit chez certains fabricants par un abandon pur et simple de l’Art nouveau et chez d’autres, plus capables d’adaptation, par l’évolution vers le futur style Art déco où la géométrisation était privilégiée. La première tendance est manifeste sur la table, le buffet et les chaises présentés au troisième Salon du mobilier en 1908 où sur une structure rigidifiée, des motifs néo-Louis XVI voisinent avec des détails naturalistes.
Louis Brouhot, buffet du stand présenté au troisième Salon du mobilier en 1908. Portfolio du Salon du mobilier au Grand Palais, pl. 149, 1908. Coll. part.
Signe qu’ils continuaient à se vendre, sur le même stand, Brouhot continuait à présenter certains de ses meubles datant de 1902 : sellette, desserte et table à thé.
Louis Brouhot, stand présenté au troisième Salon du mobilier en 1908. Portfolio du Salon du mobilier au Grand Palais, pl. 148, 1908. Coll. part.
Nous ne connaissons pas l’évolution ultérieure de son style et en particulier s’il a continué à suivre les tendances modernes. Son décès précoce en 1926, un an après l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, ne semble pas lui avoir permis de s’affirmer dans ce nouveau style. Grâce aux archives du Patronage industriel des Enfants de l’Ébénisterie, nous savons que, comme d’autres patrons du Faubourg, parallèlement à son activité de fabricant, il s’est investi dans la vie associative en devenant rapidement conseiller du Patronage et membre régulier des jurys de ses concours professionnels, puis qu’il est devenu membre du bureau du Patronage en 1913.
Lors des recherches effectuées pour préparer cet article, il est apparu que du mobilier visiblement dessiné ou même exécuté par Brouhot avait été commercialisé par d’autres fabricants. C’est sans doute le cas d’un modèle assez simple de chambre à coucher qui figure dans un registre de dessins de la maison Soubrier, sans qu’il soit fait mention de son origine. Ce registre étant daté 1900-1901, cela pourrait signifier que Brouhot a pu tout simplement vendre un dessin à Soubrier qui l’aurait fait exécuter dans ses propres ateliers, sans que cela implique que Brouhot n’ait alors pas été en mesure de produire lui-même ce type de meubles. Mais nous n’excluons pas une autre possibilité, celle d’une copie pure et simple du style de Brouhot par la maison Soubrier qui s’est s’illustrée par des emprunts très visibles à d’autres créateurs modernes.
Maison Soubrier, armoire à glace, 1900-1901, dessin à la plume 5694, Soub 37, composition 24, Fonds Soubrier, bibliothèque du musée des Arts Décoratifs. Photo Michèle Mariez.
Il existe d’autres exemples d’alliances entre fabricants puisque nous connaissons au moins deux exemples de salle à manger de Brouhot qui ont reçu des étiquettes d’autres fabricants. C’est le cas de deux salles à manger dont l’une est conservée au Musée des arts décoratifs de Prague (cf. plus bas). Toutes deux portent au dos une étiquette « Mercier Frères », une des plus importantes maisons du Faubourg.
Louis Brouhot, buffet de salle à manger, au dos étiquette Mercier Frères. Coll. part. Photo site Artnet, droits réservés.
Quant à l’une des deux chambres à coucher qui figuraient au sein de feu le Musée Maxim’s, elle portait une étiquette « A. Bastet » un fabricant, décorateur et revendeur lyonnais[16]
Louis Brouhot, une des deux chambres à coucher du musée Maxim’s. Photo musée Maxim’s, droits réservés.
Étiquette A. Bastet, 3 et 5 rue du Président Carnot, Lyon, au dos de l’armoire de l’une des deux chambres à coucher du musée Maxim’s. Photo musée Maxim’s, droits réservés.
Il y a peu de chance pour que ces transferts de fabrication ou de diffusion aient été propres à Brouhot. Au contraire, il est plus probable qu’ils étaient monnaie courante au sein du Faubourg et au-delà et que c’est notre connaissance encore partielle de ce milieu qui nous les ait fait ignorer.
En dehors des caractéristiques propres à son style, le mobilier de Louis Brouhot a une autre particularité, assez unique, celle d’avoir été majoritairement publié et vendu pendant un bon demi-siècle sous le nom d’autres acteurs du mouvement Art nouveau. La confusion a commencé avec le livre consacré à l’Art nouveau que le commissaire-priseur Maurice Rheims a publié en 1965 où une armoire à glace de Brouhot, à la silhouette dérivée du cabinet de 1901, était attribuée à Eugène Grasset[17] dont les productions pour la décoration intérieure n’ont pourtant rien à voir avec le style de Brouhot.
Louis Brouhot, armoire à glace, coll. Brockstedt, Hambourg, publiée dans Rheims, Maurice, L’Art 1900 ou le style Jules Verne, notice 299, attribuée à Eugène Grasset.
Cette armoire, est sans doute celle qui est à présent exposée (avec le lit et la table de chevet de la chambre dont elle fait partie) au Bröhan Museum à Berlin. Dans une vidéo récemment publiée sur YouTube, le musée attribue d’ailleurs toujours cette chambre à Eugène Grasset.
Chambre à coucher de Louis Brouhot au Bröhan Museum à Berlin, attribuée à Eugène Grasset. Capture d’écran extraite d’une video YouTube.
Chambre à coucher de Louis Brouhot au Bröhan Museum à Berlin, attribuée à Eugène Grasset. Capture d’écran extraite d’une video YouTube.
Mais l’erreur la plus répandue a été l’attribution du mobilier de Brouhot à Léon Bénouville[18]. Ingénieur centralien, architecte diocésain, disciple d’Anatole de Baudot et également créateur de mobilier, Bénouville avait pourtant un style radicalement différent de celui de Brouhot et il est hautement improbable que lui et Brouhot aient jamais collaboré. Mais, illustration de la compétence toute relative des experts exerçant alors dans le domaine de l’Art nouveau à la fin du XXe siècle, le simple rapprochement des initiales de ces deux créateurs a suffi à créer cet amalgame. En effet, les meubles de Louis Brouhot ne portent pas de signature lisible mais seulement des initiales LB (ou parfois BL) ainsi que des numéros de modèles marqués au pochoir sur leur face postérieure.
Louis Brouhot, face arrière d’une desserte, vente Denis Herbette à Doullens 17 juillet 2014. Photo maison de vente Denis Herbette, droits réservés.
Cette attribution abusive à Bénouville du mobilier de Brouhot est passée dans les catalogues de ventes et même dans certains catalogues d’exposition[19].
Louis Brouhot, fauteuil, présenté sous le nom de Léon Bénouville à l’exposition Le XVIe arrondissement mécène de l’Art nouveau, à Paris, Beauvais et Bruxelles en 1984, n° 107. Photo droits réservés.
Nous pensons avoir été le premier à signaler cette erreur dans un article paru en 1992[20] dans la revue des Amis du musée de l’École de Nancy et longtemps resté sans retentissement notable.
Louis Brouhot, mobilier de chambre à coucher, vente Chenu-Scrive-Bérard à Lyon 4 novembre 2003, expert Thierry Roche, lots n° 102 (chaise) et n° 103 (lit, armoire, chevet), attribués à Bénouville. Photos Chenu-Scrive-Bérard, droits réservés.
Bien entendu, les meubles de Brouhot ont aussi été donnés au nancéien Louis Majorelle à qui le marché de l’art a attribué pendant des décennies de nombreux meubles de style Art nouveau non signés. C’est le cas de la salle à manger que possède depuis 1966 le Musée des arts décoratif de Prague[21], en dépit de l’absence de signature de Majorelle et même de la présence au dos d’une étiquette « Mercier Frères ».
Louis Brouhot, buffet de salle à manger, vers 1902, haut. 2,36 m, larg. 1,45 m, prof. 0,56 m, coll. Musée des arts décoratif de Prague, n° 70 369, attribué à Louis Majorelle.
Louis Brouhot, desserte de salle à manger, vers 1902, haut. 1,90 m, larg. 1,20 m, prof. 0,48 m, coll. Musée des arts décoratif de Prague, n° 70 370, attribuée à Louis Majorelle.
Ce n’est que ces dernières années que le marché de l’art dont l’expertise est maintenant dévolue à une nouvelle génération bien mieux formée, a commencé à revenir à des attributions correctes.
Louis Brouhot, buffet de salle à manger, vente Hôtel des ventes de Nimes Françoise Kusel et Pierre Champion, 14 mars 2020, lot 391, bien identifié comme Louis Brouhot par l’expert. Photo Gazette de l’hôtel Drouot, droits réservés.
Même si, de façon curieuse, certains experts, tout en signalant l’ancienne erreur et en proclamant qu’« il aura fallu près d’un siècle pour qu’enfin [Brouhot] reprenne la place qui lui revient » continuent tout de même, soit par sécurité, soit par déférence envers leurs devanciers, à donner l’attribution à « Brouhot ou Bénouville ».
Louis Brouhot, dessus d’une petite table marquetée, monogrammée « LB », attribuée à « Brouhot ou Bénouville ». Vente Marie Saint-Germain, Drouot, 25/06/24, lot 332, haut. 0,745 m, larg. 0,5 m, prof. 0,395 m. Droits réservés.
En dehors des ventes aux enchères, les occasions d’examiner en France du mobilier de Brouhot ne sont pas nombreuses. Si le plus bel exemple d’ensemble conservé en collection publique est à Prague (cf. plus haut), depuis la fermeture en 2017 du musée Maxim’s qui faisait la part belle au mobilier Art nouveau du Faubourg, on peut encore voir un cadre de glace de Brouhot à l’accueil d’un hôtel de l’avenue Victoria, et, en dehors de Paris, une chambre au sein de la collection Perrier-Jouët à Épernay.
Louis Brouhot, chambre à coucher. Le chevet à droite n’est pas de Brouhot. Coll. Perrier-Jouët. Photo F. D.
Louis Brouhot, chambre à coucher. Coll. Perrier-Jouët. Photo F. D.
Il arrive également que l’on croise du mobilier de Brouhot dans des films, plutôt anciens à présent, tel Le Viager, tourné en 1972. Les décorateurs de cinéma ou de télévision ont visiblement eu à leur disposition pendant des décennies de tels meubles incarnant parfaitement un intérieur petit-bourgeois démodé.
Jean-Pierre Darras (Émile Galipeau) et Rosy Varte (Elvire Galipeau) dans le film Le Viager, réalisé par Pierre Tchernia, scénario de Pierre Tchernia et René Goscinny, 1972. Photogramme YouTube-Le Monde du Cinéma, https://www.youtube.com/watch?v=C7RLTD1ht3A
Frédéric Descouturelle
Nous remercions Mme Lucie Teneur du CFA La Bonne Graine qui nous a fourni des renseignements sur l’implication de Louis Brouhot au sein du Patronage des Enfants de l’Ébénisterie, ainsi que Fabrice Kunégel qui s’est intéressé avec nous à Louis Brouhot dans les années 1990. Il nous a fourni plusieurs documents, ainsi que les renseignements généalogiques obtenus auprès de la famille de Brouhot. Merci également à Michèle Mariez qui nous a fourni un dessin provenant des archives de la maison Soubrier.
Notes
[1] Cette famille avec cinq enfants dont trois garçons était fortement insérée dans le milieu du meuble puisqu’à la naissance de Louis Brouhot, l’un des témoins était son grand-père maternel, monteur en bronzes, domicilié sur Bécarria, et l’autre témoin était menuisier en fauteuil. D’autres Brouhot ont également été retrouvés : Constantin Brouhot, cousin du père de Louis Brouhot, menuisier domicilié 98 rue Oberkampf en 1868 ; Jules Brouhot, frère de Louis Brouhot et qui a également participé aux concours du Patronage industriel des Enfants de l’Ébénisterie ; Édouard Brouhot, sculpteur domicilié 23 rue Voltaire en 1914. Ce dernier est peut-être le sculpteur du nom de Brouhot installé au 81-83 rue du Faubourg Saint-Antoine, retrouvé dans les almanachs du commerce de Paris.
[2] Liste électorale, 1891.
[3] Information transmise par le CFA de La Bonne Graine – école d’ameublement de Paris. Cette adresse peut aussi avoir été celle d’un ascendant de Louis Brouhot.
[4] Contrat de mariage du 7 juin 1899 par Me Robin à Paris
[5] Annuaire-Almanach du Commerce de l’Industrie de la Magistrature de l’Administration de Paris.
[6] Adresse portée sur les planches du portfolio Meubles d’Art Nouveau au Salon du Mobilier de 1902.
[7] Annuaire-Almanach du Commerce de l’Industrie de la Magistrature de l’Administration de Paris.
[8] Annuaire-Almanach du Commerce de l’Industrie de la Magistrature de l’Administration de Paris.
[9] Le Patronage industriel des enfants de l’Ébénisterie a été fondé en 1866 par Henri Lemoine sous le nom de Patronage des enfants de l’Ébénisterie, dans le but pour d’organiser l’apprentissage dans les industries de l’ameublement. Elle est aujourd’hui connue sous le nom d’École d’Ameublement de Paris – La Bonne Graine, au 200 bis, boulevard Voltaire à Paris. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Chambre_d%27apprentissage_des_industries_de_l%27ameublement. Voir également notre article sur Vincent Épeaux au Faubourg Saint-Antoine.
[10] Le concours a vraisemblablement eu lieu en 1897 et ses résultats ont été proclamés en 1898, date qui figure sur le document de La Bonne Graine. Source : ibid.
[11] Ce concours ouvert à tous comportait deux épreuves : une étude libre d’ensemble d’un sujet, et une étude sur place d’un sujet restreint en lien avec le sujet principal en cinq heures et sans communication extérieure. Source ibid.
[12] L’année suivante, le président du concours était Frantz Jourdain, ami de Guimard et l’un des principaux soutiens de l’émergence de l’Art nouveau en France. D’autres personnalités liées au style Art nouveau ont également présidé ce concours : Charles Génuys en 1900, Eugène Grasset en 1905. Source ibid.
[13] La seule source actuellement retrouvée concernant cette participation au salon de la SAF est dans le livre Paris Salons d’Alastair Duncan. Malheureusement, l’origine des photographies reproduites dans cette série d’ouvrages n’est pas précisée.
[14] Meubles d’Art Nouveau au Salon du Mobilier de 1902, pl. XII, Librairie spéciale d’Ameublement, Émile Thézard éditeur à Dourdan. Coll. part.
[15] « Encore doit-on savoir gré à M. Louis Malard d’avoir résisté à l’endémique attraction de la xylopolychromie, fort en honneur auprès de certains novateurs et dont M. Brouhot expose des spécimens aussi troublants qu’étranges. Il nous est impossible en effet de trouver le moindre charme à ses mosaïques de bois colorés teints ou « naïfs », exprimant dans des tonalités heurtées une flore conventionnelle, se détachant sur des levers de lune fuligineux ou sur la rutilance des couchers de soleil, ou encore nous montrant, en des paysages élégiaques, la rêverie de vierges grêles, échevelées, figurant des allégories symboliques. Ce n’est plus l’histoire romaine mise en madrigaux, comme rêvait de l’écrire le Mascarille des Précieuses ridicules. C’est la Nature et la Poésie traduite en tables de nuit, en cabinets, en servantes, en armoires à bijoux. » Henry Harvard, La Revue de l’Art ancien et moderne, oct. 1902, p. 260, à propos de l’Exposition des Industries du Mobilier au Grand Palais à Paris en 1902.
[16] Cette étiquette a entraîné pendant quelques années une fausse attribution de la chambre à coucher à ce fabricant lyonnais.
[17] RHEIMS, Maurice, L’Art 1900 ou le style Jules Verne, notice 299, Arts et Métiers graphiques, 1965.
[18] Cf. les articles publiés en 2024 sur notre site internet : Le Faubourg Saint-Antoine et l’Art nouveau (1895-1905) – Troisième partie : vers le mobilier « à bon marché » et Encore des chats !
[19] RHEIMS, Maurice, L’Art 1900 ou le style Jules Verne, Arts et Métiers Graphiques, 1965.
VIGNE, Georges, Le XVIe arrondissement mécène de l’Art nouveau, catalogue de l’exposition qui s’est tenue successivement à Paris, Beauvais et Bruxelles en 1984, n° 107, p. 7, Délégation à l’Action artistique de la Ville de Paris, 1984.
L’Art nouveau La Révolution décorative, Pinacothèque de Paris – Skira, exposition 18 avril – 8 septembre 2013., p. 58, table à thé.
[20] DESCOUTURELLE, Frédéric, « Léon Bénouville – Louis Brouhot, confusion entre deux créateurs de mobilier parisiens », Arts Nouveaux, revue de l’Association des Amis du Musée de l’École de Nancy, n° 8, 1992.
[21] Cette salle à manger a été achetée en 1966 par le Musée des arts décoratifs de Prague à la famille pragoise Grégr qui l’aurait acquise lors de l’Exposition universelle de 1900 à Paris. Vital Art Nouveau 1900, catalogue de l’exposition au Musée des Arts Décoratifs de Prague, p. 230-232, U(P)M, Arbor Vitae, 2013.
Dans le cadre de l’Année Guimard organisée par la Ville de Paris, le Cercle Guimard a collaboré avec les Archives de Paris pour la tenue d’une exposition thématique Guimard, Architectures parisiennes du 20 septembre au 21 décembre.
À quelques jours de l’ouverture, nous avons le plaisir de faire part à nos lecteurs de l’affiche qui accompagne l’exposition.
Le journal de l’exposition, rédigé par nos soins et édité par les Archives de Paris, prend la forme de nos précédentes publications de ce genre : deux feuilles de papier fort A2 pliées, soit huit grandes pages de textes et d’illustrations consacrées aux thèmes abordés dans les vitrines. Il sera disponible sur place aux Archives de Paris. Nous l’offrirons aussi à nos adhérents lors de notre AG du 10 octobre ou par courrier.
Première page du journal de l’exposition.
Les plans liés aux permis de construire déposés par Guimard feront bien entendu partie des points forts de l’exposition mais le public sera surpris par la variété des documents présentés, pour certains inédits.
Portail de la façade sur rue du Castel Béranger. Comparatif entre le premier plan déposé par Guimard en 1895 (Archives de Paris, 1Fi 51) et le portail effectivement construit (photo Laurence Benoist).
Des membres du Cercle Guimard seront présents tout au long du week-end des 21 et 22 septembre, coïncidant avec la nouvelle édition des Journées européennes du patrimoine, puis ponctuellement jusqu’à la fin de l’année.
Nous serons ravis de vous y retrouver pour vous faire découvrir l’exposition au cœur de cette institution si précieuse pour tous les chercheurs !
Le bureau du Cercle Guimard
Vous pouvez recevoir les objets par colis ou vous déplacer au domicile de Frédéric Descouturelle, secrétaire de l'association.
Recevoir les objets par colis
Prix du transport en sus.
Actuellement, seul le règlement par chèque est possible. Les chèques seront à libeller au nom de : « Le Cercle Guimard ».
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Se déplacer au domicile de notre trésorier, à Montreuil (métro Robespierre).
Vous pouvez prendre rendez-vous par courriel pour venir un vendredi après-midi ou un samedi matin. Dans ce cas, le règlement en espèces est possible.
Vous pouvez réaliser un règlement unique comprenant l’achat et la cotisation.