Le Cercle Guimard a déjà consacré plusieurs articles au Castel Béranger, l’immeuble de rapport commandé par Élisabeth Fournier[1] à Hector Guimard en 1894 et achevé en 1898. Notre dernier article[2] a montré que le complet bouleversement stylistique opéré par Guimard lors de sa construction de 1895 à 1898 avait correspondu avec le changement de fournisseurs des décors en céramique. Cette fois, nous mettons l’accent sur le bestiaire fantastique et coloré qui orne ses façades, en présentant tout d’abord les singularités de ce projet, puis la dimension fantastique de son décor inspiré de la nature et du répertoire néogothique. Enfin, la matérialité et la polychromie de ce bestiaire seront explicitées.
« Cet immeuble, […], est destiné à révolutionner l’art de la construction. L’aspect est vraiment extraordinaire »[3].
À l’image de ces propos tenus par un journaliste dans un article dédié au Castel Béranger, hier comme aujourd’hui, la façade de cet édifice ne passe pas inaperçue dans l’espace public. Le fait qu’il ait été l’un des lauréats du concours des façades organisé par le Conseil municipal de Paris en 1898 témoigne de la volonté des pouvoirs publics du moment d’encourager une architecture en rupture avec la monotonie des façades des traditionnelles maisons de rapport haussmanniennes « qui rend[ai]ent les rues de Paris ennuyeuses à dormir debout »[4]. Sa construction a d’ailleurs été contemporaine des travaux de la commission instituée en vue d’élaborer un nouveau règlement de voirie autorisant une plus grande liberté des silhouettes des immeubles et de leurs saillies[5].
Un décor éloigné du projet initial
Pourtant, ce riche décor à l’origine de la renommée internationale du Castel Béranger et d’Hector Guimard n’était pas celui initialement prévu par l’architecte. La lecture des élévations de façades du dossier de permis de construire déposé par Guimard en mars 1895 révèle un projet de décorum initial avorté. En effet, après son séjour bruxellois durant l’été 1895 au cours duquel il a rencontré les architectes Victor Horta (1861-1947) et Paul Hankar (1859-1901), Guimard a redessiné l’ensemble du second œuvre du Castel Béranger. C’est ainsi qu’un bestiaire fantastique et coloré est apparu sur les façades, mais aussi à l’intérieur de l’immeuble.
Un bestiaire en façade : l’unique exemple dans l’œuvre de Guimard
Le terme « bestiaire » est ici entendu de la même manière que le définit le dictionnaire Larousse ; à savoir, comme l’« ensemble de l’iconographie animalière, ou groupe de représentations animalières »[6]. En observant les façades du Castel Béranger on peut aisément identifier des éléments du décor ayant une représentation plutôt figurative, inspirée de la faune. On peut reconnaitre facilement la forme d’un chat.
Les motifs centraux des balcons en fonte sont mi-humain et mi-félin. Leur large nez peut même évoquer le mufle d’un lion, motif récurrent sur les fontes ornementales au XIXe siècle.
Mais le bestiaire du Castel Béranger comprend également plusieurs motifs qui relèvent plus spécifiquement de la faune sous-marine et qui participent à un répertoire aquatique[7] plus large dans cet immeuble de rapport.
L’exemple le plus probant est sûrement celui des ancres de chainage décoratives en fonte dont l’aspect formel se rapproche de celui d’un hippocampe. Ces éléments structurels présents à de nombreuses reprises en façades sont les extrémités de tirants participant au chainage de la construction qui permettent la répartition des efforts de traction dans la maçonnerie et la solidarité des murs (et possiblement des planchers) entre eux. C’est pour cette raison que Guimard a rajouté à ces chevaux marins ce qui pourrait s’apparenter à deux pattes.
À l’intérieur, le départ de la main courante de la rampe d’escalier peut également évoquer la silhouette d’une tête et d’une encolure chevaline[8].
À nouveau en extérieur, sur un tympan du bâtiment sur cour donnant sur le hameau Béranger, on retrouve un poisson entre deux crevettes.
Ce registre décoratif animalier est une exception dans les réalisations de Guimard. En effet, même si quelques éléments en fonte du Castel Béranger ont été réutilisés par la suite par l’architecte dans certains de ses projets[9], aucun décor d’une telle ampleur faisant appel à la faune n’a précédé ni succédé à celui-ci dans son œuvre bâti.
Une dimension fantastique…
Le Castel Béranger n’était pas seulement singulier par la diversité des matériaux polychromes employés pour sa maçonnerie. Il l’était aussi par la profusion des chimères ornant ses façades, véritable bestiaire fantastique. Selon le dictionnaire Larousse, le fantastique « se dit d’une œuvre […] artistique […] qui transgresse le réel en se référant au rêve, au surnaturel, à la magie, à l’épouvante[10] ».
Cette « transgression du réel » est une notion clé dans la compréhension du décor de cet immeuble de rapport. Contrairement à son premier projet où il avait prévu un décor botanique stylisé, l’architecte a finalement conçu un décor qui n’avait plus l’ambition de retranscrire la nature telle qu’elle nous apparait. Celui-ci oscille finalement entre un réalisme « modifié » comme pour les hippocampes en fonte ou pour le panneau au chat, où le modelage du corps de l’animal se prolonge par des courbes tridimensionnelles…
… et une abstraction plus ou moins poussée comme, par exemple, sur le panneau ornant l’encorbellement du bow-window de la cour où le modelage paraît si abstrait, si informe, que de prime abord il semble vain d’y chercher de quelconques similitudes avec un élément de la faune ou de la flore.
Même si quelques esprits imaginatifs se raccrocheront sûrement à un détail de la partie inférieure pour y voir un bec et deux yeux.
Dans Études sur le Castel Béranger rédigé en 1899 par Georges Soulier et un certain « P.N. » — probablement Paul Nozal —, les auteurs expliquent que « les conceptions de l’ornement [doivent] accompagn[er] le décor vivant […], dans une harmonie de formes plus flottantes »[11], sans lui faire concurrence. On peut ainsi penser que pour Guimard l’essentiel n’était pas la retranscription de la nature mais plutôt son évocation par l’intermédiaire de contours façonnés plus ou moins précisément[12].
Georges Soulier et Paul Nozal soulignent aussi qu’au cours des siècles l’art a très rarement cherché à imiter scrupuleusement la nature et que la transgression du réel n’est donc pas une nouveauté. Les rinceaux, la stylisation des feuilles d’acanthe sur les chapiteaux corinthiens ou encore les chimères ornant les cathédrales en sont le parfait exemple.
… inspirée de la nature…
Certains de ces décors transgressant le réel sont spontanément assimilables à des organismes naturels mais cette fois sans qu’on puisse y reconnaitre avec certitude une espèce animale. Chaque spectateur se forge une idée de ce qu’il voit, en fonction de sa propre culture. C’est le cas des métopes en céramique éditées en série et garnissant les linteaux métalliques présents à de nombreuses reprises en façade. Leur forme peut par exemple évoquer de très loin celle d’une tête de grenouille ou celle d’un insecte, comme une mante religieuse.
Les prises d’air en façades sont quant à elles ornées de grilles en fonte dont la forme pourrait être assimilée à celle d’un crabe, ou encore à celle d’une bouche et deux narines[13].
Dans les appartements, le papier peint spécifiquement conçu pour les antichambres contient également un motif mis en exergue par sa coloration et dont les lignes capricieuses se rapprochent de celles d’un félin.
Singulière parmi celles des autres papiers peints prévus pour les autres types de pièces du Castel Béranger, sa composition générale évoque un arbre de Jessé, tandis que l’attitude de ce motif particulier fait penser à une enluminure médiévale, ce qui nous amène à l’aspect le plus intrigant de ce bestiaire.
… et d’une fantasmagorie médiévale
Une autre interprétation du répertoire animalier présent au Castel Béranger est celui qui lui aurait valu à Auteuil le surnom de « maison des Diables » ainsi que le rapporte Jean Rameau dans Le Gaulois en 1899.
« L’artiste voulut peut-être représenter des chimères, mais où le populaire voit surtout des démons, et qui font se signer à vingt pas toutes les vieilles femmes de l’arrondissement. Il y a des diables aux portes, des diables aux fenêtres, des diables aux soupiraux des caves, des diables aux balcons et aux vitraux, et l’on m’assure qu’à l’intérieur, les rampes d’escalier, les boutons de fourneaux, les clés des placards, tout, depuis le grand salon jusqu’à l’office, est de la même diablerie. Si Dieu ne protège plus la France, le diable du moins semble protéger Auteuil. Parisiens, dormez en paix[14]. »
Même si Jean Rameau grossit le trait, son recours au champ lexical de l’épouvante et de l’enfer indique bien qu’une dimension « satanique » existe au Castel Béranger. Il semble même avoir eu une connaissance assez fine de l’édifice puisqu’il évoque la présence de diables aux boutons des fourneaux. Or, comme le prouve un détail de l’illustration des façades de fourneaux de cuisine publiée dans le portfolio du Castel Béranger, le motif situé entre les deux panneaux d’arrivée d’air des façades en fonte évoque parfaitement une figure diabolique avec une bouche dentue démesurément ouverte et surmontée d’yeux furieux.
Les façades du Castel Béranger comprennent plusieurs éléments — en particulier les pignons et la relative asymétrie de la façade sur rue — rattachant l’immeuble à l’architecture médiévale et justifiant son nom de « castel ». Ceci n’a rien d’étonnant au regard du regain d’intérêt dont faisait l’objet l’architecture gothique au XIXe siècle ; mais aussi de la filiation entre Eugène Viollet-le-Duc et Hector Guimard. Cependant, son répertoire décoratif « satanique », s’il est bien présent, n’est pas tant mis en évidence que Jean Rameau voudrait le faire croire. En réalité, Guimard ne prend pas simplement comme source le Moyen-Âge, mais se réfère à l’image fantasmagorique de la sorcière qui, comme l’explique Maryse Simon[15], est rattachée à tort à la période médiévale puisqu’en réalité la chasse aux sorcières a été à son paroxysme au XVIe et au XVIIe siècle. Cette image fantasmagorique de la sorcière médiévale découle d’une construction amorcée à l’époque moderne, modifiée au XIXe siècle, notamment par les auteurs de contes comme les frères Grimm[16].
Ce pastel de Lévy-Dhurmer réalisé en 1897 — soit pendant la construction du Castel Béranger (1895-1898) — représente une sorcière entourée de tous ses attributs : un chat, un serpent, un lézard, une chauve-souris et un hibou. Or ces derniers — à l’exception du hibou — sont tous présents sur les façades du Castel Béranger.
Le panneau du chat faisant le gros dos a été réalisé en grès émaillé, avant mai 1897, par Gilardoni & Brault d’après le travail du modeleur Xavier Raphanel.
Le scan effectué par Nicholas Christodoulidis a permis d’identifier la figure située à l’intersection des frontons des lucarnes du dernier étage donnant sur la rue Jean-La-Fontaine. Cette chimère sculptée dans la pierre, malgré ses yeux exorbités, s’apparente à une chauve-souris par sa paire d’ailes membraneuses.
Le recours à ce type de créatures a été courant aux périodes gothique et néogothique, comme en témoignent les gargouilles de la cathédrale de Bourges (XIIe-XIIIe siècle) ou encore la galerie des chimères de Viollet-le-Duc à Notre-Dame de Paris (moitié du XIXe siècle).
Le motif des prises d’air, présenté précédemment, peut aussi évoquer la forme d’une araignée. Outre le fait que cet insecte soit aussi rattaché à l’image de la sorcière moyenâgeuse, au Moyen-Âge le symbole de l’araignée était associé à la peste car on pensait qu’elles tissaient de nombreuses toiles dans les logis des défunts[17].
Avec leur forme tortueuse, les supports de barres d’appui en fonte peuvent évoquer celle d’un serpent.
Quant aux figures chimériques enroulées autour des fûts de colonnes en pierre du portail d’entrée, elles évoquent un lézard ou un petit dragon.
La figuration de ces reptiles peut également s’expliquer par l’intérêt marqué des artistes pour l’Orient au XIXe siècle. Victor Hugo écrit même dans la préface du recueil Les Orientales qu’« on s’occupe beaucoup plus de l’Orient qu’on ne l’a jamais fait. […] Au siècle de Louis XIV on était helléniste, maintenant on est orientaliste[18]. » Le serpent est donc un motif récurrent dans les œuvres de cette époque comme le prouve ce dessin d’Eugène Grasset (1845-1917).
Ainsi que ce projet de panneau décoratif de l’architecte Louis Boitte (1830-1906), conservé au musée d’Orsay.
Enfin, lorsque l’on regarde la façade sur rue du Castel Béranger on ne peut pas manquer les masques en fonte qui ornent les garde-corps. C’est certainement eux qui ont valu le surnom de « maison des diables » à cet immeuble de rapport puisqu’ils présentent entre autres les attributs du démon Méphistophélès — personnage de la légende de Faust — à savoir : des moustaches, un bouc et des yeux en amande. La présence de ces figures en façade n’est pas surprenante au regard de ce que nous venons de voir puisque les sorcières sont associées à la figure de Satan[19].
L’association de cette figure humaine aux deux pattes qui la coiffent fait également écho aux grylles, créatures grotesques de l’antiquité, réemployées à la fin de l’époque gothique et à la Renaissance. L’escalier du roi du château de Villers-Cotterêts en présente plusieurs exemples.
Ces masques animant les garde-corps du Castel Béranger ont visiblement influencé l’architecte allemand Félix Reinhold Voretzsch. Il a en effet dessiné un modèle très similaire — quoique sur un registre burlesque puisqu’ici les masques tirent la langue — pour décorer les garde-corps du troisième étage de la loggia de l’immeuble Art nouveau Bürgerwiese 20, construit à Dresde en 1900.
Couleurs et matérialité
La variété des matériaux employés sur les façades du Castel Béranger, et la polychromie qui en résulte, est très marquante. Comme évoqué en introduction, elle distingue nettement l’édifice des immeubles de rapport avoisinants. La photographie de la planche treize du Portfolio du Castel Béranger, colorée grâce au procédé du « fac-similé d’aquarelle », montre la cour intérieure ouverte sur le Hameau Béranger. On y observe nettement la variété des matériaux employés par Guimard et la polychromie induite. Si on comptabilise seulement les matériaux utilisés pour la maçonnerie on atteint un total de sept : la pierre meulière, la brique en terre cuite ou émaillée, la brique silico-calcaire, la pierre de taille, la fonte et la tôle. Cette polychromie n’est pas une fantaisie de l’architecte mais résulte bien d’une pensée rationnelle qui illustre la filiation entre Viollet-le-Duc et Guimard.
Lors du colloque dédié à Hector Guimard, organisé par le musée d’Orsay dans le cadre de l’exposition de 1992 consacrée à l’architecte, Lanier Graham a souligné l’influence considérable que l’école rationaliste initiée par Viollet-le-Duc a eu sur les architectes de la fin XIXe siècle, et notamment sur Hector Guimard[20]. Pour Viollet-le-Duc, la forme devait découler de la fonction, de la structure ; et les matériaux devait être employés et associés selon leurs qualités propres[21]. L’exemple le plus probant de la filiation entre les deux architectes est sûrement le bâtiment principal de l’École du Sacré Cœur, où Guimard a repris les colonnes obliques en fonte dessinées par Viollet-le-Duc pour le « XIIe Entretien », dédié à la maçonnerie, publié dans l’ouvrage Entretiens sur l’architecture[22]. Cette influence est notamment due à la formation de Guimard puisque ses maitres, Charles Génuys puis Gustave Raulin, faisaient partie de l’école rationaliste et étaient tous deux des disciples de Viollet-le-Duc. Marie-Laure Crosnier Leconte souligne notamment, dans le catalogue de l’exposition de 1992[23], que lors de la conférence donnée par Guimard dans les locaux du Figaro le 12 mai 1899, il a répété à plusieurs reprises que l’auteur des Entretiens était son maître à penser[24].
Tout comme Viollet-Le-Duc, Guimard s’est donc efforcé d’employer les bons matériaux aux bons endroits afin d’exploiter au mieux leurs qualités tout en maîtrisant le budget. Il a appliqué ce principe tant pour la construction du Castel Béranger que pour son ornementation. Ainsi, Guimard a choisi d’employer la fonte et la céramique pour la fabrication du bestiaire fantastique dont nous venons de faire l’énumération. Ces deux matériaux ont en effet l’avantage d’être tous deux dotés d’une très grande plasticité permettant d’obtenir aisément des formes zoomorphiques, la fonte étant coulée et la céramique estampée dans des moules. Ces techniques sont par ailleurs parfaitement adaptées à l’édition de pièces en série à moindre coût.
La céramique est un matériau qui a vocation à être émaillé. En plus de protéger les pièces, l’émail a l’avantage de les teinter selon le souhait du concepteur. Au Castel Béranger, Guimard a choisi de revêtir la plupart des chimères en céramique d’un émail à la teinte verte-bleutée plus ou moins foncée[25]. Le bestiaire en fonte (hippocampes, araignées, serpents) a quant à lui été recouvert d’une peinture, également d’une teinte verte-bleutée, permettant d’obtenir une harmonie entre les éléments du second œuvre composant ce bestiaire fantastique. Il est probable que les masques des balcons aient reçu une dorure, comme le suggèrent les planches du portfolio.
L’altérabilité de ce revêtement et la nécessité d’entretien qu’il implique peut expliquer sa disparition. Mais il faut garder à l’esprit que les photographies du portfolio ont été tirées en noir et blanc puis colorées à l’aquarelle. Or nous savons que pour ce portfolio Guimard a pris certaines libertés par rapport à la réalité et qu’il a pu choisir de représenter ces masques dorés alors qu’ils étaient peut-être, dès l’origine, eux aussi recouverts d’une peinture verte-bleutée.
La mise en volume des dessins préparatoires élaborés par Guimard pour tous ces décors a été effectuée par deux sculpteurs, Raphanel et Ringel d’Illzach, cités par Guimard dans la liste des fournisseurs ayant participé à la construction du Castel Béranger, liste qui figure au début du portfolio publié en 1898[26].
On sait ainsi que la fabrication des fontes a été confiée à l’usine de Sommevoire de la fonderie Durenne, site principal de l’établissement, comme l’indique une publicité publiée dans le Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris du 21 novembre 1900. La qualité de ses productions était reconnue mondialement, notamment grâce aux nombreux prix obtenus aux cours des différentes expositions nationales et internationales. Le journal de l’exposition nationale et coloniale de Rouen de 1896 mentionne même que « [la] maison Durenne n’a plus de récompense à attendre. Après avoir figuré dans d’innombrables expositions où s’augmentait chaque fois d’une nouvelle médaille ou d’un diplôme son médailler déjà si garni, elle est en effet hors concours depuis l’Exposition universelle de Paris de 1889[27]. »
Les céramiques architecturales extérieures animant les façades ont quant à elle été attribuées à la tuilerie Gilardoni & Brault[28]. Parallèlement au projet du Castel Béranger, cette entreprise a collaboré avec Guimard pour la conception de son stand à l’Exposition nationale de la céramique de 1897, dont la carte postale n° 7 Le Style Guimard en fournit une illustration. On peut notamment y remarquer la présence du futur panneau décoratif du Castel Béranger du chat faisant le gros dos, en haut à droite de la façade. Tout comme Durenne, Gilardoni & Brault était un établissement extrêmement reconnu et même qualifié « de premier ordre »[29], dont la marque de fabrique des tuiles mécaniques « [était] reconnue par les constructeurs comme indiscutable »[30]. La fabrique Gilardoni & Brault a par exemple reçu des médailles d’or aux Expositions Universelles de 1889 et 1900[31].
Ainsi, ce projet décoratif, très éloigné de celui initialement prévu par l’architecte avant son voyage en Belgique, met en jeu des éléments plus ou moins figuratifs unifiés grâce à la matérialité. Principalement constitués de céramique émaillée ou de fonte peinte, leur teinte oscille entre le vert, le bleu et l’ocre ; une polychromie qui s’ajoute à celle des divers matériaux employés pour la maçonnerie.
La pluralité des sources auxquelles Guimard a eu recours pour composer ce bestiaire fantastique (néo-gothique, néo-renaissance, orientalisme, faune et flore) a produit un décor hétérogène qui le singularise par rapport à l’œuvre des deux autres principaux initiateurs de l’Art nouveau européen : Horta dont le style a été d’emblée beaucoup plus homogène mais qui négligeait certain aspects du décor fixe comme les papiers peint, ou Antoni Gaudí (1852-1926) dont la production était encombrée de symbolisme chrétien. Pour cette première œuvre d’art moderne totale en France, le bestiaire du Castel Béranger, tout autant que les motifs abstraits qu’il côtoie, transcende par son étrangeté dérangeante un édifice inspiré par le rationalisme viollet-le-ducien.
Maréva Briaud, École doctorale d’Histoire de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (ED113), IHMC (CNRS, ENS, Paris 1).
[1] Élisabeth Fournier était une bourgeoise du quartier d’Auteuil, veuve, désireuse de placer un capital dans l’immobilier.
[2] M. Briaud, « Hector Guimard et Muller & Cie au Castel Béranger : la fin d’une collaboration », Le Cercle Guimard [en ligne], 8 novembre 2024.
[3] Le Monde illustré, 8 avril 1899.
[4] L. Morel, « L’Art nouveau », Les Veillées des chaumières, 17 mai 1899, p. 453.
[5] Constituée en juin 1896 par le préfet de la Seine Justin de Selves, cette commission présidée par l’architecte Paul Sédille avait pour rapporteur l’architecte voyer Louis Bonnier, très favorable à Guimard. Ses travaux ont abouti à un nouveau règlement de voirie, publié sous forme d’un décret en 1902.
[6] « Bestiaire », Dictionnaire Larousse [en ligne], consulté le 19.11.24. URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/bestiaire/8916.
[7] Les lignes en coup de fouet des mosaïques des sols du vestibule et des halls évoquent des algues, et le vestibule avec ses parois en grès émaillé a parfois été comparé à une grotte sous-marine.
[8] Peu de temps après, les extrémités des arceaux en fonte des entourages découverts du métro affecteront aussi cette forme stylisée de la tête d’un hippocampe.
[9] C’est le cas des garde-corps des balcons réemployés à l’hôtel Roy (1897-1898), ainsi que des supports de barres d’appui de croisées également réutilisés à l’hôtel Roy et à l’hôtel Guimard (1909-1912).
[10] « Fantastique », Dictionnaire Larousse [en ligne], consulté le 19.11.24. URL : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/fantastique/32848
[11] G. Soulier et P. N., Études sur le Castel Béranger, œuvre de Hector Guimard, 1899, p. 13.
[12] On se souvient ici du rapprochement de ce premier style de Guimard avec le style auriculaire du XVIIe siècle évoqué dans l’article de Michèle Mariez publié sur notre site.
[13] Ce qui pourrait illustrer leur fonction de ventilation.
[14] J. Rameau, « Maisons Modernes », Le Gaulois, n° 6323, 3 avril 1899, p. 1.
[15] M. Simon, « La sorcière moyenâgeuse faussement médiévale ? Construction d’une image fantasmagorique » dans É. Burle-Errecade, V. Naudet (dir.), Fantasmagories du Moyen Âge, Presses universitaires de Provence, 2010, p. 201-208. URL : https://doi.org/10.4000/books.pup.2135.
[16] M. Simon, op. cit., p. 201-208.
[17] G. Tempest, « L’araignée », Historia [En ligne], 14 février 2019, https://www.historia.fr/societe-religions/vie-quotidienne/laraignee-2064996.
[18] V. Hugo, Les Orientales, Paris, J. Hetzel, 1829, p. 7.
[19] M. Simon, op. cit.
[20] L. Graham, « Guimard, Viollet-le-Duc et le modernisme », dans Guimard. Colloque international, musée d’Orsay, 12 et 13 juin 1992, Paris, Réunion des musées nationaux, 1994, p. 20.
[21] Ibid., p. 21.
[22] E. Viollet-le-Duc, Entretiens sur l’architecture. Atlas, Paris, A. Morel et Cie, 1863, pl. XXI.
[23] M.-L. Crosnier Leconte, P. Thiébaut, Guimard, Paris, Réunion des musées nationaux, 1992, p. 78
[24] Le Moniteur des arts, 7 juillet 1899, p. 1465-1471.
[25] Le tympan en céramique au quatrième étage sur la façade du bâtiment donnant sur la cour est recouvert d’un émail ocre.
[26] H. Guimard, Le Castel Béranger, œuvre d’Hector Guimard, Paris, Librairie Rouam, 1898.
[27] « Les jardins », Journal de l’Exposition nationale et coloniale de Rouen et moniteur des exposants, 1896, n° 7, p. 3.
[28] Il est cependant possible que la fabrication des métopes en céramique ornant les linteaux métalliques ait été confiée à Alexandre Bigot.
[29] « Les Grandes industries. La tuilerie de Choisy-le-Roi », Journal de l’Exposition nationale et coloniale de Rouen et moniteur des exposants, 1896, n° 14, p. 4.
[30] Ibid, p. 4.
[31] Exposition Universelle de 1900 à Paris. Liste des récompenses, classe 72, céramique, p. 852, Paris, Imprimerie nationale, 1901.
Dans notre précédent article, nous avons décrit les difficultés auxquelles le Service technique du métropolitain et la CMP ont été confrontés pour implanter l’accès et la salle souterraine de la station des Tuileries sur la première ligne du métro de Paris, de 1899 à 1900. En fonction des rejets successifs de leurs propositions par le ministère de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (en charge du jardin des Tuileries), Guimard avait tout d’abord esquissé officieusement, à la fin de l’année 1899, des dessins pour des édicules de forme rampante et affrontés. Puis, en août 1900, il avait produit, cette fois officiellement, un projet de deux demi-édicules à claire-voie implantés sur le trottoir de la rue de Rivoli. Ce dernier projet qui aurait pu devenir l’une des plus belles réussites de l’architecte pour les accès du métro de Paris n’a pourtant pas vu le jour, sans doute en raison de l’opposition résolue des conseillers municipaux anti-édicules.
Après ce refus, Guimard a donc dû étudier un nouveau projet, toujours avec des balustrades, mais cette fois sans marquises. Le principe de la balustrade à écussons ayant été agréé pour les entourages découverts, il était logique qu’il l’utilise pour les accès d’entrée et de sortie de la station Tuileries. Cependant, où placer l’enseigne « METROPOLITAIN » ? Au vu de ce que la CMP a réalisé quelques années plus tard en matière d’accès Guimard sur des trémies étroites, il aurait théoriquement été possible de placer un portique extrêmement réduit devant chacun des escaliers[1]. Mais en 1901 cette idée n’était pas envisageable puisque seuls les modèles standard d’entourages pour trémies de 3 m avaient été agréés.
Guimard se trouvait ici dans une situation proche de celle de l’accès de la station Bastille adossé à la gare du chemin de fer de Vincennes reliant alors Paris à Marles-en Brie.
Cet accès bénéficiait d’une trémie de 2m 75, bien plus large que celles de la station Tuileries, mais tout de même plus étroite que celles des accès standards de la ligne 1. Après le rejet du projet de l’édicule initialement prévu à cet emplacement[2], il a proposé un an plus tard, le 28 mars 1901, un entourage découvert, privé de sa balustrade gauche et pourvu d’un seul candélabre pour assurer la signalisation. En raison de la moindre largeur de la trémie, le porte-enseigne devait être supprimé et l’enseigne accrochée au mur du bâtiment.
Mais comme on peut le voir sur le dessin, cette enseigne murale a été biffée d’une croix et il a finalement été décidé de mettre en place deux candélabres faisant portique, comme sur les autres entourages découverts, mais en raccourcissant le porte-enseigne et en rognant l’enseigne[3] pour faire entrer le tout dans la largeur impartie[4].
Pour la station Tuileries dont l’accès était étudié en même temps que celui de la gare du chemin de fer de Vincennes, il est possible qu’un projet semblable à celui du dessin ait été formé, avec un seul candélabre pour chaque escalier. Nous ne connaissons cependant aucun dessin validant cette hypothèse. En revanche, l’idée de concevoir un cadre spécial pour les enseignes et de les accrocher à la grille du jardin a été retenue pour Tuileries.
Avant d’arriver au montage final — celui que nous connaissons aujourd’hui — et qui n’a été mis en place qu’avec un retard considérable, probablement à la fin de l’année 1901 ou au début de l’année 1902, il faut peut-être encore former l’hypothèse de solutions intermédiaires qui auraient elles aussi été rejetées mais qui auraient l’avantage d’expliquer l’existence de modèles « orphelins ». Il s’agit tout d’abord des potelets d’extrémité hauts pour les balustrades à écussons que nous connaissons.
Ces potelets n’ont en effet pas d’utilité dans le système des entourages découverts où chaque extrémité de la balustrade se rattache à un candélabre du portique. Cependant leur création répond forcément à une motivation qui pourrait être en rapport avec les multiples avatars et avanies de la station Tuileries. Si la possibilité d’un unique candélabre au départ de la balustrade à écussons avait été écartée (ou n’avait pas été envisagée), il fallait alors inventer un modèle d’extrémité d’une hauteur un peu supérieure à celle de la balustrade. C’est donc peut-être à cette occasion que Guimard a conçu les modèles de potelets d’extrémité hauts gauche et droit. Leur terminaison apicale est proche de celle du potelet d’angle haut des balustrades, mais ils en diffèrent par leur base.
Cependant, ce n’est pas cette solution (si elle a bien existé) qui a prévalu mais une autre encore où, cette fois, la balustrade, ses potelets intermédiaires et ses potelets d’extrémités étaient plus bas. Nous ignorons tout des discussions qui ont amené à sa mise en place au détriment de la solution plus évidente de la balustrade à écussons[5]. Peut-être, et toujours dans une volonté de discrétion, a-t-il été demandé de ne pas dépasser la hauteur du muret de la grille ? Pour les potelets intermédiaires et le potelet d’angle, il a suffi à Guimard d’en diminuer la hauteur en en raccourcissant les parties linéaires.
Mais, au lieu de faire de même pour les potelets d’extrémité bas gauche et droit, il a inventé de nouvelles bases s’étalant largement au-dessus de la pierre de socle et donnant l’impression de voir une matière visqueuse s’écouler.
Le changement le plus important a été la création d’un décor central remplaçant les écussons et dont le contour rectangulaire vient s’insérer sur les fers en U verticaux. Nous l’avons surnommé « cartouche » puisqu’il est évidé en son centre, ce qui en fait en quelque sorte un négatif de l’écusson. Le style de Guimard étant en constante évolution, on y remarque une tendance plus forte à l’abstraction, même s’il est toujours possible de voir toutes sortes d’images — et même les plus saugrenues — dans ces masses latérales tourbillonnantes.
Il existe même un modèle cintré de ces cartouches, dont l’existence n’est révélée que par son emploi plus tardif, en 1909, sur l’entourage d’un puits de lumière de la station Nation.
Comme il y a peu de chances que l’élaboration de ce modèle cintré ait été réalisé à l’initiative de la CMP pour cette seule occurrence, il est plus probable que la compagnie s’est servie ici d’un modèle qui avait déjà été conçu par Guimard à l’occasion de son ultime projet pour les entourages de la station Tuileries, mais qui n’avait pas été employé. De même qu’il avait dessiné des édicules et des entourages découverts à fond orthogonal ou à fond arrondi, il a pu vouloir proposer que les accès de la station Tuileries se terminent en demi arc de cercle à l’aide de deux cartouches cintrés. Cette disposition aurait d’ailleurs renforcé la monumentalité de l’entrée dans le jardin des Tuileries en conduisant en douceur le visiteur vers sa grille.
Cependant, cette disposition (si elle a existé) a, elle aussi, pu être rejetée au profit de simples fonds orthogonaux. Mais ces derniers ne pouvant accueillir qu’un module central avec un cartouche surmonté d’un arceau, le comblement du petit espace résiduel de part et d’autre de ce module posait un problème. Celui-ci a été initialement résolu d’une manière peu satisfaisante. Une photo ancienne, extraite du portfolio allemand Modern Kunstchmiede-Arbeiten, paru en 1902, montre l’aspect initial du fond de l’entourage de sortie (côté Louvre). On voit que les petits arceaux placés de part et d’autre du module central sont constitués de ses deux extrémités simplement recoupées et réunies par un angle obtus assez disgracieux.
Le même entourage de sortie a également été photographié à l’époque dans l’autre sens et reproduit dans la revue anglaise Feilden’s magazine, parue en 1903. On voit que la fonction de signalisation était assurée par deux enseignes encadrées et garnies d’ampoules électriques accrochées en hauteur à la grille du jardin, au-dessus de chacun des deux entourages. Elles reposent sur trois consoles constituées de fers en T découpés et pliés, fixées sur les barreaux de la grille du jardin. Celle du centre est démesurément grande. Guimard s’en est sans doute servi pour y fixer les panneaux en tôle émaillée « Entrée » ou « Sortie »[6] qui, contrairement aux autres occurrences de pareils panneaux, ne semblent pas avoir été suspendus par des anneaux sous l’enseigne.
Le dessin par Guimard de cette enseigne en lave émaillée et de son cadre métallique est daté du 18 septembre 1901. Son lettrage « Édicule Grand M » est identique à celui qui était déjà déployé sur les édicules B (comme à la station Porte Dauphine). Sur l’élévation frontale, on voit que la partie supérieure du cadre était constituée d’une tôle découpée et incurvée vers l’avant, sur laquelle deux minces fers en U étaient fixés. C’est entre ces deux fers que Guimard avait prévu de perforer la tôle pour cinq emplacements d’arrivée d’électricité permettant un éclairage nocturne. Celui-ci était réalisé par des ampoules nues placées horizontalement, ce qui paraît assez peu sécurisant en l’absence de protection contre la pluie.
Un troisième exemplaire de cette enseigne encadrée a été fabriqué et accroché au-dessus de l’entrée de la station voisine Concorde, en remplacement de l’enseigne provisoire (cf. article précédent). Cette fois les ampoules électriques étaient placées entre la partie supérieure du cadre et la plaque de lave émaillée.
Initialement conçus, après bien des tergiversations comme nous l’avons vu, les modèles en fonte de l’entourage de la station Tuileries auraient pu y rester confinés, puisqu’en 1901-1902, ils n’avaient pas d’autre emploi. Mais la catastrophe du métro Couronnes en août 1903, sur la ligne 2, a mis en lumière le manque criant de sécurité des infrastructures du métro et en particulier l’absence de sorties de secours[7].
Malgré l’injonction qui lui a été faite de doter d’accès secondaires les nouvelles stations ainsi que les anciennes, la CMP ne s’est que partiellement exécutée pour des raisons financières. Cependant, sur les accès secondaires qui ont été établis, elle se devait d’entourer les escaliers par une balustrade. Celle-ci ne pouvait pas comporter de portique ni de signalisation afin que ces accès ne soient pas confondus avec des accès d’entrée. Pour cette nouvelle fonction, elle s’est donc tournée vers le modèle d’entourage bas conçu pour la station Tuileries, discret et agréé. Ces entourages bas ont été utilisés pour une grande partie des accès secondaires[8] établis jusqu’à la Première Guerre mondiale.
Guimard, qui avait cessé de collaborer avec la CMP en 1903, et qui, en l’échange du règlement des sommes résiduelles qu’il lui réclamait, avait dû lui céder les droits sur ses modèles, n’a donc pas été sollicité à ce sujet et l’important déploiement de ces entourages bas s’est fait hors de son contrôle et sans profit pour lui.
Terminons par l’énumération de quelques modifications qui ont été apportées au travail de Guimard pour la station Tuileries.
Tout d’abord, un porte-plan a été greffé sur la balustrade du côté entrée. Dessiné en 1912 dans un style compatible avec celui de Guimard par les services techniques de la CMP, il a été exécuté en série par le serrurier parisien René Gobert. Ces porte-plans ont alors été posés sur tous les accès Guimard, sans doute avant la Première Guerre mondiale.
À une date que nous ne pouvons pas préciser, mais vraisemblablement lorsque les accès ont été indifféremment affectés à l’entrée ou à la sortie, les panneaux en tôle émaillée « Entrée » et « Sortie » ont disparu. L’enseigne du côté sortie a également disparu (ainsi d’ailleurs que celle de la station Concorde). Quant à l’enseigne du côté entrée, sa plaque de lave émaillée a été cassée en son milieu avant 1984. Le cliché pris à cette date montre aussi que la RATP avait modifié le dispositif d’éclairage. Sur les cinq ampoules nues initialement posées horizontalement, il n’en restait plus que trois, orientées verticalement et protégées de la pluie par une casquette en zinc rectangulaire fixée sur le fer en U supérieur.
Lors des restaurations en 2000, la plaque de lave émaillée a été remplacée par une copie qui ne comporte plus la signature de Guimard. Cependant la RATP ne semble actuellement pas en mesure de localiser la plaque originelle.
Son dispositif d’éclairage a de nouveau été modifié en remplaçant les ampoules par un tube fluorescent très visible. Il est protégé par une nouvelle casquette greffée sur le fer en U supérieur. Elle est cette fois ceinturée par un petit lambrequin dont la partie avant est une copie de la découpe inférieure de la tôle du fond. Quant à ses parties latérales, elles arborent des découpes purement inventées.
Il est à souhaiter qu’à l’avenir, si la disposition originelle ne peut être rétablie avec succès, un dispositif lumineux plus moderne et plus discret permettant l’ablation de la casquette soit adopté.
Sur la balustrade, les petits arceaux anguleux des fonds orthogonaux que nous avons signalés plus haut, étaient encore présents sur un cliché pris par Marcel Boubat en 1956 avec l’écrivain Raymond Queneau sortant de la station Tuileries par l’accès d’entrée.
Ils étaient toujours présents sur des clichés pris par la RATP en 1976, avant d’être ultérieurement remplacés par des modèles arrondis. À cet effet, la RATP a fait réaliser deux modèles spéciaux d’arceaux très étroits (rep. 46 et rep. 49), arrondis et donc plus agréables à l’œil. Sur l’accès d’entrée, le plus large des deux est inséré contre le muret et y pénètre même. Cette entaille plutôt grossière a été creusée dans la pierre dès l’origine puisqu’on la voit déjà sur le cliché de Marcel Boubat pris en 1956.
Contrairement à celles de nombreuses autres stations de métro dont l’implantation et la mise en place de l’accès n’ont pas posé de problèmes particuliers et qui n’ont pas non plus subi de changements très notables par la suite, l’histoire de la station des Tuileries s’est donc révélée pleine de rebondissements. Et peut-être nous permet-elle d’expliquer l’existence de modèles « orphelins » de Guimard pour le métro.
Frédéric Descouturelle
Notes
[1] Après 1903, date de l’arrêt de sa collaboration avec Guimard, la CMP a continué à utiliser ses entourages découverts avec des balustrades à écussons pour équiper des trémies de largeurs très variables. Les plus étroites ont eu une largeur d’1 m 80, à Strasbourg-Saint-Denis en 1903 (4 entourages disparus) et à Réaumur-Sébastopol en 1904 (2 entourages encore en place). Leurs arches ont dû être coudées pour pouvoir recevoir une enseigne au lettrage « entourage comprimé ». Ce type de portique aurait même pu encore être réduit d’une trentaine de centimètres pour recevoir une enseigne « MÉTRO », plus étroite ».
[2] Cf. DESCOUTURELLE, Frédéric ; MIGNARD, André ; RODRIGUEZ, Michel, Guimard l’Art nouveau du métro, Éditions La Vie du Rail, 2012, p. 74. Nous ne connaissons qu’un plan du projet de cet édicule, daté du 18 avril 1900, prévu avec une paroi en plaques de lave émaillée, mais pas les dessins des élévations. Nous pouvons supposer que la marquise envisagée avait une certaine parenté avec celle des demi édicules de la station Tuileries.
[3] La proposition de Guimard du 1er août 1901 d’une enseigne moins large avec un lettrage plus condensé a été refusée et c’est donc une enseigne standard avec un lettrage « entourage Grand M », rognée latéralement, qui a été utilisée.
[4] Cet entourage a persisté jusqu’en 1984, date de la construction de l’Opéra Bastille. L’entourage — protégé au titre des Monuments Historiques —aurait dû être complété par une balustrade gauche et transféré à son emplacement actuel, à l’angle du boulevard Beaumarchais et du boulevard Richard Lenoir. Mais en réalité, il a été démonté et entièrement remplacé par une copie en 1985.
[5] De ce fait, les potelets d’extrémité hauts n’ont pas eu d’emploi sur le réseau pendant plusieurs décennies. La RATP s’en est finalement servie lorsqu’elle a remplacé des portiques Guimard vétustes par un poteau Dervaux placé à l’une des extrémités de la balustrade. Un potelet d’extrémité haut était alors mis en place à l’autre extrémité. Ils ont disparu lorsque ces accès ont été restaurés et ont retrouvé un portique. À la station Daumesnil, un escalator a été mis en place sur l’accès Guimard, ce qui a entraîné la dépose du portique, remplacé par deux potelets d’extrémité hauts. Enfin, devant la Maison de la RATP, 54 quai de la Rapée, le visiteur est accueilli par un portique d’entourage Guimard, suivi de balustrades qui sont terminées par des potelets d’extrémité hauts.
[6] Voir notre article Les signalisations d’entrée et de sortie des accès du métro de Guimard.
[7] Une partie des 84 morts asphyxiés a été retrouvée agglutinée à l‘extrémité nord du quai, dépourvue de sortie vers la surface.
[8] Il y en a eu 47 (y compris l’entourage arrondi du puits de lumière de la station Nation) et il en reste 25.
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