En juin 2023, nous avons écrit à un vendeur d’eBay qui proposait une « poignée de porte en faïence vernissée » qu’il attribuait à Guimard. Nous lui avons signalé que, d’une part il s’agissait d’un bouton de crémone en grès émaillé et que, d’autre part, Guimard n’était pas l’auteur du modèle.
De façon inhabituelle dans ce genre de situation, le vendeur nous a répondu rapidement et aimablement en nous remerciant, ajoutant qu’il s’était inspiré d’une annonce semblable et qu’il allait modifier la sienne. L’annonce a en effet été retirée dans la foulée puis modifiée.
Nous connaissons en effet ce modèle de bouton de crémone d’une hauteur de 8,5 cm qui réapparait de temps à autre sur le marché de l’art. Ils sont émaillés suivant diverses couleurs nuancées, généralement ocres, vertes ou bleues et sertis dans une virole en laiton. Dans cette virole est ménagé le trou qui permet de le fixer au mécanisme et qui — conformément aux modèles de poignées de crémones — comprend un filetage.
Les formes courbes alternativement concaves et convexes qui l’encadrent de façon symétrique en miroir, le rendent très élégant et parfaitement apte à la préhension par la main. Il s’agit donc d’un bel objet, bien représentatif de la production sérielle d’accessoires de style Art nouveau, mais dont l’attribution est peu évidente. Sa symétrie et ses courbes linéaires ne plaident pas pour son attribution à Guimard et le rapprocherait plutôt du travail de Maurice Dufrène.
Cette difficulté dans l’attribution, en suspens depuis plusieurs années, a reçu une solution partielle grâce à la découverte par l’un de nos membres du nom du fabricant. Il s’agit de la société Gentil & Bourdet, établie aux portes de Paris à Boulogne avec laquelle Guimard semble ne jamais avoir travaillé. Elle a été fondée en 1901 par les architectes Alphonse Gentil (1872-1933) et Eugène Bourdet (1874-1952), ce dernier étant originaire de Nancy.
Leur production d’éléments architecturaux en grès moulés était assez proche de celle d’Alexandre Bigot qui avait fondé son entreprise quelques années plus tôt. En revanche, leur production de panneaux de mosaïques, également en grès émaillé, était plus personnelle et leur a permis de faire prospérer leur entreprise plus longtemps que celle de Bigot qui a fermé en 1914.
On connaît quelques catalogues de cette manufacture et dans celui des « Grès de batiment 1902 » on peut trouver une page où figure, en compagnie de six autres modèles, le bouton de crémone que nous présentons. Comme les autres, il est vendu 3,25 F-or non émaillé et 3,75 F-or émaillé. La planche fait mention de « La Randonite / marque déposée ». Nous ignorons ce que recouvre exactement ce terme. Sans doute s’agit-il d’une composition particulière de pâte ?
Le musée d’Orsay possède un bouton de crémone semblable, enregistré sous le n° OAO 1409. Il lui a été offert en 2003, en même temps qu’un bouton de porte en porcelaine bleue de Guimard (enregistré sous le n° OAO 1408)[1] édité par Sauzin (le premier fabricant des boutons de porte en porcelaine de Guimard).
Actuellement, la notice OAO 1409 ne fait plus apparaitre cette photo du bouton de crémone. Elle indique qu’il est en « porcelaine flammée », l’attribue toujours à Guimard et au fabriquant Paquet à Grenoble (le second fabriquant des boutons de porte en porcelaine de Guimard). Il est néanmoins encore possible d’en retrouver l’image en se rendant sur la notice OAO 1408 où il est photographié en compagnie du bouton de porte de Guimard en porcelaine bleue.
Frédéric Descouturelle
Nous remercions M. Fabrice Péronin qui nous a autorisé à utiliser les photographies qu’il avait prises pour illustrer l’annonce de vente sur eBay, ainsi que M. Mario Baeck, docteur en histoire de l’art de l’Université de Gand qui nous a signalé dans quel catalogue de Gentil & Bourdet figure la poignée de crémone.
[1] Thiébaut, Philippe, 48/14 La revue du Musée d’Orsay, « Acquisitions », Paris, Réunion des musées nationaux, 2004, p. 59.
Durant les mois de juillet et de septembre 2023, la villa Berthe – la Hublotière située au Vésinet (78) ouvrira ses jardins au public. L’occasion est idéale pour le visiteur d’admirer d’un peu plus près cette œuvre remarquable construite par Hector Guimard en 1896.
Contemporaine du Castel Béranger dont elle reprend certains traits, la Hublotière est considérée comme la première œuvre Art nouveau de Guimard. L’ouverture des jardins de cette demeure bourgeoise permettra notamment de découvrir l’étonnante façade arrière – invisible de la rue – et d’approcher son toit-terrasse souligné d’élégantes ferronneries d’époque.
L’ouverture est prévue tous les jours du 1er au au 21 juillet inclus, de 9h à 15h, ainsi que du 6 au 30 septembre inclus, du mercredi au dimanche, de 9h à 15h. Le tarif est d’1€ par personne. Les visites sont libres et sans réservation.
Durant le week-end des Journées européennes du patrimoine, les 16 et 17 septembre prochains, des animations sont prévues avec, notamment, la présence de sculpteurs.
Nous vous souhaitons une bonne visite et saluons les propriétaires à l’origine de cette heureuse initiative.
La villa Berthe – La Hublotière, 72 route de Montesson, 78110 Le Vésinet
https://lahublotiere.com/
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