Cette série d’articles consacrée à l’entreprise du céramiste Émile Muller à Ivry donne un aperçu de ses créations dans le domaine de l’Art nouveau. Dans ce quatrième article, nous tentons de cerner la collaboration entre Muller & Cie et Hector Guimard.
La villa Charles Jassedé
Peu après le début de la construction de l’hôtel particulier de Louis Jassedé en 1893, rue Chardon Lagache à Paris, Guimard débute celle d’une villa en banlieue parisienne pour Charles Jassedé, le cousin de Louis, au 63 route de Clamart (act. avenue du Général-de-Gaulle) à Issy-les-Moulineaux.
Réalisée avec un budget bien moindre que celui de l’hôtel Jassedé, cette maison de campagne présente néanmoins quelques détails pittoresques comme ses deux décrochements sur la façade sur rue, les hautes cheminées et l’encorbellement (plus symbolique que réel) de la travée droite de cette façade par des fers obliques.
À cette occasion, Guimard ne crée pas de nouveaux modèles de céramique architecturale, mais se contente de puiser dans ceux qu’il fait déjà éditer chez Muller & Cie et même dans ceux du catalogue. Il réutilise donc son métope n° 13 pour ceinturer la base de la travée en encorbellement (cinq métopes du côté rue, sept du côté de la façade latérale droite), reprenant également le parti de leur encadrement par des cornières et des lames en fer comme pour les linteaux des fenêtres de l’hôtel Jassedé.
Cette série d’articles consacrée à l’entreprise du céramiste Émile Muller à Ivry donne un aperçu de ses créations dans le domaine de l’Art nouveau. Dans ce troisième article, puis dans le prochain, nous tentons de cerner la collaboration entre Muller & Cie et Hector Guimard.
Nos articles ne présenteront pas tous les dessins de céramique architecturale de Guimard connus et destinés à Muller & Cie ni toutes les occurrences d’utilisation de ses panneaux décoratifs par d’autres architectes. Cette étude exhaustive est menée parallèlement pour la constitution d’un répertoire spécifique.
Hector Guimard est un cas particulier parmi les architectes modernes qui fournissent des modèles à Muller & Cie puisqu’il fait appel à la Grande Tuilerie d’Ivry pour le décor de ses premières villas construites dans l’ouest parisien dès le début des années 1890. Ces commandes débouchent immédiatement sur l’édition de modèles. Mais curieusement, dès la construction du Castel Béranger en 1895-1898, Guimard ne semble plus passer commande à Muller & Cie et s’adresse alors à Gilardoni & Brault et à Alexandre Bigot. Presqu’une décennie plus tard, 14 de ses modèles continuent cependant de figurer au catalogue n° 2 de Muller & Cie de 1904.
Dès sa première construction connue, un modeste pavillon vantant les méthodes thérapeutiques de l’électricité et de l’électromagnétisme[1] pour un obscur Ferdinand de Boyères à l’Exposition universelle de 1889, Guimard utilise la céramique[2] en décor des panneaux insérés dans la menuiserie. La revue professionnelle La Construction Moderne du 22 mars 1890 en donne une gravure (sans doute d’après photo) mais nous ignorons quels ont été les modèles de céramiques utilisés et quel en a été le fournisseur.
L’hôtel Roszé
Deux ans plus tard, en 1891, pour l’hôtel Roszé au 34 rue Boileau dans le XVIe arrondissement, nous avons la certitude d’une véritable collaboration entre Guimard et Muller & Cie grâce à la présence de plusieurs panneaux de l’hôtel sur le catalogue n° 2 de 1904. À cette époque, Guimard n’a que 24 ans et il est loin d’avoir la notoriété qui sera la sienne à partir du Castel Béranger. La nouveauté de ses modèles qui nous semble actuellement moins évidente, doit pourtant être alors suffisante pour que Louis d’Émile Muller pressente que ce jeune architecte mérite l’attention.
Construit contre un mitoyen du côté droit, l’hôtel comprend trois façades, actuellement difficilement lisibles de la rue en raison de la palissade et de l’envahissement par les glycines.
En façade sur rue, sur la travée de gauche, les frises placées de part et d’autre du linteau[3] de la fenêtre du premier étage sont revêtues de panneaux en quatre éléments figurant une branche d’où sortent alternativement une fleur bleue et une fleur blanche.
Chères abonnées et chers abonnés,
Le Cercle Guimard est au regret de devoir annuler les prochaines visites guidées prévues les 28 et 29 mars, au vu de la situation sanitaire actuelle et des mesures prises par le gouvernement.
Nous reviendrons vers vous, avec de nouvelles dates de visites, une fois que la situation le permettra.
Dans l’attente de vous retrouver au printemps pour de nouvelles visites guidées, nous vous souhaitons bon courage pour les semaines à venir.
Portez-vous bien.
Emilie Dominey
Responsable des visites guidées
Cette série d’articles consacrés à l’entreprise du céramiste Émile Muller à Ivry donne un aperçu de ses créations dans le domaine de l’Art nouveau. Le premier article résumait l’historique de l’entreprise. Dans ce second article nous abordons plus précisément les collaborations avec les artistes et les architectes de ce mouvement artistique. Les troisième et quatrième article s’intéresseront aux éditions de modèles d’Hector Guimard chez Muller & Cie et le cinquième au secteur des cheminées.
Après le décès d’Émile Muller en 1889 au lendemain de l’Exposition universelle, la direction de l’entreprise échoit à son fils Louis d’Émile Muller. Ce dernier développe un secteur artistique en éditant des artistes contemporains et en intensifiant les relations avec les architectes pour la création de nouveaux modèles qui seront édités ou non.
L’hôtel particulier dit La Pagode édifié dans un style japonais en 1895-1896 par l’architecte Alexandre Marcel pour le directeur du Bon Marché, au 57 rue de Babylone à Paris, en est un bon exemple. Seule une partie du décor en grès émaillé se retrouve sur le catalogue.
Parmi les jeunes créateurs qui entrent en relation avec Muller & Cie, beaucoup vont participer de près ou de loin au mouvement artistique de l’Art nouveau, tourné vers l’art décoratif et l’architecture. Leur travail va générer un grand nombre de nouveaux modèles qui sont susceptibles pour certains d’être réemployés par d’autres. Il est donc essentiel pour une entreprise telle que la Grande Tuilerie d’Ivry de se maintenir au goût du jour et de pouvoir fournir sans retard ceux des architectes, entrepreneurs et décorateurs qui ne sont pas eux-mêmes des créateurs mais qui désirent donner à leur travail un aspect moderne. Les catalogues Muller & Cie vont donc intégrer un nombre conséquent de modèles de style Art nouveau.
Le catalogue n° 1 qui comprend les matériaux de construction avec les briques et les tuiles, s’enrichit de modèles dans lesquels l’Art nouveau fait une apparition discrète à la planche 33 avec deux modèles de tuiles de rives et frontons qui encadrent un modèle plus traditionnel néo-Renaissance. Il s’agit de modèles non signés par un architecte et qui ont donc été achetés à un artiste industriel anonyme.
Nous nous appuierons plus volontiers sur le pléthorique catalogue n° 2 de 1904, essentiellement consacré aux produits destinés au décor architectural extérieur et intérieur, mais qui comprend aussi des vases, des objets d’art et des bibelots. On y retrouve de nombreux artistes connus et parmi ceux qui travailleront dans le courant de l’Art nouveau on peut citer les sculpteurs Pierre Roche, Ringel d’Illzach, Jean Dampt, Timoléon Guérin ou Louis Chalon.
Cette série d’articles consacrés à l’entreprise du céramiste Émile Muller à Ivry donne un aperçu de ses créations dans le domaine de l’Art nouveau. Dans ce premier article nous abordons l’historique de l’entreprise et la variété de ses créations. Un second article s’intéressera à la production de Muller dans le style Art nouveau, les troisième et quatrième articles aux éditions de modèles d’Hector Guimard et un cinquième au secteur des cheminées.
Émile Muller (1823-1889) est originaire d’Altkirch en Alsace, près de Mulhouse. Issu d’une famille aisée, il termine ses études à Paris en sortant diplômé de l’Ecole Centrale des Arts et Manufacture en 1844. Il en sera par la suite professeur de constructions civiles pendant 24 ans, à partir de 1864.
Son implication dans le domaine de l’enseignement se manifeste aussi par sa participation à la fondation de l’École Spéciale d’Architecture[1] et de l’École libre des Sciences Politiques (actuelle Sciences-Po). Il préside également la Société des ingénieurs civils où il aura Gustave Eiffel comme successeur. Animé d’idées sociales, après avoir construit plusieurs équipement publics, Émile Muller réalise une cité ouvrière à Mulhouse en 1853, première expérience française de logements familiaux décents avec jardinets. Il s’engage aussi dans les protections des ouvriers contre les accidents de travail.
L’année suivante, en 1854, Émile Muller fonde une société de fabrication de tuiles à Mulhouse puis quelques mois plus tard achète un grand terrain pour fonder la Grande Tuilerie d’Ivry, située en bord de Seine, sur la route nationale Paris-Bâle, à proximité de carrières d’argile de la banlieue sud de Paris. Une salle d’exposition et de vente sera ouverte à une date que nous ne connaissons pas mais sans doute très postérieure, à une adresse plus prestigieuse : 3 rue Halévy, près de l’Opéra de Paris.
L’usine produit tout d’abord des tuiles à emboîtement selon le procédé breveté par les frères Gilardoni, eux aussi originaires d’Altkirch.
Les accessoires de toitures tiennent une part importante de la production car ils permettent de personnaliser un bâtiment. Plusieurs architectes sont donc à l’origine d’un certains nombre de modèles spéciaux qui peuvent ensuite être édités.
Après le démarrage de la fabrication de produits émaillés en 1866, la Grande Tuilerie d’Ivry diversifie ses activités en produisant des briques brutes et émaillées et des décors de façade en terre cuite, brute ou émaillée. Leur composition permet une cuisson à haute température les rendant imperméables.
En 1871-1872, Muller fournit son premier décor architectural d’envergure pour le moulin de la chocolaterie Menier à Noisiel, premier bâtiment à structure métallique portante au monde, dû à l’architecte Jules Saulnier.
Peu après, en 1875, l’usine compte 150 ouvriers. Muller est bien sûr présent aux Expositions universelles, celle de 1867 et celle de 1878 où il assure le succès de la céramique architecturale. À l’Exposition universelle de 1889, les dômes des palais des Beaux-Arts et des Arts libéraux parés de ses tuiles émaillées bleu turquoise font sensation.
Il y présente également pour la première fois des grès émaillés. La reproduction de la Frise des archers[2] du palais de Darius 1er à Suse (Perse), entreprise en grès émaillé pour cette exposition, ne sera pas achevée à temps et ne sera finalement exposée qu’en 1893 à l’Exposition universelle de Chicago. Quant à la reproduction par Muller de la Frise des lions issus du même palais de Darius 1er, elle se fera au Salon des Artistes Français en 1896. Entre temps, ces deux thèmes auront été mêlés et complétés par des colonnes et des jardinières pour le décor du jardin d’hiver d’un hôtel particulier en 1893, décor ensuite proposé sur catalogue et facturé au nombre d’archers demandé.
C’est à l’issue de l’exposition qu’Émile Muller décède le 11 novembre 1889. Son fils Louis (1855-1921), dit Louis d’Émile, lui succède alors à la direction de la société dont le nom devient « Émile Muller & Cie ». Tout en conservant la production de briques émaillées et de tuiles mécaniques de la Grande Tuilerie d’Ivry, Louis d’Émile Muller lui ouvre de nouveaux domaines d’exploitations.
Le Cercle Guimard vous propose une nouvelle date de visite guidée, sur les traces des plus grands représentants de l’architecture moderne, dans le 14ème arrondissement :
Rendez-vous à l’entrée de la villa Seurat dans le 14ème arrondissement pour débuter le parcours…
En vous souhaitant une belle journée , et à bientôt pour les dates de visites du mois d’avril !
Merci de cliquer sur l’horaire qui vous convient :
Date / Heure | Événement | Places disponibles |
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sam 14/12/2024 / 10:00 | Visite guidée "Paris et l'architecture du commerce : des galeries aux grands magasins" | 2 |
Le 15 février dernier l’engouement populaire était bien visible aux abords de la Villa Majorelle pour son inauguration après plusieurs années de restauration. L’annonce de sa réouverture au public avait d’ailleurs largement franchi les limites de la ville et mis en effervescence le monde de l’Art nouveau français et européen, faisant de cette manifestation l’un des évènements culturels de ce début d’année.
Le Cercle Guimard, invité pour l’occasion, avait fait le déplacement. La réouverture de ce joyau de l’Art nouveau construit vers 1901 sur une commande de l’ébéniste Louis Majorelle (1859-1926) au jeune architecte parisien Henri Sauvage (1873-1932) n’était d’ailleurs que le point d’orgue d’un week-end festif fièrement soutenu par la population locale et les grandes institutions culturelles nancéiennes qui avaient laissé leurs portes ouvertes.
Après un nettoyage partiel en 1999 pour l’année de l’Ecole de Nancy et quelques interventions en 2013, quatre années supplémentaires ont été nécessaires pour redonner tout son éclat à la Villa Majorelle. A l’extérieur les mitres, préventivement déposées au milieu des années 2000, ont retrouvé leur place au sommet des cheminées. Le bow-window en façade nord – ajout malheureux du temps de l’administration – a été démoli. Les chéneaux et les balcons en façade ouest ont été restitués et les grés émaillés de Bigot – dont la magnifique balustrade nord dessinée par Sauvage – restaurés et nettoyés. Autant de travaux indispensables qui ont rendu à la Villa sa silhouette si caractéristique et l’harmonie originale voulue par Sauvage et Majorelle. Le parti pris retenu étant l’état connu de la Villa avant 1926 – date de sa vente à l’Etat par Jacques le fils de Louis Majorelle – les modifications liées notamment au bombardement de 1916 ont été conservées comme la suppression de la terrasse sud.
Un seul regret lié à l’histoire immobilière du quartier : le terrain d’origine a été amputé de la majeure partie de sa surface. Le jardin se réduit aujourd’hui à une bande verte entourant la Villa privant du recul nécessaire à l’observation et à la mise en valeur d’un tel bâtiment.
La rénovation intérieure est tout aussi spectaculaire. L’objectif affiché a été de restituer l’ambiance d’une maison familiale habitée par l’un des artistes les plus éminents de l’Ecole de Nancy plutôt que d’en faire un musée, rôle dévolu au musée de l’Ecole de Nancy. L’étude des documents d’époque – notamment les articles parus en 1902 dans les revues Art et Décoration et l’Art décoratif – et de l’album de famille des Majorelle acquis en 2003 ont permis en partie de retrouver l’aménagement et les décors d’origine ou à défaut de s’en approcher.
Passée la marquise au décor de monnaie-du-pape puis le vestibule et son étonnant fauteuil intégré, le visiteur se trouve comme happé par l’imposante et verticale cage d’escalier éclairée par le vitrail de Gruber autour de laquelle s’enroule la rampe dessinée par Sauvage et exécutée par Majorelle.
Certains ensembles mobiliers ont retrouvé leur emplacement d’origine comme la chambre des Majorelle au 1er étage ou la salle à manger du rez de chaussée – probablement la pièce la plus réussie –, deux ensembles acquis en 1984 et 1996 par le musée de l’Ecole de Nancy. Quelques achats plus récents réalisés par l’Association des Amis du musée de l’Ecole de Nancy complètent ce remeublement.
Tout au long de la visite le décor sert de fil conducteur formant un tout avec l’architecture. Partout une lumière savamment calculée met en valeur la diversité des matériaux et la disposition des lieux illustrant toute la modernité du bâtiment. En plus d’être une vitrine des artistes nancéiens, la Villa Majorelle est un véritable manifeste de l’Art nouveau.
La visite se termine presque trop rapidement. Il faudra patienter deux années supplémentaires pour découvrir les dernières pièces encore fermées au public. En 2022 la rénovation intérieure sera entièrement achevée rendant notamment accessible l’atelier de Louis Majorelle au 2ème étage.
Nous profitons de notre présence dans la ville pour visiter le musée de l’Ecole de Nancy qui possède la plus belle collection illustrant ce mouvement. Devant l’entrée nous croisons sa directrice Valérie Thomas qui avec ses équipes n’a pas ménagé ses efforts pour que le projet de réouverture de la Villa Majorelle aboutisse.
Au 1er étage de l’institution, quelques meubles au style bien caractéristique se distinguent parmi les chefs d’œuvre de Vallin, Gruber, Majorelle ou Gallé : le musée expose en effet un petit ensemble de bureau signé… Hector Guimard, provenant de son hôtel particulier de l’avenue Mozart et donné par sa veuve en 1949. Le lien est fait.
Olivier Pons – Bruno Dupont
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